CHAPITRE I - Présentation du dispositif de la
Prime pour l'emploi (PPE)
L'objet du premier chapitre est de présenter le
dispositif de la PPE. L'objectif est de comprendre cet outil de politique
publique en partant de sa genèse : le besoin social du début des
années 2000 (dans un contexte d'interpénétration
croissante de l'assistance et de l'emploi précaire) (Martin, Paugam,
2009), le contexte politique de l'époque, les exemples étrangers
à disposition (notamment britannique et américain). L'objectif
est également de comprendre les principales applications du dispositif :
la redistribution des revenus et l'incitation à l'emploi, ce dernier
exprimant un nouveau régime de mise au travail (Martin, Paugam, 2009).
Enfin, l'examen de ses évolutions (réformes et revalorisations)
est un moyen de comprendre les directions que le dispositif a pu prendre au fil
du temps.
Au-delà de l'incitation au travail et de sa
mécanique redistributive, la PPE contribue aussi à réduire
la pauvreté, les inégalités, et l'exclusion sociale.
Il peut être affirmé que «
désormais activité et pauvreté font bon ménage
» (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 1).
« Selon l'Observatoire de la pauvreté,
il y avait en 2001, 3,6 millions de personnes dont le niveau de vie
était inférieur au seuil de pauvreté défini
à 50 % du niveau de vie
médian11. Un million d'entre elles
travaillaient » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 1).
En 2006, en France, il y avait 1,3 à 1,4 millions de travailleurs
pauvres à 50 % du revenu médian, et 2,4 à 2,5 millions de
travailleurs pauvres à 60 % du revenu médian (Foyer Notre Dame
des Sans Abris (FNDSA), 2008).
Quelle équation sociale permettrait de lutter contre la
pauvreté par l'activité, quand des travailleurs restent dans la
pauvreté12, quand un emploi précaire n'est plus
forcément un tremplin vers un emploi stable ? (Allègre,
Périvier, 2005 - 1)
L'étude de la PPE, tant dans sa genèse que dans
les modifications qui ont pu être apportée au dispositif originel,
permet de comprendre l'enjeu et la difficulté du combat contre la
pauvreté (laborieuse), les inégalités, l'exclusion, mais
aussi, sur un plan plus
11 « Le seuil de pauvreté
généralement utilisé en France correspond à 50 % du
revenu médian, cependant la majorité des pays européens
utilise un seuil de pauvreté correspondant à 60 % de ce revenu.
Néanmoins, les ménages dont les revenus se situent juste
au-dessus de ces seuils, définis arbitrairement, ne sont pas riches pour
autant. Nous parlons donc de pauvreté au sens statistique »
(Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 1).
12 « La définition généralement
retenue du travailleur pauvre est celle d'un individu qui a un emploi, mais
dont les revenus du foyer auquel il appartient ne dépassent pas le seuil
de pauvreté. Selon cette définition, un travailleur à bas
salaire n'est pas considéré comme pauvre s'il appartient à
un ménage dont les revenus sont supérieurs à ce seuil
» (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p. 2).
7
technique, contre les trappes à inactivité
pouvant être créées par le système
socio-fiscal13, ou tout simplement par des aspects pratiques de la
vie14 (Périvier, 2003 ; Portail des Sciences Economiques et
Sociales, 2008).
A - La Genèse du dispositif
« À la fin des
années 1990 émerge en France un débat important sur les
thèmes de l'incitation au travail des titulaires de minima sociaux et de
la pauvreté de certains travailleurs. Ce débat conduit notamment
en 1998 au renforcement du mécanisme d'intéressement des minima
sociaux (RMI, API). Plus largement, une réflexion s'engage sur
l'opportunité d'instaurer, comme en Grande-Bretagne ou aux
États-Unis15, un dispositif à la fois destiné
à encourager l'emploi et à réduire la pauvreté des
travailleurs. Une Prime pour l'emploi (PPE) est finalement créée
en 2001, « afin d'inciter au retour à l'emploi ou au maintien de
l'activité16 » en complétant les revenus des
travailleurs faiblement rémunérés » (Bonnefoy et
al., 2009 : p. 87). Sa création s'est inscrite en 2001 dans un
ensemble de réformes portant tant sur l'allocation-logement, que sur la
taxe d'habitation ou l'impôt sur le revenu (Stancanelli, Sterdyniak,
2004).
