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La prime pour l'emploi (PPE) un outil de politique publique à  fonctions multiples, un sujet permanent de réforme et de redéfinition.

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par Thierry GATINES
UPMF Grenoble 2  - Master 2 Evaluation et management des politiques sociales 2015
  

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E - Redistribution et politique de l'emploi

Le système français de redistribution peut être ramené schématiquement à la combinaison de trois types de transferts : une prestation différentielle, purement dégressive, une prestation mixte, d'abord forfaitaire puis dégressive, et une prestation forfaitaire sous plafond de ressources. Les transferts sociaux français peuvent être répartis entre ces trois catégories. Certains sont d'un montant forfaitaire puis s'annulent au-dessus d'un plafond de ressources, d'autres sont forfaitaires sans condition de ressources, comme les allocations familiales, d'autres sont dégressifs avec le revenu, d'autres enfin sont d'abord forfaitaires puis dégressifs avec le revenu, à l'exemple de la Prime pour l'emploi. Les prélèvements fiscaux sont, quant à eux, globalement progressifs avec le revenu. L'agrégation de ces prestations et prélèvements divers conduit à un profil de l'ensemble des transferts nets, globalement dégressif avec le revenu pour toutes les configurations familiales. La dégressivité est plus forte pour les plus bas revenus. Le revenu net de prélèvements et de transferts est alors insensible aux hausses du revenu brut. En d'autres termes, le taux marginal de prélèvement est proche de 100 % si l'on ne considère pas en première analyse le mécanisme d'intéressement32. Puis, au fur et à mesure que l'on s'élève dans les niveaux de revenus, les prestations sont de moins en moins dégressives, jusqu'à devenir complètement séparées et indépendantes du revenu. Le taux marginal de prélèvement diminue avec le revenu brut avant de remonter lorsque l'on atteint la zone d'imposition sur le revenu ; il prend ainsi globalement la forme d'un « U » (Anne, L'Horty, 2002).

S'agissant de l'emploi, l'effet d'une modification du revenu d'activité sur le montant des transferts peut exercer une influence déterminante dans la décision d'un bénéficiaire de reprendre un travail (Anne, L'Horty, 2002). L'idée est émise, dès 2000, que des problèmes d'offre affectaient le marché de travail, alors que jusqu'à la fin des années

32 L'intéressement permettait à un bénéficiaire du RMI reprenant une activité salariée, par exemple, de ne pas prendre en compte son salaire dans le calcul du RMI au cours du trimestre de la reprise d'emploi et durant le trimestre suivant, et à hauteur de 50 % les neuf mois suivants. De même, l'exonération totale de la taxe d'habitation était conservée durant une année pour les anciens bénéficiaires du RMI. L'intéressement permettait donc de réduire les taux de prélèvements des bénéficiaires retrouvant un emploi (Anne, L'Horty, 2002).

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1990 les politiques de l'emploi ont essentiellement visé à stimuler la demande de travail, notamment à travers les baisses dégressives de cotisations patronales (Arnaud, et al., 2008).

S'agissant de la PPE, les trappes à inactivité sont alors évoquées, notamment pour les bénéficiaires de minima sociaux et d'allocations chômage, dans l'esprit même de la loi du 30 mai 2001 : « Afin d'inciter au retour à l'emploi ou au maintien de l'activité, il est institué un droit à récupération fiscale, dénommé Prime pour l'emploi, au profit des personnes physiques domiciliées en France » (Arnaud, et al., 2008).

1 - La redistribution des revenus

La PPE « est devenue, malgré des coûts budgétaires aujourd'hui colossaux33, une des vaches sacrées de la redistribution publique en France » (Mongin, 2010). Dans cette lutte « égalisatrice », et dans la redistribution des revenus, les prestations ont plus d'impact que les prélèvements sur l'égalisation des niveaux de vie. L'IRPP et la PPE sont largement « redistributifs». Ils contribuent à eux deux à 30 % de la réduction des inégalités (suivi des prestations familiales, avec 27 % de « contributivité », et enfin, des aides au logement et des minima sociaux qui contribuent respectivement à 17 et 15 % de la réduction des inégalités) (Elbaum, 2011).

Concernant l'effet redistributif de la PPE, ce sont de fait les classes moyennes, et non les ménages les plus modestes, qui bénéficient majoritairement de la Prime pour l'emploi (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001). Compte tenu des conditions d'attribution de la PPE, les bénéficiaires de la prime se situent à mi-chemin entre deux catégories de publics : la première est constituée de chômeurs ou de salariés occupant des emplois très précaires ou à temps très partiel. La deuxième comprend des individus installés dans l'emploi de manière plus stable et ayant un salaire plus élevé (Arnaud, et al., 2008).

