IV.1.1.a. La recherche et la formation, une voie vers
le maraichage moderne.
Or, pour relever les défis auxquels la filière
est confrontée, le soutien étatique est nécessaire, afin
de rendre cette activité plus moderne et compétitive, pour les
exploitations familiales. Car malgré les efforts fournis par
l'État, les colons de l'ON
54 Lors de ce sommet à Maputo en juillet 2003, les pays
africains ont réitéré leur volonté de faire de
l'agriculture une priorité, en lui consacrant au moins 10% du budget
national afin d'aboutir à une croissance annuelle de 6%
109
doivent toujours faire face à une fluctuation des prix
de l'échalote, notamment à la fin de sa période de
production dans l'ON (mars-avril). Cette condition est peu favorable à
des rémunérations suffisantes pour les paysans.
Ainsi, une solution pourrait être constituée par
la recherche, réalisée au Mali par l'IER55. Elle doit
être soutenue par l'État, afin de permettre une innovation des
techniques agricoles, dans le cadre de la production, de la transformation mais
aussi de la commercialisation. Cette recherche est souvent marginalisée
par l'État malien, qui ne cesse de réduire le budget qui lui est
consacré. L'accent doit être mis sur le développement de
variétés plus tardives d'échalote, afin
d'échelonner la production toute l'année, et d'éviter les
phénomènes de surproduction, mais aussi, de réaliser des
recherches sur le plan génotype pour permettre de meilleures
performances. Il en est de même pour la pomme de terre. Même si la
superficie cultivée pour cette spéculation croit, elle reste
encore peu produite, du fait des difficultés liées à
l'accès aux semences. La zone ON n'étant pas indépendante
pour les semences de pommes de terre, elle doit faire face à des prix
élevés, ainsi qu'à des semences de pommes de terre peu
productives, du fait de leur provenance. En ce sens, comme l'indiquait Monsieur
Kassoum Dénon ex-ministre de l'agriculture du Mali (2014-2016) et ancien
PDG de l'ON, « les variétés doivent être
adaptées aux conditions édaphiques de la zone ON ».
De plus, s'il existe un inventaire des variétés
d'échalotes56 au Mali et de leur répartition sur le
territoire, il n'en existe pas pour la pomme de terre. Il est donc essentiel de
réaliser un inventaire des semences de pommes de terre, de les
caractériser et de les cataloguer (origine, potentiel, itinéraire
agricole maitrisé) afin d'apporter des améliorations en les
adaptant notamment aux conditions édaphiques selon les bassins de
production. Des fiches techniques selon les variétés seraient
ainsi disponibles, mettant en exergue le gain de productivité et le gain
économique, pour déterminer des seuils maximaux et des seuils
minimaux. Cela permettrait une vulgarisation de la nouvelle
variété, à travers la multiplication des semences
améliorées par des producteurs de semences. L'exemple de la
coopération entre l'IPR de Katibougou, le WAAPP et les
coopératives de producteurs de semences de pommes de terre doit
être multiplié et accompagné des moyens financiers et
matériels nécessaires pour leur bon fonctionnement. Cela
permettrait d'avoir des
55 Institut d'économie Rurale
56 Centre Régional de Recherche Agronomique à
Niono.
110
semences de qualité, performantes et
adaptées aux conditions agro-climatiques de la zone ON, gage de
meilleure productivité, et d'indépendance
semencière.
La recherche doit aussi se concentrer sur le
développement de techniques optimales pour la production, notamment la
fertilisation des parcelles et le traitement des nuisibles, véritables
menaces pour la production. Elle doit développer des méthodes
favorables à l'utilisation réduite des engrais chimiques et des
produits phytosanitaires, mais plus efficaces et garantissant un accroissement
de la production.
Concernant la fertilisation, des techniques doivent
impérativement être trouvées pour réduire la
quantité des engrais chimiques utilisés et les substituer
à des engrais organiques.
