III.4. 3.2 Les revers de la commercialisation pour les
commerçants : cas de l'échalote
L'échalote supporte mal la chaleur et l'enfermement.
Elle a une forte teneur en eau. Ainsi, tant qu'elle n'est pas aux deux tiers de
sa maturité, elle est relativement vulnérable, et pourrit
rapidement. Malheureusement, les exploitants face à un besoin imminent
de devises, n'hésitent pas à récolter rapidement les
tubercules, avant leur maturité. Ce qui expose les commerçants
à des pertes considérables de leurs achats. Ils enregistrent en
moyenne une perte d'un peu plus de 5 % de leurs produits. Elles pourrissent, et
en externalisant le liquide pourri, perdent du volume. Ce
phénomène est amplifié par des tris non
réalisés par les exploitants ; des bulbes non sains sont ainsi
stockés avec les sains, ce qui favorise la contamination.
Ils doivent aussi faire face au défi du transport. Les
grandes zones d'approvisionnement des échalotes de la zone de Niono sont
les marchés de la ville de Niono, des villes régionales et de
Bamako. Avec une distance de près de 300 kilomètres pour le
trajet Niono-Bamako, celui-ci, pour un pays en développement,
s'avère être un véritable périple. La route comporte
deux voies anciennes (1984), mal construites et mal entretenues. S'ajoutent
à cela les camions, peu performants (car vieux). Autant de contraintes
qui rendent difficile le transport et accentuent la perte d'échalotes,
ce malgré des prix élevés52.
Par ailleurs, le défi de l'excès d'utilisation
d'engrais par les paysans a des conséquences sur l'ensemble de la
chaine. Les produits sont de moins bonne qualité et sont plus
vulnérables.
Lors de nos enquêtes, en moyenne pour un hectare, le
maraicher utilisait huit à dix sacs contre les 5 sacs
recommandés. Il pourrait être intéressant de mener une
étude pour comprendre les causes de cette utilisation excessive
d'engrais.
106
52 500 FCFA (0,76€) pour le transport d'un sac de 45 kg de
Niono à Bamako.
107
IV. Perspectives : Immobilisme
masqué
pour les maraichers ?
Le maraichage au Mali est marqué par les nombreuses
potentialités qu'offre la zone ON. Pour l'échalote et la pomme de
terre, ce périmètre irrigué est sans aucun doute un moyen
de réaliser une horticulture productive et performante. Il est bien
évident que la situation peut évoluer. Le maraichage peut
véritablement tenir ses promesses de réduction de la
pauvreté et d'amélioration des revenus des colons de l'ON. Mais
pour ce faire, les blocages auxquels il fait face doivent être
résolus. Il doit sans conteste, être accompagnée de
politiques interventionnistes et dirigistes, garantes de la production, de la
transformation mais aussi de la commercialisation.
1. Le développement inclusif demeure un
leurre pour les exploitants sans soutien de l'État.
Dans toute Nation, l'État dispose
irréfutablement, des « armes » nécessaires pour
conduire le développement. Une bonne gouvernance, un État fort,
régulateur et facilitateur, permettent au pays de s'insérer dans
un véritable développement, de jouir de ses avantages comparatifs
et de s'affranchir du mal développement. Dans les pays en
développement, le droit à l'alimentation est souvent compromis.
Se nourrir suffisamment et de manière saine relève du parcours du
combattant.
Cette réalité est sans conteste connue de tous.
Les nombreuses rencontres internationales témoignent de la prise de
conscience mondiale de la sous-alimentation, ce depuis la Conférence
mondiale de l'Alimentation, organisée par les Nations Unies en 1974.
Elle fait suite à un recul de la production
céréalière, du fait des aléas climatiques (gel des
récoltes en URSS, sècheresse au Sahel, inondations en Inde...),
qui entraine l'augmentation des prix (1972-1973).
S'ensuivent de nombreuses rencontres internationales (comme en
1996 à Rome53)
53 Lors du sommet de l'alimentation à Rome en 1996, le
but fut de sensibiliser sur les problèmes d'alimentation et pour
réunir toutes les parties prenantes, afin d'aboutir à un
consensus commun qui est la déclaration et le plan d'action, qui posent
les bases d'actions, afin de réduire de moitié le nombre de
personnes souffrant de sous alimentation chronique d'ici 2015.
108
et continentales (comme à Maputo en 200354),
où le constat est précisé. Les décisions
consensuelles prises sur une échelle internationale et continentale se
doivent d'être appliquées au niveau national. Il incombe donc au
gouvernement de créer un environnement propice politiquement et
économiquement, en réunissant à son tour tous les acteurs
autour d'un même groupement, pour permettre le développement d'un
secteur. En ce sens, le droit à l'alimentation doit être l'une des
fonctions régaliennes de l'État.
L'État malien se doit donc de mener des politiques en
faveur de l'amélioration des revenus des ruraux, qui composent
l'essentiel de sa population, et d'aider les exploitants à mener une
agriculture productive et durable, afin d'améliorer leur revenu et
d'augmenter leur pouvoir d'achat, pour qu'ils consomment.
Même si le mal développement persiste, la
situation semble donc s'améliorer, avec « un recul de la
pauvreté » selon la Banque mondiale, mais aussi une croissance du
secteur privé de 6,9 % en 2015 à 7,6 % 2016. Celle-ci
résulte de meilleures performances agricoles. L'État, par sa Loi
Orientation Agricole (LOA), démontre sa volonté de valoriser le
secteur agricole. Ceci aboutit en 2013 à une politique de
développement agricole (PDA). L'agriculture se veut durable,
tournée vers l'agriculture familiale et ouverte aux investissements
privés, gage de modernité et de compétitivité
(Denon, 2018). Ainsi, la production de fruits et légumes constitue un
élément important de la politique agricole du Mali
(Dembélé, 2001). C'est un secteur considéré comme
d'avenir, qui permettrait de réduire les importations, d'exporter sa
production et de diversifier la production. Toutefois, c'est une filière
qui doit encore faire face à des contraintes, qui l'empêchent de
jouir des avantages dont elle dispose à l'ON.
IV.1.1. L'état, garant de la bonne pratique
agricole
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