I-3-2 Le processus de
rationalisation
Le processus de rationalisation se définit comme une
généralisation de la démarche scientifique à
l'ensemble des activités des sociétés modernes.
Weber distingue deux Formes de rationalités: une
rationalité en valeur et une rationalité en finalité.
- La rationalité en valeur repose sur des comportements
sociaux inspirés par
des idéaux religieux, par le devoir moral ou par la
grandeur d'une «cause ». Dans le cadre de cette
démarche, l'agent social ne tient pas compte des conséquences de
ses actes. Il est exclusivement guidé par son système de
croyances.
- La rationalité en finalité suppose d'adapter
un ensemble de moyens en
vue d'atteindre un but déterminé.
Une congruence apparaît alors entre les buts, les moyens
et les conséquences prévisibles de l'action sociale.Ces deux
types de rationalité peuvent coexister dans les stratégies
concrètes des agents sociaux. Ainsi, on peut envisager une
démarche rationnelle en valeur quant au but défini et une
rationalité en finalité quant aux moyens d'y parvenir.
La rationalisation touche l'ensemble des activités
sociales telle l'activité économique, la politique, le droit ou
l'éducation. Elle constitue une source de progrès dans la mesure
où elle libère l'individu des pesanteurs de la tradition ou de
l'arbitraire de pouvoirs irrationnels relevant de la magie ou de la
superstition. Cependant, la rationalisation intellectuelle propre au
capitalisme occidental se traduit, selon Weber, par un
«désenchantement » du monde. La magie fait place au
froid calcul et à la prévision.
II- Construction du
modèle théorique
La construction de notre modèle théorique,
procède de l'énoncé des limites des théories
classiques (II-1) observables dans une étude critique (II-2), concourant
à l'implémentation du modèle retenu (II-3).
II-1 Les limites des
théories énoncées
II-1-1 La Relativisation de
l'Efficacité de l'Organisation Bureaucratique
Au cours de la seconde moitié du XXe siècle,
plusieurs sociologues ont constaté la prolifération des
organisations bureaucratiques, mettant à jours certains défauts
et contradictions qui les caractérisent. Ils ont critiqué
l'analyse de Max Weber, contestant que le modèle d'organisation
bureaucratique soit le mieux adapté à nos sociétés
modernes.
Robert Merton dans Eléments de théorie et de
méthode sociologique (1965) admet que la bureaucratisation est
relativement souple et efficace. Cependant, la structure bureaucratique est
source de routine et de conformisme. Les bureaucrates sont menacés par
le ritualisme et considèrent les règles non plus comme des moyens
mais comme des fins. Ils s'installent dans le corporatisme, refusant le
changement, ce qui nuit à l'efficacité de l'organisation.
Michel Crozier, dans le Phénomène bureaucratique
(1963), étudie les cas d'une agence comptable parisienne et d'un
monopole industriel. Il met l'accent sur les rigidités. Des conflits de
pouvoirs entre individus et groupes sont à l'origine de retard
d'information, facteurs d'inefficacités et de rigidités du
fonctionnement bureaucratique. M. Crozier décèle quatre
éléments essentiels de routine :
- L'ampleur des règles impersonnelles (la
carrière de chacun est souvent gérée à
l'ancienneté, rien n'est laissé à l'arbitraire et à
l'initiative).
- La centralisation des décisions (la pression en
faveur de l'impersonnalité engendre inévitablement la
centralisation, c'est-à-dire la prise de décision de ceux qui ne
connaissent pas exactement ce qu'ils ont à trancher).
- L'isolement de chaque catégorie hiérarchique
et la pression du groupe sur l'individu (l'organisation est composée de
strates superposées communiquant peu entre elles).
- Enfin, il souligne l'existence de relations de pouvoir
parallèles(les règles, si développées soient-elles,
n'éliminent pas toutes les sources d'incertitude. Les individus qui
contrôlent ces dernières détiennent alors un pouvoir au
sein de l'organisation).
Cet auteur évoque un «cercle vicieux
bureaucratique»: les difficultés de communication sont
utilisées par les agents pour renforcer leur pouvoir, ce qui suscite une
nouvelle pression pour accroître la centralisation et
l'impersonnalité des bureaucraties.
L'économiste américain H. Simon, enrichit pour
sa part le concept de rationalité en développant le modèle
de « rationalité limitée » : au
lieu de chercher une solution optimale, le décideur se rabat, tout en
procédant rationnellement, sur une solution acceptable, celle qui
satisfait un certain nombre de contraintes dans un contexte où leur
information est nécessairement limitée.
Simon appelle aussi rationalité procédurale (les
agents se contentent d'adopter la meilleure procédure, compte tenu de
leur expérience dans ce contexte d'incertitude et d'information
limitée) et l'oppose à l'irréaliste rationalité
substantielle (substantive en anglais) de l'agent optimisateur
néoclassique traditionnel omniscient.
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