Lors de nos enquêtes de terrain, il est apparu
effectivement que, même si la fumure organique constituait la base de la
fertilisation des parcelles, les engrais chimiques (NPK57,
URÉE, DAP58) étaient fortement répandus
également. La quantité d'engrais utilisée par les
maraichers dépassait largement celle
préconisée59. Dans un contexte où le
marché international est visé, et que celui-ci devient exigeant
en matière de qualité de la production, il est important de
surveiller les quantités d'engrais et de traitements phytosanitaires
utilisées par les exploitants.
En d'autres termes, des campagnes de sensibilisation
et de formation doivent être développées, afin d'informer
les exploitants des risques de l'utilisation excessive d'engrais chimiques et
de traitements phytosanitaires (fongicides, insecticides). Il s'agit de les
informer sur les options moins dangereuses pour la santé humaine et
moins nocives pour les parcelles.
En ce sens, le personnel encadrant de l'ON doit
être formé afin de pouvoir à leur tour vulgariser des
techniques plus performantes, et guider les exploitants vers des tests pour
obtenir de meilleures résultats. Et aussi, la formation directe du colon
doit également être basée sur les bonnes pratiques
agricoles et les précautions à prendre lors des traitements
chimiques des cultures, dangereux pour la santé des exploitants eux
mêmes. En France par exemple, l'épandage de ces produits est
très contrôlé et nécessite l'obtention d'un
certificat pour sa manipulation (Brunel, 2017).
57 Un engrais composée d'un mélange
d'élément chimique : Azote (N), phosphore (P) et potassium (K)
58 Phosphate d'ammonium
59 Cinq sacs d'engrais préconisés par la recherche
par hectare contre huit à douze sacs utilisés par les
exploitants.
111
Une telle mesure pourrait être un moyen de mieux
organiser ce processus de traitement et de fertilisation.
IV.1.1.b. Les subventions, aide incommensurable pour
l'accès à des intrants de qualité et un besoin de
politique pour la diversité de cultures maraichères
Au-delà de cette maitrise des pratiques et des
quantités d'épandage des produits de fertilisation et de
traitement agricoles l'État, doit mieux organiser sa commercialisation.
Il n'est pas rare qu'un exploitant confronté à des ravageurs dans
sa parcelle maraichère utilise des pesticides à destination du
traitement de ravageurs pour le coton. Or, la culture de coton au Mali est
exclusivement contrôlée. Les intrants (les semences, les engrais
et les produits phytosanitaires) utilisés sont issus de la
CMDT60. En ce sens, lors de la campagne (hivernage)
cotonnière, si l'ensemble des produits phytosanitaires reçus ne
sont pas utilisés par le système du coton, ils sont revendus sur
les marchés informels. Ainsi, pour le traitement d'insectes dans une
parcelle maraichère par exemple, faute de connaissances, l'exploitant
les traitera avec les insecticides prévus pour la culture de coton. Cela
reflète notamment le manque de moyens des exploitants pour se procurer
des produits de traitement contre les ravageurs maraichers et la non maitrise
de la qualité des intrants sur les marchés. Ainsi, même si
l'État investit dans la recherche pour l'amélioration de
fertilisants et de produits de traitement, il est important qu'il aide
financièrement les exploitants à se les procurer.
En effet, il est connu que les produits de meilleure
qualité, améliorés par la recherche, représentent
un coût parfois élevé pour les exploitants. En ce sens,
tout comme pour le riz ou encore le coton, l'État doit subventionner
l'accès à ces deux composantes essentielles de la production,
garantes de meilleures performances. En zone ON, les engrais sont
subventionnées par l'État à hauteur de 50 % pour la
riziculture. Ainsi, si cela est réalisé pour la riziculture
dominante en période d'hivernage, il doit en être de même
pour le maraichage. Pour ce faire, une meilleure gestion des subventions
61 destinées aux cultures comme le coton ou le riz
permettrait de réaliser des économies et de diriger la subvention
vers les cultures
60 Compagnie Malienne de Développement du Textile
61 Les subvenions pour l'engrais sont
très mal gérées et font face à d'important fraudes
de la part des fournisseurs locaux. Ils feraient perdre à l'Etat sept
à huit milliards de FCFA par an selon Boubou Cissé Ministre de
l'Economie et des Finances.
maraichères, qui composent elles aussi l'essentiel de
l'alimentation malienne, tout en contrôlant leur qualité
auprès des fournisseurs agréés.
