I.1.1. L'émergence du maraichage en Afrique de
l'Ouest, résultat de la crise des années 1980 et de la
libéralisation des marchés africains ?
En effet, pour les pays dits du sud, dont les pays d'Afrique
de l'Ouest, la décennie 1980-1990 représente un changement
radical.
Ces pays s'inscrivent dans un contexte de passage de
l'euphorie des années d'indépendance à une décennie
de crise, débouchant sur les PAS (Plan d'Ajustement Structurel) du FMI
et de la Banque mondiale.
I.1.1.a. Le basculement dans la crise de la dette
La plupart des pays d'Afrique de l'Ouest ont obtenu leur
indépendance durant les années 1960. La volonté de
s'émanciper de leurs colonisateurs s'est souvent traduite par un
délaissement du secteur agricole (Brunel, 2014) et par une
volonté de s'industrialiser rapidement, passant notamment par la
théorie du take off (1960)7 de Rostow. Ainsi, ce
processus a, de fil en aiguille, pris une toute autre tournure que la
croissance économique. La phase de Big Push inscrit ces pays
dans l'ère du volume
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Les étapes
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1
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La société traditionnelle, le
sous-développement originel (Société agricole, peu de
diversité de travail
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Période de réalisation de préalables au
décollage : Big Push. Beaucoup d'investissement; pour l'Afrique
provenant des occidentaux ou des soviétiques (Période de guerre
froide)
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L'économie s'installe dans la croissance
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Progrès de maturité
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L'ère de la consommation de masse, aboutissement de
masse
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(JJ Gabas), grâce notamment à des investissements
soutenus par les Soviétiques8 ou par les Occidentaux, sous la
forme de « basic needs », (l'Aide Publique au
Développement : APD). Pour la construction d'infrastructures, la
création de grands ouvrages tels que des usines entre autres.
Ceci a engendré un endettement excessif, difficilement
surmontable au vu des contraintes auxquelles ils ont été
confrontés. Les étapes d'installation dans la croissance et le
progrès vers la maturité n'ont pu être fait. Les
sècheresses répétées à partir des
années 1970, la mauvaise gouvernance, l'absence d'un marché
intérieur solvable pour l'industrie et la faible création
d'emplois ont entrainé les pays vers des économies
enclavées. Elles ont finalement conduit ces pays vers ce que l'on
appelle la crise de la dette, justifiant l'ingérence économique
de la communauté internationale lors de cette décennie.
I.1.1.b. Les Plans d'ajustement structurel, reflets de
l'ingérence économique.
Ainsi, face à cette crise, la réponse et l'aide
apportée par les Occidentaux a consisté à « imposer
È un plan d'ajustement structurel (PAS), par le biais du FMI et de la
Banque mondiale (BM). Les pays endettés ont été
invités à adopter une économie de marché, passant
par une ouverture des frontières, une flexibilité du
marché de l'emploi et par une privatisation des entreprises publiques.
La distribution, la fabrication et les services sont alors assurés par
un secteur privé ouvert vers le monde extérieur. Les pays
exposés à ces PAS ont vu leur APD conditionnée à ce
nouveau type de modèle économique. La chute du bloc
soviétique a sonné le glas de cette ambivalence économique
des pays d'Afrique de l'Ouest. Si l'APD était un véritable outil
de guerre lors de l'affrontement des blocs soviétique et occidental,
cette période a marqué la diminution progressive des aides, au
profit des ONG et en défaveur du secteur agricole. Cela a
été le cas pour la Côte d'Ivoire et le Niger par exemple
(Bastin, Fromageot, 2007). En effet, entre 1980 à 1999, l'APD à
destination du secteur agricole a diminué de 58 millions de dollars,
contre une hausse de 23 millions de dollars pour le secteur des services et
infrastructures sociales au Niger. Le processus est le même en Côte
d'ivoire : à la même période, l'APD à destination du
secteur agricole a baissé de 21 millions de dollars, contre une hausse
de 123
8 Morabito « L'Office du Niger au Mali, d'hier à
aujourd'hui », journal des africanistes, 1977.
16
millions de dollars pour les services et infrastructures
sociales. Ainsi, depuis le début des années 1990 et encore
aujourd'hui, le modèle qui prime est celui de l'Occident, à
savoir l'économie de marché.
Au Mali, celle-ci aboutit notamment à la
restructuration de l'ON9 en 1994. Le désengagement de
l'État en devient le maitre-mot, en faveur d'une certaine
libéralisation des secteurs, notamment agricole. C'est le
résultat net d'un rapport de force entre des bailleurs de fonds et
l'État malien. En effet, les interventions des bailleurs de fond sont
conditionnées à une restructuration complète de l'ON
(Kuper, Tonneau, 2002), basée sur la libéralisation du secteur et
le désengagement de l'État aux activités agricoles de
l'ON. Ainsi, le secteur libéralisé s'est ouvert à d'autres
politiques, comme la diversité culturale face à une riziculture
dominante en déclin (Kuper, Tonneau, 2002), du fait d'un soutien
d'experts occidentaux. Les projets ARPON (Amélioration de la Riziculture
Paysanne à l'Office du Niger) et RÉTAIL en donne de bons
exemples. Le premier, néerlandais et le second, français, ont
été les premiers bailleurs de fonds à aider le Mali dans
cette phase de transition, en réaménageant des parcelles mais
aussi en réhabilitant le réseau hydraulique en zone ON. Des
formations et des appuis conseils ont également été mis en
place dans le cadre de ces différents projets. Leur principal but
reposait sur la volonté de libéraliser la paysannerie de l'ON,
tout en incitant la création d'un partenariat entre les
différents acteurs (Touré, ZANEN, Koné ; 1997).
Des auteurs comme Bastin et Fromageot nuancent
néanmoins cette ingérence, gage du développement du
maraichage en Afrique de l'Ouest.
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