SECTION 3) UNE REVUE DE LA LITTÉRATURE
EMPIRIQUE
3.1) La mesure de la décentralisation
La décentralisation est un processus complexe et
multidimensionnelle. Une mesure unique et précise s'avère
irréaliste. Fan et all (2009) affirme que malgré que les
données sur la décentralisation sont détaillées,
elles sont encore susceptibles de contenir des erreurs de mesure car plusieurs
facteurs sont étroitement associés à la
décentralisation. De plus les mesures adoptées diffèrent
selon la forme de la décentralisation. Le tableau suivant
récapitule l'ensemble des mesures utilisées dans les travaux
empiriques.
Tableau 4- Les indicateurs de la
décentralisation
Auteurs
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Mesure de la décentralisation
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Arikan, 2004
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· Nombre de juridictions locales.
· Niveaux de gouvernement divisé par la population
totale.
· Part des emplois publics locaux dans les emplois
publics.
· Part des dépenses publiques locales dans les
dépenses totales.
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De Mello, 2000
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· Autonomie fiscale locale, dépendance aux
transferts,
· Interaction entre autonomie et part des dépenses
publiques locales
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Wibbels, 2000
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Variable discrète (fédéral, mixte,
unitaire).
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King et Ma, 2001
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Part des recettes fiscales qui reviennent au gouvernement
central
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Rodden, 2002
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Part des ressources locales propres et autonomie d'emprunt
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Antonio Lecuna (2011)
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· Population moyenne par région.
· Superficie moyenne par région.
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Maria Rosaria (2014)
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Part des recettes locales dans les recettes totales
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KajsaKarlström (2015)
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· Part des dépenses locales
· Part des emplois locaux
· Variable binaire (0 : élections
locales ; 1 : élections régionales)
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TréismanDaniel (2000)
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Variable binaire (0 : fédéral ;
1 : non fédéral
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Fan et all (2009)
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· Part des recettes locales dans le PIB.
· Part des emplois locaux.
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Source : Emilie Caldeira et Gregoire Rota-Graziosi(2014)
3.2) La mesure de la corruption
La corruption est un phénomène difficilement
mesurable en raison de leur complexité et la pluralité de leurs
dimensions. Berg (2001) indique qu'un bon indicateur doit répondre
à quatre conditions à savoir la crédibilité, la
validité, l'exactitude et la précision donc une mesure qui
combine ces conditions s'avère irréalisable.
Généralement, les mesures utilisées dans la
littérature peuvent être classées en deux catégories
: mesures objectives et mesures subjectives.
* Les mesures objectives portent essentiellement sur le
nombre des agents accusés de cas de corruption, sur le montant
transféré ( pot de vins) dans les transactions de corruption
établies entre les agents publics et privés ou bien sur la
différence réelle entre le coût réel des
infrastructures et le montant payé par le pouvoir public (Miriam et
Lucio, 2005). Ces indicateurs s'utilisent pour des analyses micro-
économiques et leurs agrégations se heurtent à des
nombreuses difficultés en raison de l'inexistence des données
pour la majorité des pays, de plus ces indicateurs couvrent
partiellement la corruption et les données ne sont que peu comparables
entre les pays.
* Les mesures subjectives sont basées sur la perception
et sont composées des données provenant des études ou des
questionnaires. En dépit de leurs niveaux élevés de
subjectivité, elles restent les plus répandues à
l'échelle internationale et largement utilisées dans les
études économétriques. Ces mesures provenant de plusieurs
organismes comme la banque mondiale, Transparency International, Freedom house,
World Economic Forum. Parmi ces mesures on peut citer :
* L'indice de perception de la corruption (IPC) :
il s'agit d'un indicateur publié chaque année par
l'organisation non gouvernementale (ONG) « Transparency
international » depuis 1995. Il permet de mesurer la corruption
perçue dans l'administration publique et dans la classe politique. Il
est compris entre 0 et 100. Un indice élevé correspond à
une corruption faible par contre un indice faible correspond à un niveau
de corruption élevé. Cet indice rassemble à lui seul 14
sources de données formulées principalement par des experts et
des hommes d'affaire et des analystes de risques qui résident dans leurs
pays ou à l'étranger.
* L'indice de gouvernance mondiale (IGM): Il est
lancé en 2008 par le forum sur la gouvernance mondiale. Cet Indice est
utilisé pour proposer aux décideurs politiques, quel que soit
leur niveau (national, régional ou international), aux entreprises et
aux ONG, une information fiable et indépendante leurs permettent
d'évaluer le degré de gouvernance d'un État, de
diagnostiquer cette gouvernance en repérant les points faibles et les
points forts et de suivre les évolutions au fil du temps. Il s'agit
d'un indicateur composite et calculé sur la base de cinq domaines
à savoir la Paix et Sécurité ; l'État de
droit ; les droits de l'homme et la participation et le
développement Durable. Il est compris entre 0 et 1. Un indice
élevé traduit un niveau de gouvernance élevé et
vice versa.