La PPE est largement distribuée dans la population puisqu'elle touchait huit millions de foyers fiscaux, soit près d'un quart, en 2001. Son coût s'est élevé dès le départ, au titre des revenus 2000, à environ 2,5 milliards d'euros34. Même si près de 70 % du montant global de la PPE bénéficie à la moitié la moins aisée de la population, le dispositif n'est pas ciblé sur les foyers les plus modestes, mais plutôt sur les déciles 2 à 6. En effet, seuls 9,7 % des ménages bénéficiaires faisaient partie du premier décile, tandis que la PPE se diffuse jusque dans le haut de la distribution des niveaux de vie (Arnaud, et al., 2008).

33 La prime pour l'emploi était la troisième dépense fiscale la plus importante en 2008 par exemple, elle concernait 8,7 millions de salariés (Laurent, 2010).

34 La montée en charge du dispositif est importante : à titre de comparaison, le coût de la Prime pour l'emploi a atteint 2,3 milliards d'euros en 2002 au titre des revenus 2001, 2,3 milliards d'euros en 2003, 2,4 milliards d'euros en 2004 et 2,9 milliards d'euros en 2005.

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Il apparaît que la Prime pour l'emploi a des effets redistributifs assez diffus, mais également qu'elle aide insuffisamment les ménages les plus situés aux franges de l'emploi : les travailleurs pauvres (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale 2001). Ce constat n'est guère étonnant puisque son but est l'incitation au travail et la redistribution vers les actifs pauvres, et non la redistribution en soi. Par construction, la PPE, visant à inciter au travail, est moins redistributive que ne pourrait l'être une mesure spécifiquement redistributive, mais qui aurait le défaut d'être désincitative au travail (Stancanelli, Sterdyniak, 2004). Cependant, et dans l'idéal, « vouloir le plein emploi implique aussi de subordonner des décisions fiscales ou sociales à caractère redistributif au critère de leur contribution à l'emploi, et de préférer systématiquement la redistribution par l'emploi à d'autres formes de répartition du revenu » (Pisani-Ferry, 2000 : p. 60). Cet aspect représente un point positif en faveur de la PPE s'agissant de sa fonction redistributive.

Encadré 5 :

Quelques remarques à mi-chemin entre redistribution et incitation à l'emploi

L'analyse de la redistributivité de la PPE pose quelques problèmes. La PPE part du postulat que les travailleurs non-qualifiés ne sont que faiblement rémunérés par rapport aux personnes qui ne travaillent pas. La redistribution qu'elle opère ne peut donc pas être jugée en soi (dans ce cas la PPE apparaîtrait toujours moins redistributive que la hausse des minima sociaux) ; elle ne peut être jugée qu'à travers le principe : « Il faut que le travail paie ».

Cette affirmation n'a de sens que si les personnes peuvent choisir de travailler ou de rester inactives. Autant il est normal que le travail paie en situation de plein emploi, autant cette règle est contestable en situation de chômage de masse, c'est-à-dire la situation d'aujourd'hui. Jean et Pierre postulent à un emploi, si Jean l'obtient, faut-il que les pouvoirs publics subventionnent Jean au détriment de Pierre, qui préférerait travailler ? La PPE comporte obligatoirement des effets d'aubaine (on subventionne Jean qui aurait travaillé sans cette prime) et des injustices (le revenu relatif de Pierre est minimisé alors qu'on ne peut savoir si Pierre est un vrai chômeur ou quelqu'un qui préfère rester sans emploi). La PPE, en elle-même, augmente le revenu des travailleurs pauvres sans diminuer l'allocation versée aux personnes inactives. On peut être tenté de dire : « Après tout, augmenter le revenu des travailleurs pauvres est toujours une bonne chose ». Le problème est qu'une fois que l'objectif politique devient de maintenir un écart important entre le revenu des sans emplois et celui des actifs et, compte tenu des contraintes budgétaires, le risque est grand que les revenus minima en pâtissent : augmenter le RSA par exemple devient plus coûteux puisqu'il faut en même temps augmenter le revenu des « Smicards » pour ne pas affaiblir les effets incitatifs (Stancanelli, Sterdyniak, 2004).

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore