II.1.1.b. Les atouts mutuels de cette alternance
riziculture-maraichage
Lors des enquêtes de terrain, sur l'échantillon
sondé, seuls 6 % avaient uniquement cultivé en maraichage lors de
la campagne 2016-2017. Cela tient au fait qu'ils ne disposaient pas de terres
pour pratiquer leur riziculture en hivernage. Et la location n'étant pas
possible, faute de disponibilité. Par ailleurs, 94 % pratiquaient
d'autres activités rémunératrices, le maraichage
n'étant alors la source que d'une partie de leurs revenus.
![](Contribution-de-la-culture-marachere-echalotes-et-pommes-de-terre-aux-revenus-des-exploitation17.png)
Source : D'après les questionnaires d'enquêtes
Parmi ces personnes menant d'autres activités, il
s'agissait pour 96 % d'entre eux de la riziculture, notamment durant
l'hivernage, pour de multiples raisons.
59
D'une part, avec le déclin de la culture de riz, les
revenus deviennent insuffisants pour répondre à l'ensemble des
besoins essentiels des ménages.
Des produits comme l'échalote sont fortement produites
du fait de leur commercialisation plus simple. C'est une spéculation
très demandée, car tout comme la tomate, elle constitue la base
de toutes les « sauces » maliennes. Il en va de même pour les
pays de la sous région. En effet, bon nombre de ces pays
s'approvisionnent en échalotes au Mali. Près de 10 000 tonnes
sont exportées vers la sous-région, notamment vers la
Guinée et la Cote d'ivoire24. Ainsi les revenus obtenus de
cette activité permettent de financer les dépenses du
ménage. La production d'échalotes représente donc une
véritable manne financière. La commercialisation de 216 140,24
tonnes (Campagne 2016-2017) correspond à une recette avoisinant les cinq
milliards de FCFA au minimum25 (Plus de 7,5 Millions d'euros).
D'autre part, du point de vue des rendements rizicole et
maraicher, cette alternance permet de les augmenter. Concernant les rendements
rizicoles, le sarclo-binage réalisé lors des entretiens des
spéculations maraichères, permet d'aérer le sol. Ensuite,
les apports en fumure organique, très utilisés en maraichage, ne
sont pas tous utilisés par les plants. Le restant est mobilisé et
profitable au riz en saison hivernale.
Pour le maraichage, la possibilité de réaliser
l'activité dans des casiers rizicoles permet d'augmenter les superficies
et ainsi les volumes de productions.
C'est donc une activité complémentaire à
la riziculture. Le maraichage comme activité principale durant toute
l'année est aujourd'hui insuffisant pour répondre aux besoins des
exploitants, tout comme la riziculture. Mais au-delà de cela,
l'amélioration des revenus passe par d'autres activités. Ainsi,
lors des enquêtes de terrain, 26 % des personnes sondées
pratiquaient aussi le commerce. Celui-ci prend généralement la
forme d'un commerce intermédiaire, entre le commerçant grossiste
de la grande ville et les exploitants du village (Ghazi, 1992). Ces derniers,
par ce rôle d'intermédiaire, obtiennent un certain pourcentage,
soit 5 FCFA par kilogramme d'échalotes vendu par exemple. Enfin, 6 %
exercent d'autres activités rémunératrices comme la
menuiserie, la mécanique ou l'exode rural périodique vers les
grandes villes.
24 PAFA « Plan de mise en oeuvre » 2008
25 La vente échelonnée et la fluctuation des prix,
empêchent d'avoir des chiffres exacts.
60
Par conséquent le maraichage est certes une
activité généralement auxiliaire à la riziculture,
mais pas uniquement. Il est pratiqué comme complément à
d'autres activités.