* Le guide internationale des risques pays (GIRP) : Il est
institué en 1996 par l'agence PoliticalRisk Services qui permet de
mesurer les risques politiques, financiers et économiques qu'un pays
peut rencontrer. L'indice ainsi calculé compris entre 0 et 100 et
rassemble à lui seul 25 sources de données formulées
principalement par des experts et des hommes d'affaire. Un indice
élevé traduit un risque faible et inversement.
3.3)LES ÉTUDES EMPIRIQUES
Comme dans le cas des études théoriques, les
études empiriques réalisées sur l'impact de la
décentralisation sur la corruption sont ellesmêmes non
concluantes et sont confrontées à des difficultés
méthodologiques. Certaines études ont montré que la
décentralisation favorise la corruption alors que d'autres au contraire
montrent que la décentralisation défavorise la corruption. La
divergence des résultats peut être liée au choix du
concept de la décentralisation (fiscale, administrative, politique), au
choix du concept de la corruption (petite corruption ou grande corruption),
à la nature de la relation entre la décentralisation et la
corruption (Linéaire ou non linéaire).
Les travaux en question utilisent des modèles
économétriques généralement en coupe transversale
et incluent presque les mêmes variable de contrôle comme le PIB
par habitant, l'ouverture commerciale, la taille de gouvernement, le niveau de
la démocratie, la fractionalisation ethnique, le niveau de
l'éducation. Dans cette section on va énumérer les
principaux résultats obtenus.
Goldsmith(1999)montre que la décentralisation pourrait
engendrer une haussede la corruption. La décentralisation n'est pas
idéale car il est plus facile de dissimuler les activités de
corruption. Contrairement au système centralisé qui impose aux
fonctionnaires plus de responsabilité et de transparence.
KajsaKarlström (2015) affirme que la
décentralisation fiscale et administrative sont associées
à un niveau de corruption faible pour les pays démocratiques mais
un niveaux de corruption élevé pour les pays autoritaires. Les
pays démocratiques disposent d'un ensemble d'institutions qui
fournissent aux citoyens des informations sur le comportement des responsables
locaux et leur accorde la liberté d'élire, de protester et
d'influencer les décisions prises par les gouvernements locaux.
L'étude montre aussi que la décentralisation politique n'a aucun
impact robuste sur la corruption.
Maria Rosario (2014) montre qu'une décentralisation
forte permet aux décideurs locaux de se rapprocher des citoyens et
d'adopter un comportement moins corrompus afin de maximiser la
probabilité de réélection. Cependant, ce degré
élevé de décentralisation permet aux décideurs
locaux de gérer des recettes importantes ce qui augmente les risques de
la corruption. les auteurs soulignent qu'un degré
intermédiaire de décentralisation est la meilleure structure
qu'un pays peut adopter pour lutter contre la corruption.
Selon Arikan (2004), les résultats de sonétude
ne sont pas robustes mais ils offrent des preuves selon lesquelles la
corruption peut être plus faible dans les pays où l'ampleur de la
décentralisation est élevée.
Antonio Lecuna (2012) montre que les pays ayant un nombre
élevé de gouvernement infranationaux de premier niveau par
rapport à leur population sont plus corrompus. L'auteur souligne que les
fonctionnaires dans les petites juridictions on tendance à être
plus capturés par les élites puisque les mécanismes de
contrôle, la dénonciation sont relativement faible. En outre,
l'auteur souligne que les fonctionnaires dans les gouvernements
régionaux sont moins fiables, sous rémunérés non
coopératifs et démotivés par rapport à ceux au
niveau national.
Pour Fisman et Gatti (2002), Les résultats sont
statistiquement significatifs et sont robustes à diverses
spécifications. Les auteurs montrent que la décentralisation en
matière de dépenses gouvernementales est constamment
associéeà une baisse de la corruption.
Treisman Daniel et all (2007) affirment que dans les pays
ayant un plus grand nombre de gouvernements et d'employés publics
locaux, la corruption signalée pourrait être fréquente.
Gurgur et Shah (2005) constatent que la
décentralisation a un impact négatif sur corruption, la
décentralisation est mesurée par le poids de l'emploi de
l'administration publique dans l'emploi total, et la corruption est
mesurée par l'indice de perception de la corruption. Ils divisent les
pays en deux groupes, pays unitaires et pays fédéraux. Ils
concluent que la décentralisation dans les États unitaires a un
plus grand impact sur la corruption.
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