Plus dans le détail, une réflexion avait
été conduite afin de mettre en évidence certains des
effets pervers du système français de prélèvements
et de transferts, en particulier l'existence de «trappes à
inactivité17 », c'est-à-dire de
situations dans lesquelles l'emploi est, d'un point de vue strictement
financier, moins attractif que le non emploi, en raison notamment du niveau
très élevé des taux marginaux de prélèvement
effectif en bas de l'échelle des revenus18. De plus,
« l'idée qu'il existerait des « trappes à
inactivité » se
13 Ce phénomène pouvait d'ailleurs
être aggravé également par la perte au niveau local d'un
ensemble de prestations sociales (aides au transport, prise en charge de
factures d'eau ou d'électricité, etc.) à la reprise d'un
emploi comme l'ont montré les travaux d'Anne et L'Horty en 2002.
14 « Les allocataires de minima sociaux ne seraient
pas incités financièrement à prendre un emploi : les
revenus issus de l'activité, diminués des coûts qu'elle
engendre (transport, habillement, frais de garde des enfants...) seraient
insuffisants pour rendre l'emploi attractif au regard du niveau des transferts
sociaux (financiers et en nature) dont disposent les individus lorsqu'ils ne
travaillent pas » (Allègre, Périvier, 2005 - 1 : p.
1).
15 L'utilisation à cette fin de la fiscalité, et
plus précisément du crédit d'impôt, n'est pas
nouvelle. Les États-Unis ont développé massivement,
à partir du milieu des années 1990, l'Earned Income Tax
Credit (EITC) dans cette optique d'incitation à l'emploi. De
même, à la fin des années 1990, le Royaume-Uni a suivi
cette voie avec le Working Family Tax Credit, (WFTC) (Périvier,
2003).
16 Code général des impôts (CGI),
article 200 sexies.
17 Déjà largement évoquées en 1999,
trois ans avant le lancement de la PPE (Laroque, Salanié, 1999).
18 Une enquête de mars 1997 identifie trois groupes de
chômeurs : le non-emploi volontaire (57 % du panel), le non-emploi
classique (20 % du panel), et 23 % de « chômage réel ».
Le premier groupe est intéressant car il englobe des personnes qui n'ont
pas intérêt à travailler du fait d'un jeu complexe de
prélèvements sociaux et de transferts sociaux (Laroque,
Salanié, 2000). « Le trop faible écart entre les plus
bas salaires et les minima sociaux créeraient des «trappes à
inactivité », des désincitations au travail »
(Palier, 2008 : p 164). « Aujourd'hui, les personnes qui retrouvent un
emploi à temps partiel peu qualifié subissent un taux
d'imposition de leur revenu parfois supérieur à 100 %. Ainsi, un
allocataire du RMI qui retrouve un emploi à mi-temps payé sur la
base du Smic ne gagne en réalité que 260 francs de plus par mois,
voire moins, compte tenu de la perte de certaines allocations qu'entraîne
la reprise d'activité. En améliorant la
rémunération nette du travail, le crédit d'impôt
vise à corriger cette distorsion » (Raulin, 2001 - 2),
(lecture : Salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC)).
8
trouve accréditée par le nombre
croissant de personnes qui bénéficient des mesures
d'intéressement permettant de cumuler prestations et salaires
» (Palier, 2008 : p. 165). Pour pallier à ces défauts,
plusieurs réformes de la législation sociale et fiscale ont
été mises en oeuvre dès 1998, concernant notamment les
aides au logement, les dégrèvements de taxe d'habitation, le
barème de l'impôt sur le revenu pour les contribuables modestes,
et la possibilité de cumuler temporairement un minimum social et des
revenus d'activité. La création de la Prime pour l'emploi a en
fait représenté une étape supplémentaire dans cette
démarche globale de correction des trappes à inactivité
(Cour des comptes, 2006 ; Portail des Sciences Economiques et Sociales,
2008).
