C - L'association de cette dichotomie.
Evidemment, ces deux pôles, ces deux dynamiques se
confrontent, ils sont concurrents, et établissent un rapport de
force.
Lorsque la circulation est plus forte, l'iconographie
s'adapte. L'exemple de l'Union Européenne (UE) est
significatif8. Au profit d'une libre circulation des hommes et des
marchandises, une monnaie unique est crée l'euro (la plus signifiante
des iconographies européennes) et ... un drapeau européen est
instauré.
A l'inverse, lorsque que les iconographies nationales sont
vivaces, la circulation fait face à la matérialisation des
frontières mentales : érections de murs, douanes, contrôles
aux frontières, jusqu'à la fermeture totale d'un Etat
(Corée du Nord actuelle).
1 JEAN GOTTMANN, 1952 : 220
2 JEAN GOTTMANN, 1952 : 221
3 On pense ici à l'ouvrage de Tzvetan Todorov,
2008, La Peur des barbares, au-delà du choc des civilisations,
Robert Lafont, Paris
4 cf Armant Frémont, 1999, La
région, espace vécu, collection Champs, éd
Flammarion, 288p
5 JEAN GOTTMANN, 1952 : 223
6 JEAN GOTTMANN, 1952 : 158
7 JEAN GOTTMANN, 1952 : 157
8 Lire à ce propos Georges
Prévélakis, 2004, «L'Europe, territoire ou
réseau?», R. Frank, R. Greenstein (sous la direction),
Gouvernance et identités en Europe , Bruyland, , L.G.D.J.,
Bruxelles, Paris, 2004, p. 53-60.
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Pourtant concurrents, ces deux facteurs d'évolution du
cloisonnement du monde sont par ailleurs concordants. La circulation peut
conduire au cloisonnement. Reprenons l'exemple de l'Union Européenne :
outre l'ouverture des frontières, la circulation participe de la
construction iconographique de l'UE. Pareillement, l'iconographie peut devenir
facteur de décloisonnement. On pense à de nombreux Etats
nouvellement crées, qui ont décloisonné leur territoire
par la mise en place d'une iconographie nationale reléguant au second
plans les iconographies de régionalismes, dans le seul but d'une
unification nationale.
Plus loin encore, et c'est pour ainsi dire la
démonstration finale de la combinaison de ces deux dynamiques de
mouvement et de résistance au mouvement, Jean Gottmann constate qu'un
lieu privilégié fait la synthèse de ces deux
systèmes : le carrefour. (« Quel est le noeud essentiel,
organisateur de la circulation? Le carrefour. Où rencontre-t-on le plus
souvent les grands monuments religieux? Aux carrefours »1). En
effet, le carrefour devient un carrefour, car il se trouve au centre de flux et
de réseaux. Ce lieu devient alors une base de projection iconographique,
de cloisonnement puis de territorialisation.
A première vue antagonistes, les deux couples
circulation/iconographie et réseaux/territoires deviennent compatibles,
et finalement s'entraident dans une même destinée : le temps. Le
temps est ainsi marqué par du changement mais également par des
continuités. Il a ainsi constaté le renouvellement de
réseaux (des grandes voies maritimes de circulation aux réseaux
internet), et les vicissitudes des territoires.
Cette longue mais nécessaire exposition
schématique de la pensée de Jean Gottmann nous amène donc
désormais à trouver la place précise du drapeau dans cette
théorie.
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