2-2- Les entreprises algériennes : Quel type de RSE
?
Si les pouvoirs publics algériens prennent de plus en
plus d'initiatives en direction du DD comme il a été
souligné dans la première section, la société
reconnaît déjà depuis de nombreuses années
l'influence qu'exercent les entreprises sur l'utilisation des ressources
naturelles, le développement des technologies, les modes de production
et de consommation ainsi que les styles de vie. Ce pouvoir d'influence engendre
une responsabilité importante pour les entreprises dans leurs
activités de développement, management, marketing, et de
communication, en particulier, dans les secteurs à forts impacts sociaux
et environnementaux, comme celui de l'énergie.
Étant un ex-pays socialiste, l'Algérie est
concernée par cette phase de transition vers une économie de
marché. Cependant les démarches en faveur de la RSE sont
embryonnaires, et marquent un retard par rapport à l'élan
enregistré par la RSE dans les autres pays.
Jusqu'aux réformes des années 90 (ouverture de
l'économie algérienne), le tissu industriel algérien
était essentiellement composé d'entreprises d'État
obéissant à des exigences politiques mettant en veilleuse la
contrainte productive avec une préoccupation forte. La RSE était
plutôt une responsabilité sociétale liée au statut
de l'entreprise publique qui détenait des prérogatives ainsi que
des responsabilités qui étaient déléguées
par l'État. La RSE en
6 Fondateur et Directeur du bureau d'études
A2D Conseil, le co-fondateur de l'Institut Afrique RSE. Il anime des
conférences en Afrique (Cameroun, Gabon, Congo (Brazzaville), Tchad,
Mali, Bénin, Burkina Faso et Sénégal) et en Europe (France
et Suisse) sur la RSE, la croissance verte et le social-green business.
7 Green et Vert est un média social qui
offre une perspective internationale sur tous les aspects du
développement durable : social, environnemental et économique.
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Premier Chapitre : L'Algérie face au nouveau concept : la
RSE
particulier, s'exprimait dans l'obligation d'offrir un emploi
à une population qui en était dépourvue auparavant. Elle
consistait également à offrir des services sociaux relatifs
à la santé, logement et la consommation du fait de la
défaillance du marché.
A partir de cette période d'ouverture, l'État a
renoncé à son rôle d'entrepreneur dû à la
privatisation de certaines entreprises publiques. Les nouveaux acteurs que sont
les entreprises privées du capital national et étranger son
guidés par le seul objectif de valorisation du capital essentiel
à leur survie. Leur action sur le plan social et environnemental, ne
dépasse pas le cadre du respect de la réglementation (Khaled
TAHARI). Cette situation est synonyme d'un manque de volonté en
matière de RSE. Par conséquent en se référant
à la définition de la Commission Européenne de la RSE en
2001, il n'est pas possible de qualifier ces entreprises d'être
socialement responsables.
Néanmoins, aucune preuve ne peut être
avancée, par rapport à la faiblesse notable de la présence
de la RSE en Algérie, que les entreprises algériennes sont
irresponsables (HAMIDI Youcef, KHELFAOUI Mounia, 2013). Cette situation renvoie
à la notion de RSE « explicite » et « implicite »
(Matten et Moon, 2004). La RSE explicite consiste en politiques, programmes et
stratégies volontaires des entreprises, par contre la RSE implicite est
interprétée par le consensus sociétal sur les attentes
légitimes de la société de la part des entreprises. Ainsi
pour pouvoir situer les petites entreprises algériennes entre ces deux
formes de RSE qui viennent d'être évoquées, il est
nécessaire de se référer sur l'étude menées
sur 237 PME (Petites et Moyennes Entreprises) algériennes par HAMIDI
Youcef et KHELFAOUI Mounia en 2012. Selon cette étude, pour ce qui est
de l'engagement explicite, seulement 5% des responsables des PME ont des
pratiques volontaire et réglementaire vis-à-vis du volet social
de la RSE. Ces derniers ont une parfaite connaissance de la notion ce qui
démontre la forme explicite de leur engagement. Quant aux 95% autres
dirigeants des PME, ils ont des pratiques involontaires plutôt dans
l'informelle du point de vue social. Ces responsables s'engagent indirectement
dans la RSE sans pour autant avoir une connaissance sur la notion. Ils
octroient des aides financières au profit de leurs employés
d'où la forme implicite de la RSE. Au vue de ces résultats, il
parait clair et net que les PME algériennes sont
caractérisées par un engagement implicite involontaire du fait
qu'elles mettent en place des pratiques favorables aux principes de la RSE sans
aucune connaissance de cette dernière. Certes ces conclusions sont
à relativiser étant donné que cette étude est
menée sur un échantillon bien déterminé
d'entreprises algériennes.
