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L'impact de la décentralisation sur la corruption: Etude théorique et validation empirique

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par Mouhamed Issam Kasraoui
Université de Tunis - Mastère de recherche en économie de développement régional 0000
  

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SECTION 3) UNE REVUE DE LA LITTÉRATURE EMPIRIQUE

3.1) La mesure de la décentralisation

La décentralisation est un processus complexe et multidimensionnelle. Une mesure unique et précise s'avère irréaliste. Fan et all (2009) affirme que malgré que les données sur la décentralisation sont détaillées, elles sont encore susceptibles de contenir des erreurs de mesure car plusieurs facteurs sont étroitement associés à la décentralisation. De plus les mesures adoptées diffèrent selon la forme de la décentralisation. Le tableau suivant récapitule l'ensemble des mesures utilisées dans les travaux empiriques.

Tableau 4- Les indicateurs de la décentralisation

Auteurs

Mesure de la décentralisation

Arikan, 2004

· Nombre de juridictions locales.

· Niveaux de gouvernement divisé par la population totale.

· Part des emplois publics locaux dans les emplois publics.

· Part des dépenses publiques locales dans les dépenses totales.

De Mello, 2000

· Autonomie fiscale locale, dépendance aux transferts,

· Interaction entre autonomie et part des dépenses publiques locales

Wibbels, 2000

Variable discrète (fédéral, mixte, unitaire).

King et Ma, 2001

Part des recettes fiscales qui reviennent au gouvernement central

Rodden, 2002

Part des ressources locales propres et autonomie d'emprunt

Antonio Lecuna (2011)

· Population moyenne par région.

· Superficie moyenne par région.

Maria Rosaria (2014)

Part des recettes locales dans les recettes totales

KajsaKarlström (2015)

· Part des dépenses locales

· Part des emplois locaux

· Variable binaire (0 : élections locales ; 1 : élections régionales)

TréismanDaniel (2000)

Variable binaire (0 : fédéral ; 1 : non fédéral

Fan et all (2009)

· Part des recettes locales dans le PIB.

· Part des emplois locaux.

Source : Emilie Caldeira et Gregoire Rota-Graziosi(2014)

3.2) La mesure de la corruption

La corruption est un phénomène difficilement mesurable en raison de leur complexité et la pluralité de leurs dimensions. Berg (2001) indique qu'un bon indicateur doit répondre à quatre conditions à savoir la crédibilité, la validité, l'exactitude et la précision donc une mesure qui combine ces conditions s'avère irréalisable. Généralement, les mesures utilisées dans la littérature peuvent être classées en deux catégories : mesures objectives et mesures subjectives.

* Les mesures objectives portent essentiellement sur le nombre des agents accusés de cas de corruption, sur le montant transféré ( pot de vins) dans les transactions de corruption établies entre les agents publics et privés ou bien sur la différence réelle entre le coût réel des infrastructures et le montant payé par le pouvoir public (Miriam et Lucio, 2005). Ces indicateurs s'utilisent pour des analyses micro- économiques et leurs agrégations se heurtent à des nombreuses difficultés en raison de l'inexistence des données pour la majorité des pays, de plus ces indicateurs couvrent partiellement la corruption et les données ne sont que peu comparables entre les pays.

* Les mesures subjectives sont basées sur la perception et sont composées des données provenant des études ou des questionnaires. En dépit de leurs niveaux élevés de subjectivité, elles restent les plus répandues à l'échelle internationale et largement utilisées dans les études économétriques. Ces mesures provenant de plusieurs organismes comme la banque mondiale, Transparency International, Freedom house, World Economic Forum. Parmi ces mesures on peut citer :

* L'indice de perception de la corruption (IPC) : il s'agit d'un indicateur publié chaque année par l'organisation non gouvernementale (ONG) « Transparency international » depuis 1995. Il permet de mesurer la corruption perçue dans l'administration publique et dans la classe politique. Il est compris entre 0 et 100. Un indice élevé correspond à une corruption faible par contre un indice faible correspond à un niveau de corruption élevé. Cet indice rassemble à lui seul 14 sources de données formulées principalement par des experts et des hommes d'affaire et des analystes de risques qui résident dans leurs pays ou à l'étranger.

* L'indice de gouvernance mondiale (IGM): Il est lancé en 2008 par le forum sur la gouvernance mondiale. Cet Indice est utilisé pour proposer aux décideurs politiques, quel que soit leur niveau (national, régional ou international), aux entreprises et aux ONG, une information fiable et indépendante leurs permettent  d'évaluer le degré de gouvernance d'un État, de diagnostiquer cette gouvernance en repérant les points faibles et les points forts et de suivre les évolutions au fil du temps. Il s'agit d'un indicateur composite et calculé sur la base de cinq domaines à savoir la Paix et Sécurité ; l'État de droit ; les droits de l'homme et la participation et le développement Durable. Il est compris entre 0 et 1. Un indice élevé traduit un niveau de gouvernance élevé et vice versa.

