Section 2 : Comment les entreprises algériennes
intègrent-elles la Responsabilité Sociale des Entreprises ?
Pour aborder au mieux cette section afin d'apporter une
réponse à cette interrogation, il serait d'abord
intéressant de faire une revue de la littérature sur ce concept
qui est la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). Ensuite
l'adapter aux réalités des entreprises algériennes enfin
de savoir quel type de RSE (explicite ou implicite) ont-elles
adoptée.
2-1- Cadre théorique relatif à la RSE
Le concept de RSE peut être abordé sur
différentes approches multiples et variées. L'ouvrage de Bowen
(1953) a été une révolution dans le monde des affaires en
étant le premier à aborder le concept de la RSE. En fait, «
L'idée de la responsabilité sociale a été
développée dés les années 1950 par de nombreux
chercheurs anglo-saxons (Bowen1950 , Davis 1960 , Walton 67) »
(Daudé, Noel, 2006). Partant de ces faits, ce nouveau concept a
suscité l'intérêt de plusieurs chercheurs scientifiques et
des organisations non gouvernementales. La première définition
qui lui est attribuée est extraite de l'ouvrage de Bowen (1953)
intitulé « Social Responsabilities of the businessman ». Selon
cette définition, « elle renvoie aux obligations de l'homme
d'affaire de poursuivre telles politiques, de prendre telles décisions
ou de suivre telles lignes d'action qui sont désirables en fonction des
objectifs et des valeurs de notre
4 « Si le développement durable est un concept
macroéconomique, on peut considérer que la RSE est sa version
microéconomique » (WOLFF Dominique, 2010)
23
Premier Chapitre : L'Algérie face au nouveau concept : la
RSE
société » (Jacques IGALENS et Laïla
BENRAISS). Au-delà de celle-ci, d'autres définitions de la
responsabilité et la durabilité sont proposées. Les plus
populaires sont représentés ci-dessous :
Selon l'Organisation de Coopération et de
Développement Economiques (OCDE) qui est une organisation
international d'études économiques. Cette dernière propose
une définition descriptive en estimant que la responsabilité et
la durabilité de l'entreprise peut signifier différentes choses
pour différents groupes, secteurs et intervenants et qu'elle est
toujours en évolution."... la RSE est la contribution des entreprises au
développement de la durabilité cela signifie que le comportement
des entreprises doit non seulement assurer des dividendes aux actionnaires, des
salaires aux employés et des produits et services aux consommateurs,
mais il doit répondre également aux préoccupations et aux
valeurs de la société et de l'environnement".
Quant à la définition du WBCSD
"World Business Council for Sustainable Development" qui est
le conseil mondial des affaires pour le développement durable
basé à Genève, et est une alliance de 190 compagnies
internationales unies par un engagement commun de développement durable
à travers les trois piliers de la croissance économique, de
l'équilibre écologique et du progrès social. Elle
intègre la RSE dans un contexte de développement durable. "La RSE
est l'engagement continu des entreprises à agir correctement sur le plan
de l'éthique et de contribuer au développement économique,
tout en améliorant la qualité de vie de ses employés et de
leurs familles, de la collectivité locale et de l'ensemble de la
société ".
CBSR "Canadian Business for Social
Responsibility" elle mobilise les entreprises canadiennes à
prendre des décisions d'affaires puissantes qui améliorent la
performance et la contribution à un monde meilleur. "la RSE est
l'engagement d'une entreprise à opérer dans un milieu de
durabilité économique et environnementale tout en reconnaissant
les intérêts de ses intervenants. Les intervenants comprennent les
investisseurs, les clients, les employés, les partenaires d'affaires,
les collectivités locales, l'environnement et l'ensemble de la
société". Le CBSR précise aussi que la "RSE va
au-delà des bonnes oeuvres telles que le bénévolat et la
charité".
Et enfin la Commission
Européenne(2001) définit la RSE comme étant
« l'intégration volontaire par les entreprises des
préoccupations sociales et environnementales à leurs
activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes
».
De toutes ces définitions, il est
préférable de retenir celle faite par la commission
européenne. En effet celle-ci englobe toutes les autres notions de bases
évoquées dans les autres
24
Premier Chapitre : L'Algérie face au nouveau concept : la
RSE
définitions. Sa particularité contrairement aux
autres, est qu'elle met en avant la volontarité des entreprises
au-delà des contraintes juridiques et économiques.
Afin de mieux analyser cette définition, il
paraît opportun de s'arrêter sur quelques-unes des notions sur
lesquelles elle repose :
L'intégration volontaire :
Elle repose sur le fait que les entreprises s'engagent
librement dans une démarche responsable dans le but d'améliorer
leurs performances sociales et environnementales en dépit des
contraintes légales.
L'intégration de préoccupations sociales et
environnementales :
La responsabilité sociale des entreprises est
basée sur le principe du Triple Bottom Line (People Planet et Profit),
c'est-à-dire la recherche de profit, le respect des normes sociales et
environnementales. Dans cette perspective, l'entreprise se doit maintenant de
mettre en place des processus lui permettant d'assumer sa responsabilité
sociétale autant qu'économique tout en atténuant les
conséquences de la détérioration de l'environnement.