Il n'était pas dans les intentions
premières du Gouvernement de rattacher ce dispositif à
l'impôt sur le revenu. Au début, la Prime pour l'emploi devait
prendre la forme d'une réduction de Contribution sociale
généralisée (CSG) et de Contribution au remboursement de
la dette sociale (CRDS) accordées aux personnes disposant de revenus
d'activité, salariée ou non salariée, d'un montant
inférieur à un plafond correspondant à 1,4 salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC). Le Conseil constitutionnel avait
censuré ce mécanisme de « ristourne dégressive »
de CSG et de CRDS, prévu par le projet de loi de financement de la
sécurité sociale (PLFSS) pour 2001, car il n'était pas
conforme au principe d'égalité des contribuables devant
l'impôt. La solution retenue - en urgence - a consisté à le
convertir en un droit à récupération fiscale sur
l'Impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) (Cour des comptes,
2006) représentant une prime liée à l'exercice d'une
activité professionnelle (51 heures minimum par mois sur la base d'une
rémunération au SMIC) (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la
Cohésion Sociale, 2001 ; Hagneré, Trannoy, 2001). Il peut
être également souligné que la PPE, étant à
la fois une mesure sociale et fiscale, était tributaire d'un mode de
décision publique réduit 19 (Doligé,
2008).
« Le dispositif poursuit simultanément
deux objectifs : encourager l'exercice d'une activité professionnelle et
redistribuer du pouvoir d'achat aux travailleurs à bas revenus
» (Cour des comptes, 2006 : p. 284). La PPE consiste en une
allocation dégressive dont le taux plein, pour les inactifs,
décroît au fur-et-à-mesure que les revenus de l'individu
augmentent : on doit à l'économiste néo-classique Milton
Friedmann20 les origines de ce mécanisme. Pour que le
mécanisme de la PPE soit incitatif, le taux de baisse du crédit
d'impôt est moins élevé que celui de la hausse des revenus,
ce qui va dans le sens de
19 « Dans ce cas, il s'agissait des
scènes politico-administratives que sont le commissariat
général au Plan (CGP), le Conseil d'analyse économique
(CAE) ou le cabinet du Premier ministre » (Colomb, 2012-1 : p.
33).
20 Milton Friedman est un économiste
américain né le 31 juillet 1912 à New York et mort le 16
novembre 2006 à San Francisco, considéré comme l'un des
économistes les plus influents du XX?
siècle.
9
l'unique article de la loi du 30 mai 200121 : la
poursuite de l'objectif d'inciter au retour à l'emploi ou au maintien de
l'activité (Colomb, 2012 - 1).
« L'histoire des politiques de l'emploi se
caractérise par une tendance cognitive majeure : par couches successives
se sont rajoutés des instruments aux fondements normatifs pluriels et
contradictoires. Entre la genèse en 1963 de la catégorie «
politiques de l'emploi » avec le Fonds national de l'emploi et la
réduction permanente des cotisations sociales sur les bas salaires en
1993, en passant par la mise en place massive de contrats aidés au cours
des années 1980, se sont succédés des programmes
défendant chacun une définition spécifique des politiques
de l'emploi. Au-delà de cette diversité, se dessine une tendance
significative : les acteurs à l'origine des politiques de l'emploi
valorisent - avec des nuances - le retour à l'emploi salarié et
défendent l'absence de responsabilité des chômeurs dans
leur situation. Ils considèrent que le marché du travail doit
être régulé de manière distincte des autres
marchés. C'est en ce sens que la PPE marque une rupture cognitive. Plus
que l'ajout d'une nouvelle couche aux dispositifs en vigueur à la fin
des années 1990 (réduction du temps de travail, contrats emploi
jeunes, exonération de cotisations sociales), ce mécanisme
signifie une contestation des anciennes logiques donnant lieu à une
remise en cause des principes fondamentaux sur lesquels reposaient les
politiques de l'emploi depuis plus de quarante ans »
(Colomb 2012 - 1 : p. 32).
Le processus de construction de la Prime pour l'emploi
à la fin des années 199022, par la création
d'un crédit d'impôt, est significatif d'un tournant cognitif au
sein des politiques de l'emploi. L'arrivée de nouveaux profils d'acteurs
décisifs au sein de ce secteur a conduit à l'époque
à favoriser une orientation libérale, d'autant plus qu'une
série de rapports administratifs et de productions d'experts a
donné du crédit scientifique et politique à une mesure en
contradiction avec les orientations socialistes du moment. Ce processus a
produit une définition originale des politiques de l'emploi : le
chômeur est compris comme responsable de sa situation, et l'emploi est
plutôt conçu comme une activité que comme un statut. Ce
tournant majeur signe l'arrivée de la thématique du
«making work pay23 » : les incitations
financières ont, d'une part, acquis une place
21 La loi du 30 mai 2008 précise : «
Afin d'inciter au retour à l'emploi ou au maintien de
l'activité, il est institué un droit à
récupération fiscale, dénommé Prime pour l'emploi,
au profit des personnes physiques domiciliées en France »
(Arnaud et al., 2008).
