II.I.1.2- L'IMPLICATION EFFECTIVE DES BANQUES DANS LE
FINANCEMENT DE LA CROISSANCE
La politique de crédit généreuse des
banques apparaît dans une certaine mesure comme le résultat direct
de la forte implication des pouvoirs publics en qualité de tutelle
(à travers le Ministère des Finances) des établissements
de crédit. A l'époque, le premier souci des pouvoirs publics
était la recherche d'une plus grande participation des nationaux au
capital des banques et l'allocation sectorielle des crédits vers les
secteurs «jugés prioritaires»19 à des taux
d'intérêts administrativement fixés à des niveaux
inférieurs à leur niveau d'équilibre. Dès lors,
ceux-ci n'ont pas perçu la nécessité d'une
régulation stricte.
Durant les années 70, l'exploitation
pétrolière a doté le pays de ressources importantes Et a
engendré un gonflement des ressources bancaires. Les
établissements de crédit se sont alors lancés vers une
distribution généreuse et incontrôlée des
crédits à l'économie pour le financement des projets
jugés « rentables pour les locaux». Par exemple, le volume
des
18 La BCD et le Fonds National de Développement Rural
(FONADER).
19 Les dirigeants des banques devaient
satisfaire le plus largement possible les demandes de crédits des
entreprises nationales.
Relation Banque-Entreprise et croissance économique
au Cameroun
financements accordés aux projets s'est accru d'environ
37,13 % entre 1976 et 1977. Durant la même période, le montant des
garanties s'est accru de 35,4 %.20 Les Accords de Brazzaville de
novembre 1972 ont favorisé cette nouvelle attitude des banques ; en
effet, en l'absence d'un marché financier, les entreprises ont largement
fait appel aux banques pour financer leurs investissements et leurs cycles
d'exploitation. De plus les banques structurellement défitaires
pouvaient se refinancer directement auprès de la Banque Centrale sans
passer d'abord par un marché monétaire, alors inexistant pendant
cette période. Ce refinancement des banques structurellement
déficitaires auprès de la Banque Centrale, leur permettait de
répondre favorablement et en permanence aux demandes de crédit
des entreprises. Le graphique 3 montre en éffet, un accroissement
régulier des crédits au secteur privé en pourcentage du
PIB entre 1972 et 1982. Du fait des facilités d'obtention de
financements, la progression des crédits au secteur privé (en
pourcentage du PIB) est passée de 14,20 % en 1970 à 24,53 % en
1977, pour se situer à 31,24 % en 1982. Cependant, cette
évolution favorable des crédits au secteur privé, aurait
pu être satisfaisante si la structure des crédits montrait une
prépondérance des crédits à moyen et long terme. En
effet, sans que des études sérieuses visant à mesurer le
degré d'élasticité de l'investissement par rapport au taux
d'intérêt des prêts bancaires aient été
menées au préalable, les banques ont orienté leur
intervention vers des financements à court terme au détriment des
financements à moyen et long terme. Cette préférence
marquée pour des financements à court terme s'explique par le
fait que premièrement, lors des campagnes agricoles, il fallait assuer
la commercialisation des produits de base, et deuxièmement, pour les
commerçants locaux, le financement de leur commerce de distribution et
de leurs activités d'import-export, à cause de leur faible
autofinancement, ne pouvait se faire sans l'intervention des banques. C'est ce
qui explique qu'on assistera alors à un renouvellement continu des
prêts courts pour financer des investissements longs, un choix qui s'est
avéré nocif pour la trésorerie des banques. Or le
financement du développement d'un pays exige aussi et surtout des
crédits à moyen et long terme.
20 Il s'agit des éléménts
corporels et incorporels évalués par les banques et devant
abrîter les concours financiers accordés par les banques aux
entreprises.
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Relation Banque-Entreprise et croissance économique
au Cameroun
Graphique 3 : Rythme de progression des
crédits au secteur privé de 1960 à 2005
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