II.I.2 - LA CRISE BANCAIRE DU MILIEU DES ANNEES 80 : UNE
CONSEQUENCE DE LA POLITIQUE DE CREDIT GENEREUSE DES BANQUES ENTRE 1972 ET
1985
Les causes de la crise bancaires du milieu des années
80 sont de deux types : il y a d'abord celles qui dans une large mesure sont
inhérentes au système bancaire lui-même, il y a ensuite des
causes d'ordre macroéconomique.
II.I.2.1 - LES CAUSES INHERENTES AU SYSTEME BANCAIRE
LUI-MEME
Dès le milieu des années 80, le système
bancaire camerounais est entré dans une zone de turbulence. Les facteurs
qui expliquent cette situation ont déjà été
analysés par plusieurs auteurs dont notamment : BROWNBRIDGE, (1998) ;
JOSEPH, (2002) ; DETRAGIACHE, GUPTA et TRESSEL, (2005); et GULDE ET
AL. (2006) et les organismes financiers multiilatéraux à
savoir le FMI (1999) et la Banque Mondiale (BM). D'une façon
générale, tous retiennent comme principales causes de la crise
inhérentes au système bancaire les facteurs ci-après : le
non-respect de la réglémentation prudentielle, la sous
capitalisation des banques, la mauvaise gouvernance des banques, le
carctère laxiste de la politique monétaire de la BEAC et enfin,
l'existence d'importantes créances irrécouvrables.
![](Relation-banque-entreprise-et-croissance-economique-au-Cameroun41.png)
37
Relation Banque-Entreprise et croissance économique
au Cameroun
II.I.2.1.1 - LE NON-RESPECT DE LA REGLEMENTATION
PRUDENTIELLE
On a vu plus haut que la réforme du sytème
bancaire camerounais issue des Accords de Brazzaville en novembre 1972 devait
faire jouer à celui-ci un rôle de premier plan dans le financement
du dévéveloppement. Il en a résulté une politique
de crédit facile qui a installé au Cameroun un climat
d'affairisme non contrôlé. Dans un tel climat, les ressources
financières ont été orientées logiquement vers les
activités à rendement très risqués et à
très faible durée d'immobilisation. Symétriquement, cette
logique de la rentabilité à court terme positionnait ces
activités spéculatives au premier rang en matière d'octroi
de crédit. C'est ainsi que les banques n'hésitaient pas à
accorder d'importants crédits documentaires pour le commerce
général, voire pour des projets fictifs21. Alors que
la rentabilité des investissements avait toujours été
positive et supérieure à 20%22, atteignant parfois 60
% comme en 1981, et même 100 % en 1985, elle est devenue négative
à partir de 1986. Elle est même restée négative
jusqu'à la moitié des années 90, traduisant ainsi le
caractère risquant et la légèreté en matière
de suivi des projets financés. Tout ceci s'est fait sans aucun respect
de la réglémentation prudentielle qui pourtant était
disponible.
Certes, il existait bien un mécanisme de surveillance
et de sanction des banques dépendant du Ministère de l'Economie
et des Finances (MINEFI). Cependant, comme l'Etat avait des
intérêts dans la plupart des banques, la réglementation
prudentielle était peu appliquée et aucune règle juridique
sérieuse permettant de poursuivre les débiteurs indélicats
n'avait cours. De ce fait, l'action de la politique (monétaire) n'a pas
été d'un grand apport pour assainir le climat financier et
bancaire.
II.I.2.1.2 - LA POLITIQUE MONETAIRE LAXISTE DE LA
BEAC
La politique monétaire de la Banque Centrale commune
aux Etats d'Afrique centrale et issue des Accords de Brazzaville avait pour
objectif final, le développement économique du pays et les
instruments de politique monétaire de l'époque à savoir,
les plafonds de réescompte et le taux d'intérêt de
réescompte (taux prvilégiés et taux ordinaires)
étaient utilisés à cette fin. Les mécanismes de
financement en faveur des secteurs dits prioritaires (Trésors nationaux,
PME et artisanat, unités de commercialisation agricoles et particuliers
nationaux pour leurs opérations de constructions immobilières)
étaient prévus par les textes.
21 Notamment, la distraction de certains projets
ou financement des projets autres que ceux présentés au
banquier.
22 Cf. Documents de la Direction de Recherche et
de la Prévision (devenue Direction des Etudes) de la BEAC, 1997.
![](Relation-banque-entreprise-et-croissance-economique-au-Cameroun42.png)
38
Relation Banque-Entreprise et croissance économique
au Cameroun
II.I.2.1.3 - L'IMPORTANCE DES CREANCES
IRRECOUVRABLES
Dans le climat de facilité de la distribution du
crédit et «d'affairisme», précédemment
décrit, les crédits octroyés par les banques
n'étaient pas toujours remboursés. Evalué à 5,6
milliards de FCFA en 1980, le montant des créances douteuses et
irrécouvrables a atteint 38 milliards de FCFA au plus fort de la crise
bancaire dès 1987, soit un coefficient de multiplication de 7,6 en 8
ans. Certes, il est vrai qu'à partir de 1982, les banques accumulaient
déjà des pertes dues à la mauvaise gestion et à la
fraude. Toutefois, il convient de noter que si à ce moment là les
difficultés des banques n'étaient pas visibles, cela s'explique
tout simplement par le fait que l'Etat les soutenait financièrement
à partir d'importants dépôts à terme qui y
étaient ouverts. Ceux-ci étaient alors
régulièrement alimentés par les ressources que l'Etat
tirait essentiellement de l'exploitation du pétrole.
|