22 Les années 1990 ont donné lieu à un
« tournant néolibéral » dans les politiques publiques
(Jobert, 1994).
23 L'expression est traduite par « valoriser le travail
». Sa logique peut être décomposée en trois temps :
-le chômage est dû non pas à un manque d'emploi mais aux
comportements de ceux qui le proposent ; -de ce fait, il faut corriger leur
comportement en envoyant des signaux mettant l'accent sur le gain financier au
retour à l'emploi ;
-les signaux doivent être lisibles et donc
pérennes pour être efficaces. Le « Making work pay »
peut être mis en place en passant par une pluralité
d'instruments, tels que la baisse des allocations chômage, des avantages
en nature ou l'augmentation des salaires. Ces outils sont
présidés par une même représentation de l'individu :
le chômeur peut arbitrer en fonction de ses gains potentiels.
L'efficacité de cette série causale de
propositions repose sur le couple simplicité/ pérennité du
dispositif. Sans ces caractéristiques, les « anticipations des
agents » ne peuvent se faire que de manière biaisée (Colomb,
2012-1).
10
prépondérante dans l'orientation des politiques
de l'emploi en France et ont, d'autre part, produit une nouvelle
compréhension de ces politiques (Colomb, 2012 - 1).
En conclusion, et en expression des référentiels
de l'époque, l'emploi est désormais considéré comme
une activité et non comme un statut, et le chômeur est
perçu comme étant responsable de sa situation. La création
de la PPE, découlant de ces nouvelles considérations,
représente davantage que la création d'un nouvel instrument,
puisque on y observe une véritable rupture cognitive, remettant en cause
le coeur des politiques de l'emploi menées depuis plus de 40 ans en
France (Colomb, 2012 - 1). Elle a été votée et
appliquée en 200124, faisant obstacle aux propositions
alternatives telle que la ristourne de CSG/CRDS (votée à
l'automne 2000 mais censurée par le Conseil constitutionnel) ou
l'Allocation compensatrice de revenu (ACR), proposition alternative
formulée par Roger Godino en 199925 (Arnaud et al.,
2008 ).
« La prime se classe dans la catégorie
des instruments visant à majorer le taux de salaire net sans
accroître le coût salarial ; son montant est d'autant plus
élevé que l'emploi est à temps plein et payé au
voisinage du SMIC. En cela, la Prime pour l'emploi ne diffère pas
fondamentalement de la ristourne de CSG et de CRDS. Elle ne cherche pas, en
revanche, à compenser l'insuffisance de revenu liée à des
faibles durées de travail annuel. La présentation qui en est
faite par le gouvernement insiste d'ailleurs sur ce point, en soulignant le
fait que la troncature à 0,3 SMIC, introduite dans la prime (et qui
n'existait pas pour la CSG), vise à favoriser les sorties de situations
d'activité réduite et à ne pas inciter au temps
très partiel » (Conseil de l'Emploi, des
Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001 : p. 88). La PPE fonctionne par
le biais d'un crédit d'impôt, un impôt négatif
lié au revenu d'activité tel que le représente le
schéma 1 et le tableau 1.
24 Loi du 30 mai 2001.
25 « Le principe d'une prestation
dégressive a été proposé dès la fin des
années quatre-vingt-dix par Godino (1999). Il lui a alors
été préféré la mise en place d'une
prestation positivement liée au revenu d'activité : la Prime pour
l'emploi (PPE). Cette logique dégressive est celle du Revenu de
solidarité active (RSA) » (Cahuc et al.,
2008 : p.59).
11
Schéma 1 : Un impôt
négatif lié au revenu d'activité
Source : Cahuc et al., 2008 : p. 62.
Tableau 1 : Les effets des dispositifs
d'impôt négatifs
Source : Cahuc et al., 2008 : p.
62.