De plus, si depuis la restructuration de l'ON, on pointait du
doigt la trop grande spécialisation de la zone ON dans la riziculture,
aujourd'hui le maraichage révèle les mêmes
similarités. À travers ce mémoire, l'on se rend compte de
l'importance d'une spéculation dominante. Ainsi, l'échalote
représente plus de 90 % de la production maraichère de la zone et
ceci sur des petites superficies (moins de 0,5 hectare en moyenne)
(Dembélé, 2018). Ceci engendre un risque de baisse des revenus
maraichers en cas de problèmes liés à la production
(développement de nouvelles maladies, d'insectes...), ou à la
baisse de la demande en échalotes, qui pourrait entrainer une chute des
prix. La politique de diversification des activités agricoles dans la
zone ON, qui a engendré l'explosion de la production des cultures
maraichères, devrait concerner les types de spéculations
produites. Miser sur l'échalote peut être une limite dans la
quête de l'amélioration des revenus des maraichers. En ce sens,
l'on doit inciter à la diversification maraichère, afin
d'éviter une surproduction lors des récoltes à la mi mars.
Ainsi, l'insertion de la pomme de terre reflète cette volonté des
colons, mais aussi des politiques agricoles de miser sur d'autres
spéculations de diversification. Par ailleurs, si encore près de
vingt années après l'insertion de cette spéculation, la
situation est relativement la même, c'est que sa production n'est pas
évidente. Les techniques agricoles ne sont pas maitrisées,
engendrant des productions à faible rendement. Lors des enquêtes,
notamment à Djicorobougou, 37,5 % des femmes prétendaient avoir
perdu l'ensemble de leur production lors de la campagne 2016-2017. Cette perte
est liée au manque d'eau, mais aussi à celui d'engrais, qu'elles
n'ont pas pu acheter en quantité suffisante, faute de moyens.
112
`
113
Cumul pluviométrique de 2015 et 2016 dans la zone de
Niono
Zones
|
Décades par mois
|
Cumul
|
Rappel 2015
|
H
|
N
|
H
|
N
|
Niono
|
du 1 au 10
|
269,4
|
12
|
290,3
|
12
|
du 11 au 20
|
108,6
|
8
|
237,4
|
12
|
du 21 au 31
|
214,9
|
8
|
157,8
|
12
|
Total
|
592,9
|
28
|
685,5
|
36
|
Source : Bilan de Campagne de l'ON de 2016-2017
Dans la zone de Niono, le cumul pluviométrique sur
l'année reflète une baisse de la hauteur des pluies en 2016 par
rapport à 2015. En effet, on enregistre 592,9 mm de pluies
tombées entre janvier et décembre 2016, contre 685,5 mm pour
l'année 2015, soit une différence de 92,6 mm. Cela résulte
de la baisse du nombre de pluies, qui était de 36 en 2015 et est
passé à 28 en 2016. Il y a donc moins de pluies en 2016 par
rapport à l'année précédente.
Ces femmes ayant investi dans la culture de pommes de terre
(achat de semences, temps de travail) n'ont donc pas pu tirer profit de la
culture de cette spéculation. Un manque à gagner pour le revenu
donc, au vu des prix des semences de pommes de terre. Ainsi, l'État se
doit là encore d'intervenir dans l'accès aux semences, pour
faciliter la diversification de la culture maraichère et
l'émergence des spéculations comme la pomme de terre à
l'ON. Des subventions peuvent être octroyées ; les emprunts
auprès de banques agricoles devraient également être plus
accessibles aux exploitants afin de leur permettre un accès plus facile
aux intrants.
Sans cela, le développement de la filière est
compromis.
IV.1.2. Un État protecteur de la production
et de sa valorisation
Le défi de l'après production est sans conteste
le manque d'infrastructures pour la conservation, mais aussi pour faciliter la
commercialisation de ces spéculations maraichères. Ainsi, depuis
2006 avec la LOA et la PDA, le gouvernement malien essaye d'y
remédier.
114
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