CHAPITRE II - L'actualité du dispositif PPE
La Prime pour l'emploi est assortie de vives interrogations :
par exemple, ne devrait-elle pas porter un autre nom ? Quelle est sa principale
fonction aujourd'hui ? Pour quelles raisons cette mesure est-elle
appelée si souvent à être réformée ? La Prime
pour l'emploi n'est-elle pas victime de sa fonction multiple ?
Principalement, la Prime pour l'emploi a-t-elle un impact
redistributif, stimule-t-elle l'emploi (Pisany-Ferry in OFCE, 2003), notamment
l'emploi des femmes (Cahuc, 2002),
est-elle socialement juste (Dupond, Sterdyniak, 2001),
est-elle compréhensible, attractive, et efficace (Sirugue, 2013),
peut-elle poursuivre plusieurs objectifs en même temps (Dupond,
Sterdyniak, 2001) ? Enfin, quelles perspectives sont-elles à venir pour
la Prime pour l'emploi (Sirugue, 2013) ?
L'objet de ce second chapitre est de mesurer la pertinence,
l'efficacité, et l'efficience du dispositif de la Prime pour l'emploi
(problématique).
L'objectif est de vérifier la pertinence du dispositif
face à ses objectifs premiers : l'incitation à la reprise et au
maintien dans l'emploi, et la lutte contre la pauvreté laborieuse (et
in fine la lutte contre les inégalités,
du moins dans la catégorie des actifs au travail). Ces deux principaux
objectifs sont-ils atteints, et quel sont réellement leurs impacts
redistributifs et ceux sur la stimulation de l'emploi (l'emploi des femmes en
particulier) (Pisani-Ferry, 2003 ; Cahuc, 2002) ? D'autre part, ces deux «
missions » sont-elles en mesure de cohabiter : en l'espèce, ce
dispositif peut-il poursuivre en même temps deux objectifs distincts
(Dupond, Sterdyniak, 2001 ; Commission familles, vulnérabilité,
pauvreté, 2005 ; Cour des comptes, 2011) ?
En position de neutralité face aux thèses en
présence, l'objectif est par là-même d'apporter une
réponse aux questions centrales. Ces réponses s'articuleront
autour d'une reformulation simplifiée du questionnement : pourquoi
finalement la Prime pour l'emploi n'a-t-elle pas fonctionné, et quelles
sont ses perspectives d'avenir ? A ce titre, l'analyse mettra en
évidence, en démonstration, les avantages et les
inconvénients de cet outil de politique publique.
Pour poursuivre, la question de la justice sociale sera
abordée, dépassant une approche seulement monétaire de
l'aide qui peut être apportée aux personnes en situation de
reprise d'emploi, ou de maintien dans un emploi faiblement
rémunéré : la PPE est-elle socialement juste (Dupond,
Sterdyniak, 2001) ? Notamment s'agissant de primer des actifs au travail quand
plus de 3 500 000 actifs sans emploi étaient inscrits en
catégorie A sur les listes de Pôle-Emploi fin avril 2015
(Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle, et
du Dialogue social, 2015 - 2). La PPE créé-t-elle et/ou
gomme-t-elle des inégalités sociales ? Apporte-t-elle une aide
adaptée et équitable aux travailleurs, particulièrement
aux femmes en situation d'emploi ?
38
Enfin, le dispositif sera abordé sous l'angle des
capabilités, selon la grille d'analyse proposée par
Amartya Sen, afin de dépasser l'approche seulement monétaire des
situations de pauvreté laborieuse et des solutions qui peuvent y
être apportées.
Pour cette démonstration, des cadres théoriques
d'analyse seront mobilisés. Il sera particulièrement fait usage
de l'analyse séquentielle des politiques publiques (Jones) et de
l'analyse cognitive des politiques publiques (Muller). L'Approche par les
capabilités (Sen) sera utilisée s'agissant de l'approche
non monétaire qui peut être faîte des aides à
apporter aux situations de reprise ou de maintien dans l'emploi faiblement
rémunéré.
La PPE est-elle assez ciblée ? Les montants
versés sont-ils substantiels ? Les bénéficiaires
comprennent-ils vraiment le fonctionnement du dispositif ? (Annexe 6, 7, et 8 ;
Cour des comptes, 2006). La PPE est-elle réellement incitative alors
qu'elle est versée avec un décalage dans le temps de 9 à
18 mois (Cour des comptes, 2006) ?