« Moins souvent mis en avant que l'objectif
incitatif - comme l'atteste d'ailleurs la dénomination de la Prime pour
l'emploi - l'objectif redistributif de la PPE n'en est pas moins central »
(Cour des comptes, 2006 : p. 285). L'aspect
redistributif du dispositif PPE vise à redistribuer les revenus afin de
contribuer à la réduction des inégalités, d'aider
les bas salaires, et de lutter contre la pauvreté et la
précarité26 (par opposition à son aspect
incitatif qui lui vise la pauvreté laborieuse, les trappes à
inactivité, et l'exclusion sociale qui peut découler du choix de
ne pas travailler).
26 « La précarité est l'absence
d'une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l'emploi,
permettant aux personnes et familles d'assumer leurs obligations
professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits
fondamentaux. L'insécurité qui en résulte peut être
plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins
graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté,
quand elle affecte plusieurs domaines de l'existence, qu'elle devient
persistante, qu'elle compromet les chances de réassumer ses
responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même,
dans un avenir prévisible » (Wresinski, 1987
: p. 6).
12
Encadré 1 :
Conditions d'éligibilité à la
Prime pour l'emploi au titre des revenus de 2001
La Prime pour l'emploi ne s'adresse qu'aux foyers
fiscaux dont le revenu est inférieur à un plafond variable, en
fonction de la composition du foyer, et dans lesquels une personne au moins a
exercé une activité au cours de l'année civile (annexe 5).
La PPE est attribuée à chaque personne du foyer fiscal qui
remplit les conditions suivantes pour le revenu d'activité et le revenu
de référence du foyer. Eligibilité individuelle et
condition d'activité professionnelle : exercice d'une
activité professionnelle dans l'année de
référence.
Le revenu annuel d'activité professionnelle
doit être au-dessus de 0,3 fois le SMIC annuel (3 186 euros pour 2001).
Par ailleurs, le revenu d'activité, calculé en équivalent
temps plein sur l'année, doit être inférieur à 1,4
fois le SMIC annuel (14 872 euros pour 2001). Ainsi, un célibataire
ayant travaillé 6 mois pour un salaire égal à 2 fois le
SMIC (ayant donc un revenu total annuel inférieur à 1,4 fois le
SMIC annuel, mais un salaire en équivalent temps plein égal
à 2 fois le Smic) ne pourra pas être destinataire de la PPE. Cette
limite supérieure est portée à 2,13 fois le SMIC (soit 22
654 euros en 2001) pour les couples mono-actifs et les personnes isolées
assumant seules la charge d'un ou plusieurs enfants.
L'éligibilité se fait au niveau du foyer fiscal et le revenu
fiscal de référence du foyer doit se situer en dessous d'un seuil
de 11 772 euros pour les personnes seules, et de 23 185 euros pour les deux
parts des couples soumis à une imposition commune (avec une majoration
de 3 253 euros pour chaque personne à charge) (Arnaud et al.,
2008 ; Conseil de l'emploi, des revenus, et de la
cohésion sociale, 2006 ; La finance pour
tous.com, 2009
).
L'ensemble de ces aspects demandent à être
abordés plus en détail. a - Pauvreté
laborieuse, trappes à inactivité, et exclusion
sociale
La pauvreté laborieuse est présente en
France, touchant tant les salariés que les travailleurs
indépendants (notamment les agriculteurs). En 2008, on
comptait
1,5 millions de travailleurs pauvres (Hirsch, 2008).
Il existe de plus des situations familiales susceptibles d'améliorer ou
d'aggraver la situation des travailleurs pauvres. A ce niveau,
le poids des prestations sociales dans le revenu des ménages pauvres
représente une nécessité absolue (Lagarenne, Legendre,
2000).
Les trappes à inactivité
représentent des situations dans lesquelles l'emploi, sur le plan
strictement financier, est moins attractif que le non emploi, en raison
notamment du niveau très élevé des taux marginaux de
prélèvement effectif en bas de l'échelle des revenus (Cour
des comptes, 2006 ; Margolis, Starzec, 2005).
13
Le chômage, la pauvreté laborieuse, les trappes
à inactivité, peuvent contribuer, en tout ou partie, à des
situations d'exclusion sociale et/ou de marginalisation (Foyer Notre Dame des
Sans Abris (FNDSA), 2008). Dans cette perspective, l'emploi se positionne comme
une source principale d'inclusion sociale (OCDE, 2007).
Ces sujets, qui méritent d'être abordés
plus en détail, font partie du thème général de
« la lutte contre la pauvreté, les inégalités, et
l'exclusion ». Ils seront toutefois abordés ici sous l'angle unique
de l'emploi.
