Section 2 : Les effets économiques du blanchiment
des capitaux
1:L'importance des flux générés par
l'argent blanchi et les méthodes d'estimation
1-1 :Définition des flux illicites
Les termes « flux financiers illicites »
réfèrent aux sorties des fonds privés à l'origine
de l'accumulation d'actifs étrangers par des résidents qui
contreviennent aux lois applicables et au cadre réglementaire existant.
Il convient de noter que si cette définition s'applique aux flux
financiers illicites émanant de la plupart des pays en
développement, il existe toutefois des exceptions. Dans les faits, un
pays en développement tel que l'Arabie saoudite n'exercent pas de
contrôle officiel sur les mouvements de capitaux. La présente
étude fait cependant état d'une moyenne annuelle de près
de 54 milliards de dollars de sorties des fonds en Arabie saoudite, entre 2002
et 2006. L'Arabie saoudite se classe donc à cet égard au second
rang, tout juste derrière la Chine. Le fait qu'un pays qui n'exerce
aucun contrôle sur les mouvements de capitaux affiche le second plus haut
taux de flux financiers illicites se qui laisse de supposer qu'une
réglementation gouvernementale en matière de finance ne
mène pas obligatoirement aux mouvements illicites des capitaux. Comme
c'est le cas en Arabie saoudite, les flux financiers illicites découlent
d'avantage de l'instabilité politique et macro-économique qui
engendre parmi les investisseurs une mentalité de « crainte face
à l'avenir » et les incite à placer leur avoir à
l'abri, hors du pays. Donc, si les mouvements illicites des capitaux
émanent souvent de la volonté de gérer les capitaux de
façon à éviter les contrôles de capitaux internes,
cette absence de contrôle ne signifie pas pour autant qu'un pays ne sera
pas confronté à des mouvements illicites de capitaux, surtout en
présence d'autres facteurs susceptibles d'encourager ce type de
mouvements des capitaux. (Selon le rapport de FMI en 2007)
1-2 : Les méthodes d'estimation
Selon les modèles étudiés, deux voies
sont utilisées pour la sortie illicite des fonds : l'exploitation
clandestine du système bancaire international pour sortir des fonds d'un
pays, représentée par le modèle Hot Money, le
modèle résiduel de la Banque mondiale et la facturation
commerciale frauduleuse, qui permet d'accumuler des fonds qui seront
déposés dans des institutions bancaires étrangères.
Les économistes utilisent fréquemment les trois modèles
mis à profit dans le cadre de la présente étude,
c'est-à-dire le modèle Hot Money, le modèle
résiduel de la Banque mondiale et la facturation commerciale
frauduleuse. Les données utilisées proviennent des bases de
données macroéconomiques à grande échelle tenues
à jour par le Fond monétaire international et la Banque mondiale.
La diversification des flux financiers illicites en provenance
de pays en développement, basée sur les modèles
utilisés, pour tenter d'éliminer les pays associés
à des faibles ou « faux » flux financiers illicites. Une
brève description des trois modèles est fournie ci-après
pour illustrer de quelle façon les données officielles peuvent
identifier les mouvements de fonds illicites. Les flux financiers illicites en
provenance des pays en développement sont ici répartis sur cinq
régions mondiales : l'Afrique, l'Asie, l'Europe, le Moyen-Orient et
l'Afrique du Nord (MOAN) et l'hémisphère occidental.
Le modèle « Hot Money » : permet
d'estimer les flux financiers illicites en fonction des erreurs et omissions
nettes au niveau des objets des comptes nationaux extérieurs. La valeur
nette des erreurs et omissions permet de faire la balance entre crédits
et débits des comptes extérieurs d'un pays et donc de
détecter les mouvements de capitaux non consignés et les erreurs
statistiques. Une valeur nette des erreurs et omissions constamment
élevée et négative est perçue comme le signe de
mouvements illicites de capitaux. À cela s'ajoutent les « sorties
comptabilisées de capitaux à court terme au sein du secteur
privé ». L'on ne tient compte que des sorties de capitaux
privés à court terme en vertu de l'hypothèse voulant que
ni le gouvernement, ni les autorités monétaires, ni les banques
n'expédient des fonds illégalement, et que les sorties de fonds
n'impliquent que des avoirs financiers qui viennent à
échéance à court terme, les fonds concernés devant
obligatoirement être récupérés rapidement et
à bref préavis.
Le modèle résiduel de la Banque mondiale
: permet de déterminer la source des fonds d'un pays (les entrées
de capitaux) au regard de leur utilisation consignée (sorties et/ou
dépenses de capitaux).Toute entrée des fonds excessives par
rapport à l'utilisation notée (ou aux dépenses) constitue
un capital non imputé qui est de ce fait considérée comme
un flux financier illicite. L'augmentation de l'endettement extérieur
net du secteur public et le flux net de l'investissement direct étranger
comptent parmi les sources des fonds identifiées ainsi que l'utilisation
des fonds inclut le déficit courant financer par les mouvements de
comptes de capitaux et les dotations aux réserves de la banque centrale.
La présente étude emploie deux autres
façons de mesurer l'endettement extérieur net du secteur public :
la première est basée sur les changements annuels au niveau des
encours de l'endettement extérieur (CED) tandis que la seconde est
basée sur le flux d'endettement net (NDF). L'inclusion ici des versions
CED et NDF du modèle résiduel de la Banque mondiale relève
de l'impact des variations du calcul du taux de change sur les encours de la
dette. Les variations de calcul peuvent mener à une majoration de la
dette lorsque le dollar perd de sa valeur ou à une
sous-évaluation de la dette lorsque la valeur du dollar grimpe par
rapport à la monnaie du pays qui a contracté la dette. L'on
préfère généralement la version NDF à la
version CED car les variations du taux de change ont moins d'impact sur les
mouvements de fonds que sur les encours très élevés. Les
données relatives aux versions CED et NDF devant théoriquement
être consistantes (exception faite des écarts au niveau du calcul
des taux de change), l'on ne doit pas s'attendre à des écarts
prononcés au niveau des estimations des flux financiers illicites pour
cette nouvelle source de fonds. Si l'étude a révélé
que selon la version CED les flux financiers illicites étaient en
moyenne plus élevés (2011 à 2014) que les estimations,
l'écart n'était que de 5 pour cent.
Le modèle de facturation commerciale frauduleuse
: la facturation commerciale frauduleuse étant reconnue depuis
longtemps comme une voie importante de mouvements financiers illicites,
motivée par le fait que les résidents peuvent acquérir de
façon illégale des actifs étrangers en surfacturant les
importations et en sous facturant les exportations, une comparaison est faite
entre les exportations internationales d'un pays en développement et les
importations enregistrées à l'étranger en provenance dudit
pays, après ajustement des coûts de transport et d'assurance.
Une comparaison est également faite entre les
importations internationales d'un pays et les exportations internationales vers
ce pays rapportées. Les écarts au niveau des données
commerciales avec les pays partenaires, après ajustement des coûts
de transport et d'assurance, qui laissent supposer une surfacturation des
importations et une sous-facturation des exportations, témoignent de
flux financiers illicites. Il est cependant important de noter que le
modèle de facturation commerciale frauduleuse peut également
donner des résultats de type « négatif », synonymes de
flux financiers illicites internes (c.-à-d. l'entrée non
consignée de capitaux au pays) imputables à la surfacturation des
exportations et à la sous facturation des importations.
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