I.3.2 « Normes et mises sous contentions
»
Dans cette partie nous allons décliner quels sont les
facteurs normatifs (médicaux et sociaux) qui participent à
utilisation des contentions.
I.3.2.1 « La peur »
Le premier critère que nous pouvons repérer est
la peur de l'équipe soignante. Celle-ci constitue une contre-indication
selon l'ANAES mais elle est très prégnante d'après le
cadre.
« Moi le premier critère de la mise en chambre
d'isolement, je vous dis ça en plaisantant, mais en même temps
c'est pas hasard que je vous dis ça c'est la peur de l'équipe ;
pour moi c'est ça le premier critère, ça veut pas dire que
je reprocherais à l'équipe d'avoir peur, je suis en train de dire
que l'équipe peut avoir peur au sens profond mais avoir peur de, peur
d'une réaction, peur d'une conséquence des choses comme
ça. » (cadre supérieur de santé)
I.3.2.2 « La violence »
La violence comme je l'ai dit, constitue la première
indication de mise en chambre d'isolement. Dans les extraits de corpus suivant
on distingue 2 types de violence : verbale et physique. La violence physique ne
prête pas à discussion, elle induit une mise sous contention. La
violence verbale est soumise à discussion, la situation est
évaluée
par les acteurs. Bien que les services des interviewés
ne comportent pas de chambre d'isolement, les acteurs emploient
spontanément le terme de chambre d'isolement lors des situations de
violence évoquées.
« É et il commençait à
être agressif, moi-même il a voulu me casser la figure mais
verbalement c'était ; et ça s'est discuté en
équipe, et puis il a été mis en chambre d'isolement et en
pyjama pour être contenu... » (ide)
« La violence si elle est verbale c'est toujours
pareil il faut l'apprécier. Si il y a un passage à l'acte,
là on est dans une violence clastique, à ce moment il n'y a pas
à hésiter, renfort et mise en chambre d'isolement.
»(cadre supérieur de santé)
La première norme pouvant induire une utilisation des
contentions est la violence. Celle-ci peut être définie, a minima,
comme une violence physique voir comme une violence verbale. Cette
dernière fera l'objet d'une évaluation de la dangerosité
d'une manière collégiale.
Ce cadre explique que la pratique des contentions
évolue car les professionnels ne perçoivent plus la violence de
la même manière, il y a une moindre tolérance. Le soignant
se situe plus comme un citoyen.
« ...mais pas rapport à la violence, c'est pas
forcément mieux pris chez les anciens que chez les jeunes, alors ils
savent mieux si prendre dans certaines situations, mais on sent aussi que la
mentalité a évolué, comme ne plus accepter la violence et
l'agressivité de la même manière. Moi je trouve qu'on
utilise plus les contentions, enfin je trouve que ça augmenté,
c'était assez rare, mais j'ai l'impression souvent maintenant qu'il y a
une demande des équipes... » (cadre supérieur de
santé)
« On sent les réactions même par rapport
à une agressivité verbale, lorsqu'on se fait insulter, on l'a
l'impression que le soignant se positionne plus en citoyen... » (cadre
supérieur de santé)
Nous pouvons retenir que la pratique évolue en fonction
de la perception de la violence qu'on les acteurs. La violence ressentie est
une construction sociale extérieure et clinique.
41
I.3.2.3 « Mise en danger du patient
»
42
La seconde norme est celle de la mise en danger du patient.
L'équipe est alors contrainte de protéger le patient de
lui-même ou des autres. Ce n'est pas son état clinique qui induit
la mise sous contention mais le risque de conséquences de cet
état clinque.
« C'est vraiment quand le patient se met en danger ou
est complètement dispersé et a besoin d'un contenant quoi
très clairement et que sinon il est exposé aux stimuli
extérieurs et que ça le perturbe complètement quoi. »
(ide)
« on est amené à la mettre en chambre
d'isolement quelquefois parce que l'angoisse est trop forte, quand elle
commence à se faire frapper par d'autres patients, on est obligé
de la protéger par ce moyen là. On ne peut pas être
derrière 24/24 heures. »( ide)
I.3.2.4 « La clinique »
Je ne m'étends pas sur les éléments
cliniques car l'interprétation du comportement du patient sur un plan
sociologique et clinique porterait à confusion. Néanmoins, nous
pouvons comparer les éléments avec la classification d'Esquirol
et les indications cliniques de l'ANAES.
I.3.2.5 « Conclusion de partie du processus mise
sous contention »
La mise sous contention est ainsi la conséquence d'une
déviance. Nous pouvons en déduire que les normes de la
déviance sont constitutives de faits (violence physique) et de la
perception de la dangerosité par un groupe d'acteurs (violence verbale ;
peur des acteurs ; mise en danger du patient par lui-même). La peur, en
tant que critère, constitue un facteur normatif à part dans la
mesure où elle est constitutive de la déviance du groupe des
soignants puisqu'il s'agit d'une contre-indication de l'ANAES (1998).
Paradoxalement la peur est un phénomène déviant qui
conduit parfois à étiqueter l'autre de déviant pour s'en
protéger.
Au total, le processus de mise sous contentions est induit par
la transgression de normes de protection. Il s'agit alors de protéger le
groupe des soignants ou le patient lui-même de violences réelles
ou ressenties comme probables.
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