1 - La pauvreté laborieuse
« L'emploi n'est pas un rempart absolu contre la
pauvreté, 33 % des personnes vivant dans des ménages pauvres (et
même 41 % si l'on se limite aux personnes de moins de 65 ans)
étaient des actifs occupés en 2004, ce qui
représentait 5 % de la population. La France se situe dans une situation
moyenne par rapport aux autres pays de l'OCDE en termes de
pauvreté au travail et par rapport à la moyenne des pays de
l'Europe... » (OCDE, 2007 :
p. 54).
La répartition des pauvres varie notamment selon leur
activité, tel que le démontre le tableau 2.
Tableau 2 - Répartition des personnes pauvres
selon leur activité Seuil de 60 % du revenu médian,
2004
Source : INSEE-DGI27,
enquête Revenus fiscaux in OCDE, 2007 : p. 55.
La répartition des pauvres varie également selon
le statut de l'emploi, tel que le démontre, pour l'année 2004
à titre d'exemple, le tableau 3.
27 Direction générale des impôts
(DGI).
Tableau 3 - Composition des actifs pauvres selon le
statut d'emploi dominant dans l'année 2004
(en pourcentage)
Source : Rapport de
l'ONPES28 (2006) in OCDE, 2007 : p. 55.
Quelle équation sociale pour lutter contre la
pauvreté grâce à l'activité ? La lutte contre la
pauvreté est-elle possible par l'emploi sans générer de
pauvreté laborieuse ? La redistribution suffit-elle à
réduire le nombre de pauvres ? (Allègre, Périvier, 2005 -
1). Comment éviter une « France des travailleurs pauvre »,
entre petits boulots, contrats à durée déterminée
(CDD), intérim, et bien souvent grande précarité (Clerc,
2008) ?
L'examen des problèmes posés par la Prime pour
l'emploi, met en lumière la question de la cible visée dans les
politiques de soutien aux bas revenus : veut-on soutenir le pouvoir d'achat des
bas salaires ou veut-on soutenir le niveau de vie des ménages des
travailleurs pauvres ? Les deux projets ne sont pas incompatibles (Conseil de
l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001). Cependant, par
construction, la PPE ne bénéficie pas aux ménages les plus
pauvres, mais aux déciles 2 à 5 de la population (Stancanelli,
Sterdyniak, 2004).
L'équation principale à résoudre, tant
face au problème de pauvreté laborieuse qu'à celui des
trappes à inactivité ou de l'exclusion sociale qu'elles
génèrent, réside dans le fait d'accroître les gains
financiers de l'emploi, et de fait accroître l'emploi. La pauvreté
gagne du terrain au fil du temps chez les actifs, tant en situation d'emploi
qu'en situation de chômage, comme le démontre le graphique 1.
14
28 Observatoire national de la pauvreté et de
l'exclusion sociale (ONPES).
15
Graphique 1 : Répartition par statut des
personnes pauvres
Lecture : les salariés
représentaient 12,6 % des personnes pauvres en 1984 et 20 % en 1995.
Champ : individus de 17 ans et plus à l'exclusion de
ceux qui appartiennent à un ménage dont la personne de
référence est étudiante.
Source : Insee, enquêtes
budget des familles in Conseil de l'emploi, des revenus et de la
cohésion sociale, 2001 : p. 57.
La PPE se positionne alors parmi les instruments de soutien
aux bas salaires, visant notamment à accroître les gains
financiers de l'emploi (sans alourdir le coût du travail). Pour lutter
avec plus d'efficacité contre la pauvreté, la PPE, le SMIC et les
allégements de cotisations sociales doivent être utilisés
de façon cohérente. A cet égard, il peut être
affirmé que la PPE représente une meilleure solution que des
hausses de SMIC combinées à de nouveaux allégements de
cotisations sociales. Le SMIC devrait progresser plus lentement que le salaire
médian ce qui réduirait le coût relatif du travail peu
qualifié et réduirait mécaniquement le poids des
allégements de cotisations sociales, qui sont proportionnels au SMIC,
dans le Produit intérieur brut (PIB). Selon ce courant de pensée,
une partie des ressources disponibles pourrait être mobilisée pour
accroître la Prime pour l'emploi et celle-ci pourrait être mieux
ciblée sur les publics les plus exposés aux « trappes
à bas salaires » et aux situations de pauvreté (OCDE,
2007).
