I.1.8 « La chambre d'isolement parmi les autres
pratiques : approche technique »
La chambre d'isolement est un outil parmi d'autres dans «
l'arsenal thérapeutique». D'une manière
générale, il appartient à la rubrique des contentions
mécaniques, nous dit Friard (2004) dans le but de maîtriser
l'agitation. L'agitation est souvent associée à la notion de
violence.
Les autres contentions mécaniques peuvent être la
camisole, les liens, les attaches. Il ne s'agit pas d'une pratique isolable
dans le sens ou les moyens de contenir sont souvent
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utilisés de manière simultanée. Les
contentions mécaniques n'ont pas disparu malgré l'utilisation des
neuroleptiques.
I.1.9 « La chambre d'isolement: quelle visée
thérapeutique ? »
Selon le dictionnaire le Petit Robert (1994), la «
thérapeutique » correspond aux actions et pratiques
destinées à guérir, à traiter les maladies. La
thérapeutique est un aspect de la médecine qui étudie et
utilise les moyens propres à guérir et à soulager les
maladies.
La codification thérapeutique de la chambre d'isolement a
été établie par Esquirol en 1832, soit 6 ans avant la
promulgation de la loi de 1838 :
« Tout ce qui préside conduit aux conclusions
suivantes. Les aliénés doivent être isolés :
· Pour leur sûreté, pour celle de leur famille
et pour l'ordre publique.
· pour les soustraire à l'action des causes
extérieures qui ont produit le délire, et qui peuvent
l'entretenir.
· pour vaincre leur résistance contre les moyens
curatifs.
· pour les soumettre à un régime
approprié à leur état.
· pour leur faire reprendre les habitudes intellectuelles
et morales conforme à
la raison ».
Dans un environnement médical dont la pratique est de
plus en plus soumise à la mise à l'épreuve de
l'Evidence-Based-Medecine (EBM), la chambre d'isolement ne fait pas
l'unanimité en tant qu'outil thérapeutique efficace.
Une efficacité en terme de protection des principaux
acteurs (patients et soignants) lors de la prise en charge hospitalière,
est reconnue. Toutefois la controverse porte sur l'efficacité sur le
trouble mental. En 1999 l'ANAES, lors de son audit clinique sur la chambre
d'isolement, laisse la question en suspend après avoir constaté
qu'il n'existe pas dans la littérature médicale des preuves sur
l'efficience thérapeutique de cette pratique.
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Selon Friard (2004), si l'on passe en revue la pratique
liée à l'isolement dans différents pays, que se soit en
Allemagne, Angleterre ou au Canada cette pratique est assimilée à
un acte « sécuritaire » et non thérapeutique. Ces pays
considèrent la pratique de l'isolement comme sécuritaire car elle
n'aurait pas d'autres objectifs que la protection des professionnels ou du
patient lui-même.
Posées par Esquirol le théoricien de
l'isolement, la codification permet de comparer les indications
thérapeutiques avec celles préconisées aujourd'hui par
l'ANAES dans son audit clinique sur la chambre d'isolement. Les indications
sont prévention d'une violence imminente du patient envers
lui-même ou autrui, alors que les autres moyens de contrôle ne sont
ni efficaces ou ni appropriés, prévention d'un risque de rupture
thérapeutique alors que l'état de santé impose des soins,
isolement intégré dans un programme thérapeutique,
isolement en vue d'une diminution des stimulations reçues, utilisation
à la demande du patient. Les contre-indications (utilisation à
titre non thérapeutique) sont : l'utilisation de la chambre d'isolement
à titre de punition, l'état clinique ne nécessitant pas un
isolement, l'utilisation pour réduire de l'équipe de soins ou
pour son confort ou encore l'utilisation uniquement lié au manque de
personnel.
Nous retrouvons deux indications communes. La première
est celle de la dimension de la sûreté que nous pouvons rattacher
à celle de prévention de situations de violence envers le patient
ou les autres. La seconde, commune, est « la soustraction aux causes
extérieures » dans le but de diminuer les « stimulations
reçues ».
Si l'on se réfère à la mission
Clery-Melin (2003), le sens du mot de la violence est identique à celui
intégré implicitement dans les propositions d'indications de la
chambre d'isolement de l'ANAES. Le document de la mission Clery-Melin
intitulé « Violence et Santé » développe le
thème de la violence en psychiatrie. Dans leurs recommandations, leur
définition de la dangerosité c'est « la potentialité
de survenue d'un acte violent ou de la mise en danger de soi-même ou
d'autrui chez une personne souffrant de troubles mentaux ». Mais bien des
définitions pourrait être données précise t-il en
préambule. D'un point de vue sociologique, la violence est un concept
que l'on pourrait traduire de déviance comme transgression des normes
sociales. In fine, la compréhension de la
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façon dont les professionnels envisagent et
définissent la violence potentielle d'un individu est importante pour
appréhender les fondements pratique de mise en chambre d'isolement d'un
patient.
La définition de thérapeutique que nous retenons
correspond à un acte de soin dont l'efficience est mesurable et
bénéfique tout en préservant la dignité de la
personne hospitalisée.
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