* Le guide internationale des risques pays (GIRP) : Il est institué en 1996 par l'agence PoliticalRisk Services qui permet de mesurer les risques politiques, financiers et économiques qu'un pays peut rencontrer. L'indice ainsi calculé compris entre 0 et 100 et rassemble à lui seul 25 sources de données formulées principalement par des experts et des hommes d'affaire. Un indice élevé traduit un risque faible et inversement.

3.3)LES ÉTUDES EMPIRIQUES

Comme dans le cas des études théoriques, les études empiriques réalisées sur l'impact de la décentralisation sur la corruption sont ellesmêmes non concluantes et sont confrontées à des difficultés méthodologiques. Certaines études ont montré que la décentralisation favorise la corruption alors que d'autres au contraire montrent que la décentralisation défavorise la corruption. La divergence des résultats peut être liée au choix du concept de la décentralisation (fiscale, administrative, politique), au choix du concept de la corruption (petite corruption ou grande corruption), à la nature de la relation entre la décentralisation et la corruption (Linéaire ou non linéaire).

Les travaux en question utilisent des modèles économétriques généralement en coupe transversale et incluent presque les mêmes variable de contrôle comme le PIB par habitant, l'ouverture commerciale, la taille de gouvernement, le niveau de la démocratie, la fractionalisation ethnique, le niveau de l'éducation. Dans cette section on va énumérer les principaux résultats obtenus.

Goldsmith(1999)montre que la décentralisation pourrait engendrer une haussede la corruption. La décentralisation n'est pas idéale car il est plus facile de dissimuler les activités de corruption. Contrairement au système centralisé qui impose aux fonctionnaires plus de responsabilité et de transparence.

KajsaKarlström (2015) affirme que la décentralisation fiscale et administrative sont associées à un niveau de corruption faible pour les pays démocratiques mais un niveaux de corruption élevé pour les pays autoritaires. Les pays démocratiques disposent d'un ensemble d'institutions qui fournissent aux citoyens des informations sur le comportement des responsables locaux et leur accorde la liberté d'élire, de protester et d'influencer les décisions prises par les gouvernements locaux. L'étude montre aussi que la décentralisation politique n'a aucun impact robuste sur la corruption.

Maria Rosario (2014) montre qu'une décentralisation forte permet aux décideurs locaux de se rapprocher des citoyens et d'adopter un comportement moins corrompus afin de maximiser la probabilité de réélection. Cependant, ce degré élevé de décentralisation permet aux décideurs locaux de gérer des recettes importantes ce qui augmente les risques de la corruption. les auteurs soulignent qu'un degré intermédiaire de décentralisation est la meilleure structure qu'un pays peut adopter pour lutter contre la corruption.

Selon Arikan (2004), les résultats de sonétude ne sont pas robustes mais ils offrent des preuves selon lesquelles la corruption peut être plus faible dans les pays où l'ampleur de la décentralisation est élevée.

Antonio Lecuna (2012) montre que les pays ayant un nombre élevé de gouvernement infranationaux de premier niveau par rapport à leur population sont plus corrompus. L'auteur souligne que les fonctionnaires dans les petites juridictions on tendance à être plus capturés par les élites puisque les mécanismes de contrôle, la dénonciation sont relativement faible. En outre, l'auteur souligne que les fonctionnaires dans les gouvernements régionaux sont moins fiables, sous rémunérés non coopératifs et démotivés par rapport à ceux au niveau national.

Pour Fisman et Gatti (2002), Les résultats sont statistiquement significatifs et sont robustes à diverses spécifications. Les auteurs montrent que la décentralisation en matière de dépenses gouvernementales est constamment associéeà une baisse de la corruption.

Treisman Daniel et all (2007) affirment que dans les pays ayant un plus grand nombre de gouvernements et d'employés publics locaux, la corruption signalée pourrait être fréquente.

Gurgur et Shah (2005) constatent que la décentralisation a un impact négatif sur corruption, la décentralisation est mesurée par le poids de l'emploi de l'administration publique dans l'emploi total, et la corruption est mesurée par l'indice de perception de la corruption. Ils divisent les pays en deux groupes, pays unitaires et pays fédéraux.  Ils concluent que la décentralisation dans les États unitaires a un plus grand impact sur la corruption. 

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