Encadré 2 :
Les instruments de soutien des bas taux de
salaires
Dans les débats récents, on a souvent
présenté deux autres possibilités de relever les bas
salaires sans affecter le coût du travail et donc sans risque de
réduire la demande de travail peu qualifié par les entreprises
:
- l'augmentation du SMIC brut compensée par un
allègement correspondant des cotisations patronales (par exemple
jusqu'à 1,4 SMIC) ;
- le maintien du niveau du SMIC et la réduction des
prélèvements sociaux à son niveau, mesure
dégressive jusqu'à 1,4 SMIC (dont la ristourne de CSG et de
CRDS).
Ces mesures ne sont pourtant pas tout à fait
équivalentes (notamment à l'époque de la mise en place de
la réduction du temps de travail). Une augmentation du SMIC a tendance
à se diffuser sur les salaires immédiatement supérieurs,
mais l'effet s'épuise
progressivement. On a pu estimer que la diffusion
s'éteignait vers 1,4 SMIC. Selon cette hypothèse, la phase
dégressive des allègements de cotisations patronales compense
l'effet de l'augmentation du Smic et la distribution des coûts salariaux
reste inchangée. Il est alors assez indifférent d'agir sur les
cotisations patronales ou salariales, cependant, un allègement des
cotisations salariales ou des cotisations patronales donnent souvent lieu
à des perceptions et opinions variées.
A l'époque de la période de mise en oeuvre de la
réduction du temps de travail, et compte tenu du jeu de la garantie
mensuelle de salaires pour les salariés payés au SMIC, le
relèvement du salaire minimum aurait eu des effets particuliers
(extinction plus rapide du complément de salaire et choc salarial plus
important dans la période finale). Un relèvement du SMIC,
même s'il est compensé par un allègement de charges,
rendrait également plus difficile la reprise souhaitable de la politique
de relèvement des minima salariaux conventionnels de branche. Il est
d'autre part difficile de baisser les taux de cotisations affectant les revenus
de remplacement (retraites), même en compensant leur réduction par
un transfert budgétaire, alors même que l'équilibre
à terme des régimes de retraite n'est pas assuré. Ceci
serait un signal assez peu compréhensible ; de même, affecter les
taux de cotisations de chômage pouvait prêter lieu à
débat après les discussions ayant eu lieu autour de la nouvelle
convention UNEDIC29 de l'époque.
Pour finir, imputer la réduction à la
Contribution sociale généralisée (CSG) posait d'autres
questions relatives à la nature de ce prélèvement qui
constitue un impôt direct sur les revenus, et aussi marquait un retour en
arrière par rapport au mouvement qui avait conduit à introduire
un impôt universel pour financer partiellement la protection sociale. La
solution de la Prime pour l'emploi s'inscrit donc dans cette gamme
d'instruments, en cherchant à éviter certains de leurs
écueils (Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion
Sociale, 2001).
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La Prime pour l'emploi fait partie des instruments de soutien
nationaux aux bas revenus, comme le démontre le tableau 4.
Tableau 4 : Décomposition des instruments de
soutien aux bas revenus en 2001
Lecture : en grisé figure le champ
couvert par les études antérieures. On entend ici par «
aides locales » des aides dont le montant est variable selon la
localisation des bénéficiaires, indépendamment de toutes
autres caractéristiques personnelles ou familiales. Electricité
de France - Gaz de France (EDF-GDF).
Source : Anne, L'Horty, 2012 : p. 50.
29 Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi
dans l'industrie et le commerce (UNEDIC).
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La Prime pour l'emploi va ainsi majorer les revenus faibles
d'activité compris entre
0,3 et 1,4 SMIC, du fait de la troncature à 0,3 SMIC
introduite dans la prime et visant à favoriser les sorties de situations
d'activité réduite et à ne pas inciter au temps
très partiel. Selon les estimations de 2001, un peu moins de 30 % de
l'ensemble des ménages bénéficiait de la Prime pour
l'emploi. Parmi les bénéficiaires, un ménage sur dix
(1/10) était dans le premier décile de niveau de vie (les 10 %
les plus faibles des niveaux de vie) et six sur dix (6/10) se
répartissaient de manière a peu près identique entre le
deuxième et le cinquième décile de niveau de vie (Conseil
de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale, 2001).
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