Sur les exemples étrangers, L'EITC
américain est une mesure plus ciblée que la PPE puisque seul
un foyer sur cinq (1/5) en bénéficie, contre un foyer sur quatre
(1/4) pour la PPE. Les montants alloués sont également plus
importants : l'EITC peut par exemple accroître de près de
40 % le revenu des ménages ayant deux enfants et dont un seul membre
travaille à temps plein avec un salaire minimum (Arnaud et al.,
2008 ; OFCE, 2003). Le WFTC britannique est beaucoup plus ciblé
que l'EITC et la PPE, puisque seul un foyer sur vingt (1/20) en
bénéficie. Les montants accordés sont également
plus élevés. Ainsi, la prestation peut atteindre 160 % du revenu
déclaré. Cependant, ces chiffres sont à relativiser car le
WFTC est considéré comme un revenu pour le calcul des
autres aides et peut entraîner une réduction des aides globales
accordées au ménage (Arnaud et al., 2008 ; OFCE,
2003).
A titre d'exemple, L'EITC est une
mesure particulièrement incitative pour les foyers mono-actifs avec
enfant. Il est estimé ainsi que l'EITC a fait passer le taux
d'activité pour cette catégorie de la population de 65,5 %
à 72,1 % entre 1993 et 1996, ce qui représente 146 millions
d'heures de travail. En revanche, la mesure semble avoir un effet
désincitatif sur l'activité des femmes mariées. On estime
à cet égard, et pour la même période, une perte
à 8,9 millions d'heures de travail (Arnaud et al., 2008 ; OFCE,
2003). Le WFTC britannique a induit de son côté une
augmentation du taux d'activité de 0,15 %. Cependant, rapporté au
coût net du WFTC, l'impact est faible et le rapport coût /
efficacité est médiocre (6000 livres par nouvel entrant) (Arnaud
et al., 2008).
Dans ce contexte, pourquoi la Prime pour l'emploi n'a-t-elle
pas fonctionné, et quelles sont ses perspectives d'avenir ?
39
A - De la non-optimalité à la
contreperformance de l'impact redistributif et de la stimulation de
l'emploi
Même si le coût budgétaire de la Prime pour
l'emploi est loin d'être négligeable, la faible contribution de la
PPE à la redistribution totale s'explique en partie par sa masse
financière qui est sans commune mesure avec celles de l'impôt sur
le revenu ou des prestations familiales44. Il est également
important de souligner que l'exclusion de son bénéfice des
personnes ayant des revenus d'activité inférieurs à 0,3
SMIC, et son extension à des personnes ayant des revenus
d'activité supérieurs à 1,4 SMIC, en amoindrissent le
caractère purement redistributif , puisque la prise en compte de
certaines situations familiales permet notamment à des personnes
disposant d'un revenu d'activité atteignant 2,1 SMIC d'en
bénéficier (Bonnefoy et al., 2008 - 2). Pour les
personnes ayant des revenus d'activité compris entre 0,3 et 1,4 SMIC
(« le coeur de cible»), les gains financiers sont toutefois
substantiels : le supplément de ressources s'élève
à 9 % du revenu d'activité pour les personnes percevant entre 0,3
et 0,7 SMIC annuel, et de 5 à 6 % pour celles dont les revenus
d'activité se situent autour du SMIC, soit 760 euros environ en 2007
pour les personnes ayant des revenus proches du SMIC (Arnaud et al.,
2008 - 2). Loin d'être négligeable pour les personnes aux revenus
modestes, la PPE joue néanmoins un rôle redistributif
limité (Bonnefoy et al., 2008 - 2).
Le Conseil de l'emploi, des revenus, et de la cohésion
sociale (CERC), qui avait examiné le projet initial de PPE (rapport
n° 1, « Accès à l'emploi et protection sociale »),
avait déjà souligné à cette époque que le
coût budgétaire était important pour un faible effet
redistributif, notamment en raison du niveau des plafonds retenus pour le
revenu total du foyer fiscal pour les couples avec ou sans enfants à
charge. Il préconisait une refonte visant à réduire ces
plafonds. Cette refonte aurait permis de concentrer les effets
budgétaires sur les ménages ne disposant que de faibles revenus
du fait d'un accès insuffisant à l'emploi et aurait
également eu des effets d'incitation plus marqués au retour
à l'emploi des allocataires de minima sociaux (Conseil de l'emploi, des
revenus, et de la cohésion sociale, 2006).