Par ailleurs, les pouvoirs publics reconnaissent la
nécessité d'inciter concrètement et d'aider les
entreprises à s'engager sur la voie du DD. Certaines entreprises
publiques comme privées ont rapidement intégré des
procédures de rationalisation et de management environnemental
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Premier Chapitre : L'Algérie face au nouveau concept : la
RSE
notamment la prise en compte de la norme ISO 26000 sur les
différentes activités qu'elles mènent. Et cela grâce
au lancement du projet RS-MENA en 2011 (Amel MEBARKI BENAFFANE, Hafida
GUENDOUCI HADDAD).
Le projet RS-MENA :
Le projet RS-MENA a été lancé en 2011 par
l'organisation internationale de normalisation (ISO). C'est un projet de
coopération qui vise l'encouragement des pays de la région
Moyen-Orient-Afrique du Nord (MENA) à adopter la norme ISO 26000. Le
financement vient principalement de l'agence suédoise de
coopération pour le développement international (SIDA). Le projet
s'adresse à 8 pays réparti entre francophones et anglophones :
Algérie, Égypte, Irak, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie et Tunisie.
Sa durée est de 4 ans déployée en deux phases, la
première a été mise en pratique entre 2011-2012 et la
deuxième est en cours depuis 2012 jusqu'à nos jours. L'objectif
principal est de développer des capacités d'appliquer la norme en
question dans chacun de ces pays afin de permettre aux organisations (les
entreprises notamment) d'intégrer une démarche responsable dans
leurs activités.
Selon le bureau de conseil Quality Consulting Management,
depuis le lancement de ce projet, il y a eu quatorze entreprises publiques et
privées qui se sont engagées dans ce processus. Deux en 2011,
quatre en 2012 et huit pour l'année 2013.
En plus de ce projet, vient s'ajouter le partenariat entre
l'Institut algérien de la gouvernance d'entreprise et l'ORSE
établi en mars 2014 en vue de mettre en place une plateforme « RSE
Algérie ». Le but de ce partenariat est de favoriser la diffusion
des bonnes pratiques d'entreprises en intégrant une dimension
sectorielle (énergie, BTP, banques, agroalimentaire etc.). Cette
plateforme répond aux questions des entreprises et principales
organisations professionnelles algériennes (chambre de commerce et
d'industrie, forum des chefs d'entreprise etc.) désirant s'engager en
matière de DD et RSE. La SONATRACH, c'est le meilleur exemple pour
confirmer ce qui a été dit. Elle est l'entreprise leader en
matière de responsabilité sociale, et la première qui a
publié un rapport Développement Durable en Algérie. Sa
démarche, contrairement aux autres entreprises, a dépassé
la vision traditionnelle de la RSE (le champ social et environnemental de ses
activités) « elle a souvent eu à traiter des affaires
extrêmement sensibles qui sont généralement du ressort de
l'Etat. Elle lui est arrivée parfois d'agir au nom de l'Etat auquel elle
s'est même substituée en certaines occasions. Cela a
été possible car elle a, de tous temps, possédé des
moyens humains et financiers aussi importants, voire plus importants que ceux
de l'État » (Hocine MALTI, 2013). Certains économistes
et même des politicologues l'ont qualifié comme un «
État dans un État ».
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