II.1.2. Utilité du maraichage pour les
exploitants
![](Contribution-de-la-culture-marachere-echalotes-et-pommes-de-terre-aux-revenus-des-exploitation18.png)
Secteurs de dépenses des revenus issus du
maraichage
80%
40%
20%
0%
100%
60%
Source : D'après les questionnaires d'enquêtes
L'utilité de cette activité est
irréfutable pour répondre aux besoins essentiels du foyer. Les
revenus générés par la production de spéculations
maraichères servent généralement à se nourrir. De
fait, 85 % des personnes interrogées affirment les dépenser pour
se nourrir, principalement pour acheter des condiments pour lesquels elles ne
sont pas autosuffisantes (huile, épices nécessaires pour leurs
sauces...). La commercialisation de ces cultures maraichères pousse de
plus en plus les exploitants à se spécialiser dans deux ou trois
spéculations. Ceci les oblige à s'acquitter du restant
auprès d'autres exploitants, de commerçants ou sur les
marchés.
L'éducation constitue ensuite le second secteur de
dépense. Du fait des politiques incitatrices à l'éducation
des enfants, le milieu rural s'insère de plus en plus dans
l'alphabétisation des jeunes, notamment avec le développement de
l'enseignement
primaire et secondaire. À partir des questionnaires
transmis aux maraichers, sur les cinquante trois personnes interrogées,
nous avons comptabilisé 274 enfants, dont 51 % sont scolarisés,
souvent à l'école coranique du village ou à l'école
construite par les villageois. Dans le village de Bagadadji km36 par exemple,
la présence d'une école résulte d'un investissement de la
part des exploitants : leurs revenus tirés de la riziculture et du
maraichage ont permis la création de cette école primaire. Le
salaire des professeurs était à l'origine entièrement
financé par les villageois. Aujourd'hui, ils contribuent toujours
à hauteur de 50 % au payement des professeurs, à travers les
frais de scolarité des enfants (500 FCFA, soit moins d'un euro par mois)
et à l'agrandissement de l'école (collège en
construction). Le reste est à la charge de l'État.
Ainsi, le maraichage permet à ses exploitants de
financer l'école de leurs enfants, essentielle à leurs yeux.
Les revenus tirés du maraichage servent
également à payer les engrais pour la riziculture mais aussi
à rembourser les dettes engendrées par son cout de production, et
à acheter du matériel agricole (Maïga, 2013). En ce sens, 57
% des maraichers dépensent pour préparer la campagne rizicole
à venir.
Les revenus servent en outre à payer aussi les factures
(redevances en eau à l'ON, ou l'électricité), à se
vêtir également (40 %) améliorer le confort du foyer (30
%), à investir, notamment dans un cheptel (19 %) confié aux Peuls
du village26, à acheter les engrais et des semences de la
campagne maraichère prochaine (6 %) ou à financer des
évènements sociaux comme les mariages, les baptêmes, les
tontines des femmes (4 %).
61
26 Cours de F, Brondeau 25 septembre 2017.
62
2. Une activité gage de justice sociale
et d'équité en genre et en âge.
L'intérêt porté à partir des
années 1980 au maraichage au Mali tient principalement à son
caractère antidiscriminatoire (Jamin, 1989) dans ces
sociétés traditionnelles. Cette idée a largement
été véhiculée. Traditionnellement, le maraichage
est une activité réservée aux personnes dépendant
du chef de famille, notamment les femmes et les jeunes (Pasquier, 1996). Ainsi
les institutions encouragent et mènent une discrimination positive en
faveur des femmes et des jeunes (LOA, 2006)27, pour l'accès
aux terres, ou encore au matériel agricole
II.2.1 Les femmes, principales actrices dans cette
activité. II.2.1.a La femme : la mère
nourricière.
Au Mali, un adage dit que« Si l'enfant dit qu'il est
rassasié, c'est que c'est sa mère qui l'a nourri » ; il
reflète la place de la femme dans l'alimentation d'un foyer malien. Elle
a à sa charge la préparation et la diversification de la
nourriture.
Un plat est généralement constitué de
céréales (mil ou riz), accompagnées d'une sauce
composée de légumes, avec du poisson ou de la viande.
Ainsi, la femme est irréfutablement le centre de
gravité dans l'alimentation de la famille, notamment en période
de soudure. Elle est la source, grâce à son revenu, des achats
alimentaires du ménage en période de crise, et assure la
subsidence du ménage (Lalande, 1989). Elle s'émancipe
progressivement grâce à ses activités.
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