Au cours des trente dernières années, la
montée du chômage et de la précarité des emplois ont
suscité des interrogations croissantes sur l'approche essentiellement
« réparatrice » de l'assurance chômage et sur les
désincitations qu'elle pouvait induire, tant du point de vue de l'offre
que de la demande de travail. Il est donc apparu nécessaire de
développer des politiques actives de l'emploi : des politiques de
subvention visant à renforcer la demande de travail des employeurs, et
des politiques d'intéressement visant à stimuler l'offre de
travail des salariés. Parmi les dispositifs d'intéressement mis
en place figure la Prime pour l'emploi, visant à la fois à
soutenir l'offre de travail et à assurer une meilleure redistribution
des revenus (Bonnefoy et al.,
44 En 2006, la prime pour l'emploi représentait 0,4 %
du revenu disponible, l'impôt sur le revenu avant PPE 6,5 %, les
prestations familiales 4,1 %, les aides au logement locatif 1,3 % et les minima
sociaux 1,1% (Bonnefoy et al., 2008 - 2).
40
2008 - 2). Faisant partie des politiques actives de l'emploi,
la PPE (comme le RSA) a entre autres pour but de connecter les minima sociaux
au travail, en référence aux modèles britannique et
américain (ou au Kombilohn allemand) (Hirsch, 2008).
Dans son rapport annuel de 2005, la Cour des comptes indiquait
que peu d'études sur le volet incitatif de la PPE avaient
été réalisées, les seuls éléments
chiffrés disponibles étant issus de simulations
économétriques ex ante, et non de données
observées sur le marché du travail ex post. Ces
simulations sont néanmoins riches d'enseignement, et montrent que
l'impact de la PPE sur l'offre de travail est positif mais faible (+0,2
à
+0,4 % selon les études). Ces simulations
présentent certes des faiblesses, mais les enquêtes
réalisées auprès des ménages corroborent en
définitive ces conclusions : ainsi, en juin 2003, dans les
réponses à l'enquête de l'INSEE, 3 % seulement des
ménages interrogés ont indiqué être incités
par la PPE à reprendre une activité, 4% seulement à
travailler davantage et 31 % à continuer à travailler. L'effet de
la PPE sur l'emploi, selon ces modèles économétriques
ex ante, paraît donc incertain, et compte tenu du coût
budgétaire, son rapport coût/efficacité paraît faible
(Bonnefoy et al., 2008 - 2).
Pour promouvoir l'emploi et les revenus des salariés
faiblement rémunérés, le système français
dispose essentiellement de trois instruments : le SMIC, les charges sociales et
la Prime pour l'emploi. « Trois instruments pour atteindre
deux objectifs, c'est, du point de vue de l'arithmétique, plus qu'il
n'en faut » (Cahuc et al., 2008 : p.
110).
a - Impact redistributif
« Le modèle simple de redistribution
optimale a été introduit dans la littérature
économique il y a presque 30 ans par
Mirrlees45. Il met parfaitement
en lumière les enjeux essentiels de la redistribution, et en particulier
les termes de l'opposition entre équité et efficacité
» en terme d'arbitrage (Bourguignon, 2012 : p. 188). A ce
titre, la Prime pour l'emploi a-t-elle un réel impact redistributif
(Pisany-Ferry in OFCE, 2003) ?
L'aspect redistributif, doit s'entendre ici uniquement au sens
de la modification de la distribution des revenus. En effet, et
idéalement, les choix des agents ne doivent être modifiés
que par l'effet revenu, tandis que les prix relatifs de l'économie
restent inchangés (prix relatifs entre biens, entre travail et loisir,
et entre facteurs de production ou entre facteurs de consommations) (Conseil
d'orientation pour l'emploi, 2006).
En rappel, il est utile de préciser les concepts de
revenu et le contour du champ de la redistribution dans le système
français, tel que l'image le schéma 2.
45 Sir James Alexander Mirrlees est un économiste
écossais, né le 5 juillet 1936 au Royaume-Uni. Il a reçu
en 1996 le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en
mémoire d'Alfred Nobel et a été fait chevalier en 1997.
41
Schéma 2 : Récapitulatif des
différents concepts de revenu et contour du champ de la
redistribution
Source : Marical 2009 : p. 77.
Dans une première évaluation de la Prime pour
l'emploi à l'aide du modèle de micro-simulation «
Myriade46 » de la caisse nationale des allocations familiales
(destiné à l'analyse des politiques sociales et fiscales), il est
démontré que « la Prime pour l'emploi
permet de réduire le taux moyen de
prélèvements nets de deux catégories d'individus : les
individus les plus modestes qui sont membres d'une famille comprenant un actif
occupé, et les individus dont le niveau de vie est moyen mais qui
supportent un taux moyen de prélèvements nets
particulièrement élevé »
(Legendre et al., 2002 : p. 557). Les
revalorisations successives appliquées au modèle de 2001 n'ont
pas modifié cet aspect.