Les relations avec les parties prenantes :
Edward Freeman (1984) définit les parties prenantes
(stakeholders) comme « tout groupe ou individu qui peut affecter ou est
affecté par l'accomplissement des objectifs d'une organisation ».
De cette définition peut être perçu l'interaction et/ou
l'influence réciproque que peut avoir l'entreprise au sein de son
environnement.
Cependant force est de constater que les attentes des parties
prenantes sont parfois difficiles à concilier avec les objectifs de
l'entreprise. C'est pourquoi, il est important pour l'entreprise d'instaurer un
dialogue et de communiquer avec tous sans exception afin de trouver un terrain
d'entente et de dégager des buts communs (Think Tank européen
pour la solidarité, 2010).
Le tableau ci-après présente les attentes de chaque
groupe de parties prenantes. Tableau N° 3 : Les
attentes des chaque partie prenante
|
Économique
|
Environnementale
|
Social
|
Client/Consommateur
|
Garantie, Qualité, Juste prix
|
Consommation
ressources, respect l'environnement information
|
de de et
|
Éthique, équitable, droit social
|
commerce
respect du
|
Employés et syndicats
|
Équité sociale,
|
Respect
|
|
Motivation, Consultation
|
interne,
|
25
Premier Chapitre : L'Algérie face au nouveau concept : la
RSE
|
rémunération
|
de l'environnement
|
formation, développement, employabilité
|
Sous-traitants
|
Rémunération équitable,
information
sur le développement
et pérennité
de la collaboration
|
Définition claire des
exigences sur les produits et les processus
|
Formalisation des
exigences en matière de conditions de production et des
modes de contrôle et d'audit
|
Fournisseurs
|
Relation de partenariat long terme
|
Formalisation des
spécifications techniques
|
Formalisation
des exigences éthiques et déontologique
|
Distributeurs
|
Maîtrise des
charges, concurrences
|
Réduction des
déchets d'emballage, de transport Prise en compte Des
aspects environnementaux
|
Développement des produits éthiques
|
Actionnaires et propriétaires
|
Résultats financiers
|
Ethique, maîtrise des
risques, anticipation et transparence
|
maîtrise des risques liés à l'image,
anticipation et gestion des crises
|
Pouvoirs publics
|
Contribution à la richesse nationale et locale
|
Respect réglementation
|
Respect réglementation
en matière de droit du travail
|
Communautés locales et
territoriales
|
Pérennité de l'entreprise
|
Information
et transparence, réduction des nuisances
|
Prise en compte
des attentes
locales, participation à la
vie locale. Acteurs
du bassin d'emploi
|
Concurrents
|
Benchmarks
|
Respect des règles de protection
|
Respect du droit de la concurrence, éthique, absence de
dumping social
|
Assureurs
|
Charges de réparation
|
Maîtrise de risques
|
Accidents du travail, y compris des
sous-traitants
|
Source : Développement durable et entreprise,
ORSE-AFNOR
Dans le contexte mondial, la disparité la plus connue
en matière de RSE, est celle entre l'Europe occidentale5 et
les États-Unis d'Amérique. Selon Capron et Lanoizelée
(2010), les
5 Le terme Europe occidentale désigne
l'Europe de l'Ouest qui comprend selon le codage de l'ONU 23 pays: Allemagne ,
Andorre ,Autriche ,Belgique ,Danemark ,Espagne ,Finlande ,France ,Grèce
,Irlande ,Islande ,Italie ,Liechtenstein, Luxembourg ,Malte ,Norvège
,Pays-Bas ,Portugal ,Royaume-Uni ,Saint-Marin ,Suisse ,Suède et
Vatican.
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Premier Chapitre : L'Algérie face au nouveau concept : la
RSE
origines américaines de la RSE sont issues des
préoccupations éthiques et religieuses, contrairement à la
conception européenne qui considère que la RSE « s'inscrit
dans la perspective de la contribution au développement durable ».
Dans cette conception européenne de la RSE, l'individu est
considéré comme un être social subordonné à
la société et donc à l'État. Ainsi, le bien
être collectif passe par la prise en compte des préoccupations
à la fois économiques, sociales et environnementales d'où
la nécessité d'un arbitrage étatique en vue de
réduire les inégalités (DEPERT Mark-Hubert et al,
2009).
Comptant pour l'Afrique, selon TÉNÉ
Thierry6 lors d'une interview avec Green et Vert7, il
évoque la difficulté de construire un modèle RSE commun
à l'ensemble des pays africains. L'histoire, la culture et les
priorités économiques ne sont pas les mêmes à
travers le continent. Il faut donc l'adapter aux réalités
locales. Toujours d'après TÉNÉ, la mise en place de
stratégies RSE en Afrique s'effectuera plus rapidement qu'en Europe,
puisque les multinationales occidentales sont obligées d'appliquer leurs
démarches RSE à leurs filiales africaines.
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