I.3.1.2 « Le monde de la psychiatrie »
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Pinel Casimir (1861), le neveu du réformateur,
exprimera cette double finalité de l'isolement : « Ce n'est point
de gaieté de coeur que l'on songe à isoler un
aliéné ; nécessité vaut loi. Guérir s'il est
possible, prévenir de dangereux écarts, tel est le devoir
imposé par les lois de l'humanité et de la préservation
sociale ».
Que nous dit, Henri Ey, ce dernier représentant d'une
époque ou les descriptions cliniques sont diverses et nombreuses. Il
explique pourquoi le mythe de Pinel le libérateur a perduré
jusqu'à aujourd'hui. Le mythe libérateur est difficile à
écarter car il permet à la psychiatrie de faire son travail. En
effet, si l'on considère que la maladie mentale, comme le dira Henri Ey,
est une « pathologie de la liberté » (liberté de
penser, d'agir, de réfléchir, de contrôler ses actes) alors
pour soigner cette pathologie de la liberté il faut parfois supprimer la
liberté du malade mental. Alors face à ce paradoxe le mythe
compensateur persiste encore aujourd'hui.
D'après le groupe de travail de l'ANAES (1998) sur
l'isolement, ce dernier, serait né le célèbre jour ou le
médecin aliéniste Pinel libéra les insensés de
leurs chaînes :
« [É] pour tenir compte des besoins de
sécurité, ils développèrent (les aliénistes
européens) les principes de base de l'isolement dans un but non punitif,
en mettant l'accent sur le respect des droits des patients et leur
sécurité. Le patient est isolé des autres patients et fait
l'objet de soins et de surveillance de la part de l'équipe de
psychiatrie, dans une chambre destinée ou non à cette utilisation
exclusive. Leurs objectifs étaient la prévention des blessures et
la réduction de l'agitation liée au trouble mental. L'isolement
fut défini comme une modalité de soin par opposition à la
contention.».
Palazzolo (2004) y voit 3 grandes indications.
Premièrement, il s'agit des situations qui nécessitent de
maîtriser l'agitation sévère ou la violence.
Deuxièmement, c'est une perspective prophylactique d'intervention
lorsque surgissent des signes prodromaux d'une crise. Enfin, certaines
techniques dans le cas d'une prise en charge
comportementale visent à faire entendre au patient la
part acceptable ou non d'un comportement. Dans ce dernier cas, pour de nombreux
auteurs nous dit Palazzolo, ce concept est assimilable à de la punition.
Néanmoins ce moyen semble efficace dans la gestion de certains troubles
du comportement et continue à être utilisé comme tel.
Enfin selon une enquête réalisée par
Friard (1994) sur la mise en chambre d'isolement, à travers 28
établissements français, les indications les plus souvent
retenues sont les états d'agressivité et de violence ou de
violence imminente envers le patient ou l'entourage.
En synthèse, nous pouvons retenir que le concept
d'isolement jette les bases d'un ordonnancement social et architectural, dont
les murs des hôpitaux psychiatriques en sont encore le témoin. Par
sa nature coercitive et parfois paradoxale, il pose des questions liées
à un risque d'atteinte aux libertés individuelles ainsi que la
protection des soignants.
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