En définitive, on présente la Prime pour
l'emploi comme un crédit d'impôt réservé aux
titulaires d'un revenu d'activité compris entre 0,3 SMIC et 1,4 SMIC
à temps plein et dont le montant est maximal pour un revenu
équivalant au SMIC à temps plein. Ainsi, le montant de la Prime
présente un profil, en fonction du revenu, en « dos d'âne
». Pour des revenus inférieurs au SMIC la Prime pour l'emploi
s'apparenterait à une ristourne de CSG, en étant une fonction
croissante du revenu. Cependant, la prime est une fonction décroissante
de la rémunération horaire lorsque celle-ci est supérieure
au SMIC horaire (Legendre et al., 2002).
46 Voir annexe 3.
42
Les modèles français de simulation («
Myriade » pour la CNAF47 et « Ines48 »
pour l'INSEE)49 offrent une représentation assez
fidèle du dispositif et donnent donc un chiffrage précis des
effets redistributifs (Périvier, 2003). Ainsi, selon ces deux
modèles de simulation, il ressort que la faiblesse des sommes
allouées, associées à une distribution insuffisamment
ciblée, font de la PPE une mesure peu redistributive, dont l'impact sur
la pauvreté, les inégalités, ou encore la
progressivité de l'impôt sur le revenu est limité (Arnaud
et al., 2008).
En démonstration, « en 2006, 1,9
million de personnes sont considérées comme des travailleurs
pauvres, c'est-à- dire qui exercent une activité professionnelle
mais ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté. La
moitié d'entre elles ne bénéficie pas de la PPE. Dans 70 %
des cas, cela s'explique par leur trop faible revenu d'activité
inférieur à
0,3 SMIC annuel. Les personnes pauvres exclues de
la PPE bien qu'ayant exercé un emploi, n'ont souvent travaillé
qu'une partie de l'année (la moitié d'entre elles
déclarent avoir travaillé moins de trois mois dans
l'année), mais 35 % des personnes pauvres qui ne
bénéficient pas de la PPE déclarent avoir exercé un
emploi durant toute l'année. La non-éligibilité à
la PPE peut s'expliquer par un faible nombre d'heures travaillées. Dans
ce cas, soit le revenu d'activité annuel est inférieur à
0,3 SMIC, soit au contraire, il est trop élevé en
équivalent temps plein. La non-éligibilité à la PPE
de travailleurs pauvres peut aussi s'expliquer par leur appartenance à
une famille nombreuse : dans ce cas, le revenu de leur foyer fiscal est trop
élevé pour être éligible mais leur niveau de vie est
faible en raison de la présence d'enfants... ... Sur l'ensemble des
travailleurs pauvres, seuls 6 % sortent ainsi de la pauvreté grâce
à la prime. Les changements de barèmes en 2007 augmentent
sensiblement les montants de PPE versés, mais l'impact sur la
pauvreté reste limité » (Bonnefoy et
al., 2008 - 2 : p. 14).
Globalement, la PPE profitent aux ménages du bas de la
distribution des revenus. Cependant, elle est davantage ciblée sur le
troisième décile et s'étale très haut dans la
distribution des revenus50/ 51 (Périvier, 2003). A titre
d'exemple, en 2010, la Prime pour l'emploi, en tant que crédit
d'impôt destiné aux travailleurs à bas revenu,
améliore le pouvoir redistributif de l'impôt sur le revenu et
contribue pour un peu moins de 4 % à la réduction des
inégalités (Cazenave et al., 2011). Les prestations
réduisent davantage les inégalités de niveau de vie que
les prélèvements, telle que le démontre, au titre de
l'année 2011 le tableau 7.
47 Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF).
48 Voir annexe 1 et 2.
49 « Myriade » et « Ines » sont des
appellations qui ne représentent des sigles ou acronymes.
50 Un tiers du budget de la PPE bénéficie
à des individus appartenant aux cinq déciles supérieurs de
la population (Hirsch, 2008).
51 Les personnes des deux premiers quintiles sont en effet non
imposables, sauf exception selon la configuration du foyer fiscal, et la baisse
de niveau de vie est plus forte pour les ménages du dernier quintile que
pour les ménages des troisième et quatrième quintiles
(Cazenave, 2011).
