I.4 « Repères normatifs de la conception
thérapeutique »
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Cette partie est consacrée à la
compréhension de ce qui amène les acteurs à qualifier ou
non une mise sous contention comme thérapeutique. Quel sens cela a-t-il
pour eux ?
I.4.1 « L'infirmier »
I.4.1.1 « L'enfermement contraint
»
Dans ces extraits de corpus l'infirmier décrit ses
repères normatifs de la mise sous contention. Il explique qu'ils sont
contraints d'isoler dans le but d'éviter la fugue en ce qui concerne les
patients en hospitalisation d'office. L'enfermement a un aspect
négatif.
« ça a un coté un peu punitif la
chambre d'isolement, une sorte de punition, c'est pas tout à fait la
politique ici, c'est pas comme ça que je le conçois...
»(ide)
«É il n'y a pas de chambre d'isolement
à proprement parlé. Si il y a mise en chambre d'isolement c'est
dans la chambre du quidam, dans celle du patient, une chambre seule
évidemment mais il n'y a pas de chambre d'isolement à proprement
parlé ; c'est quelque chose qu'on évite d'utiliser ici et qu'on
utilise si on en a besoin enfin si le patient en a besoin et pas nous. Mais
souvent les personnes qui sont en chambre d'isolement c'est les
hospitalisations d'office et la particularité c'est d'avoir la porte du
service ouverte... »(ide)
Comme je l'indiquais plus haut, l'acteur parle
spontanément de chambre d'isolement. Dire que le patient est en chambre
d'isolement, signifie qu'il y est mis seul par nécessité pratique
et pas dans le but de l'isoler.
L'infirmier exprime l'ambiguïté de la pratique
dans la dernière phrase du précédent corpus : contenir
pour éviter la fugue. L'extrait suivant indique la même chose.
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« La contention c'est la dernier recours on essaye
d'utiliser autre chose, c'est vraiment pour les patients qui se mettent en
dangerÉy a un patient en particulier il fugue tout le temps
et il est en HO, et quand il arrive on sait qu'on est obliger de lui mettre les
contentions parce que il est vraiment opposé au soin et il fugue comme
il peut, il est très doué d'ailleurs. »(ide)
I.4.1.2 « Un contenant thérapeutique
»
Dans l'extrait suivant l'infirmier exprime clairement que la
seule indication d'une mise en chambre d'isolement c'est dans un but
thérapeutique et que l'effet contenant est thérapeutique.
L'infirmier donne un sens thérapeutique à une
mise sous contention ; alors que cette pratique est connotée
négativement. Cette opposition parait paradoxale mais c'est le sens
donné à l'intention qui la rend thérapeutique.
« La seule indication pour une chambre d'isolement
c'est pour soigner le patient, c'est thérapeutique... C'est le
coté contenant de la chambre. »(ide)
Contenir en attachant ou en isolant constitue le fondement
thérapeutique de ma mise en isolement. Car la finalité
recherchée est le soin. Eviter une fugue est thérapeutique car on
évite la rupture de la prise en charge soignante vécue comme
thérapeutique. Le statut de l'hospitalisé (HO ou HDT) inscrit le
patient dans une perspective thérapeutique pour l'infirmier : «
être contraint au soin », revient à devoir soigner pour
l'infirmier.
« Notre chef de service il n'est pas pour, il trouve
que ça a un côté sadique, et surtout un côté
punitif mais il est pas spécialement très opposé car il
sait que ça peut soigner. »
Dans cet extrait d'entretien, l'infirmier semble se contredire
à propos de la mise en chambre si l'on se réfère à
ses repères normatifs de la chambre d'isolement. Mais en
réalité, c'est le sens que donne l'acteur à sa pratique
qui construit une nouvelle fois la dimension thérapeutique. C'est
l'argumentation qu'il donne aux fondements des aces thérapeutiques qui
fait sens pratique au sens bourdieusien.
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