43
Tableau 7 : Contribution des
différents transferts à la réduction des
inégalités de niveau de vie en 2011
1. Les cotisations sociales retenues ici regroupent les
cotisations patronales et salariales famille, les taxes logement, transport et
apprentissage.
2. Allocation de soutien familial, allocation
d'éducation de l'enfant handicapé, compléments de libre
choix d'activité et de libre choix du mode de garde de la
PAJE52, subventions publiques pour la garde d'enfants en
crèches collectives et familiales.
3. Complément familial, allocation de base de la PAJE,
allocation de rentrée scolaire, bourses du secondaire.
4. Partie « socle » du revenu de solidarité
active, minimum vieillesse (ASPA53), allocation
supplémentaire d'invalidité, allocation pour adulte
handicapé et son complément.
Champ : France métropolitaine,
personnes vivant dans un ménage dont le revenu est positif ou nul et
dont la personne de référence n'est pas étudiante.
Lecture : les prestations représentent
en moyenne 7,3 % du niveau de vie et contribuent pour 66,2 % à la
réduction des inégalités.
Note : la colonne (A) représente le rapport moyen entre
le prélèvement ou la prestation considéré et le
niveau de vie. La colonne (B) estime la progressivité du transfert via
la différence entre son pseudo-Gini et le Gini du niveau de vie avant
redistribution. La colonne (C) estime la contribution (en %) de chaque
transfert à la réduction des inégalités. Elle
s'obtient en faisant le produit des valeurs absolues des colonnes (A) et (B)
pour le transfert et en divisant ce produit par la somme des produits sur tous
les transferts.
Sources : INSEE ;
DGFIP54 ; CNAF ; CNAV55 ; CCMSA56,
enquête Revenus fiscaux et sociaux 2009 (actualisée 2011),
modèle « Ines », calculs DREES57 et INSEE, in Duval
et al. 2012 : p. 81.
Les personnes appartenant aux 10 % les plus pauvres ne peuvent
bénéficier de la PPE (Périvier, 2003). Ce fait s'explique
par les caractéristiques du marché du travail français :
le salaire minimum élevé implique que les individus ayant une
productivité
52 Prestation d'accueil des jeunes enfants (PAJE).
53 Allocation de solidarité aux personnes
âgées (ASPA).
54 Direction générale des finances
publiques (DGFIP).
55 Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).
56 Caisse centrale de la mutualité sociale et
agricole (CCMSA).
57 Direction de la recherche, des études, de
l'évaluation, et des statistiques (DREES).
44
trop faible ne peuvent trouver un emploi et donc ne peuvent
pas bénéficier de la mesure (Cahuc, 2002). D'autre part, le
montant de la prime est croissant avec le nombre d'heures travaillées
pour des rémunérations horaires inférieures au SMIC, puis,
au-delà, il décroît à mesure que le temps de travail
augmente. Ce principe implique une certaine ambiguïté
vis-à-vis de la cible visée. D'un côté, elle est
défavorable aux travailleurs à temps partiel subi (alors que
ceux-ci constituent l'essentiel des travailleurs pauvres), mais d'un autre
côté, elle favorise les travailleurs ayant une
rémunération horaire faible, et devrait donc malgré tout
cibler une partie de cette catégorie d'individus (Périvier,
2003). D'un point de vue plus technique, l'exclusion des travailleurs ayant
gagné moins de 0,3 SMIC dans l'année, une condition de ressources
assez peu restrictive notamment pour les couples, et le fait que le calcul de
la prime se fasse essentiellement sur une base individuelle, en dépit de
l'existence de conditions de revenus au niveau du foyer fiscal, limitent le
pouvoir redistributif de la PPE. Or, aucune de ces caractéristiques n'a
été modifiée depuis 2001. Ainsi, même si le
dispositif a été revalorisé fortement à plusieurs
reprises, ces hausses ont concerné tous les groupes de
bénéficiaires, quel que soit leur niveau de vie, mais n'ont pas
modifié la configuration redistributive (Bonnefoy et al.,
2009).
En conclusion, les montants distribués via la
PPE sont de faible importance et le bénéfice de ce crédit
d'impôt n'est pas particulièrement ciblé sur les individus
de faible niveau de vie (Legendre et al., 2004), d'autre part, «
peu ciblée et excluant les salariés et
non-salariés ayant de faibles revenus d'activité
(inférieurs à 0,3 SMIC), la Prime pour l'emploi ne réduit
que de 0,5 point le taux de pauvreté des personnes en emploi »
(Bonnefoy et al., 2008 - 2 : p. 4).
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