B. Prohibition du prosélytisme religieux en
entreprise
Le prosélytisme religieux peut être défini
comme étant le « zèle déployé pour
répandre sa foi et recruter des adeptes »134, qui peut
apparaître de prime abord comme la continuité logique de la
liberté religieuse des individus. D'autant que certaines religions comme
le christianisme et l'islam incitent leurs fidèles respectivement
à l'apostolat et à la « dawah
»135.
Le prosélytisme religieux peut néanmoins se
trouver limité, ce qui peut se comprendre dans un état de droit
qui accorde la primauté à la liberté de conscience. Ou
encore, lorsqu'il contrevient à l'ordre public.
Mais en entreprise plus particulièrement, il convient
de se demander dans quelle mesure l'attitude d'un salarié peut-elle
être considérée comme prosélyte ?
En ce qui concerne le banal port d'un signe religieux - une
kippa, une croix ou un voile islamique par exemple - le Conseil d'Etat tout
comme l'ex-HALDE ont rejoint la CEDH sur ce point136, en affirmant
qu'il ne peut caractériser en tant que tel une attitude prosélyte
: « une distinction doit être faite entre le comportement
prosélyte du salarié et le seul port d'un vêtement ou d'un
insigne. En effet, le port d'un vêtement ou
133 Délib. HALDE n°2007-301 du 13 novembre 2007
134 PLANA Sandrine, Le prosélytisme religieux
à l'épreuve du droit privé, Paris, L'Harmattan, 2006,
588 pp.
135 Orthographié aussi « dawa »,
terme arabe désignant « l'invitation au non musulman à
écouter le message de l'islam » (définition tirée de
Wikipédia)
136 CEDH 10 novembre 2005, arrêt Sahin c/
Turquie
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d'un insigne répondant à une pratique religieuse
ou manifestant l'appartenance à une religion, à un parti
politique ou à un mouvement philosophique ne constitue pas en soi un
acte de prosélytisme »137. De la même
façon, le Conseil d'Etat a censuré les dispositions du
règlement intérieur d'une entreprise qui prohibaient « les
seules discussions politiques ou religieuses, ou d'une manière plus
générale toutes les conversations étrangères au
service »138 dès lors qu'elles portaient atteinte aux
droits de la personne.
En revanche, le licenciement d'un salarié qui
multipliait les « digressions ostentatoires orales sur la religion
»139 a pu être jugé légitime par la Cour
d'appel de Basse-Terre dans sa décision du 6 novembre 2006, dans la
mesure où il s'agissait d'un acte de prosélytisme portant
atteinte à la liberté de conscience de ses collègues.
Ainsi, il convient de distinguer d'une part l'attitude
prosélyte « passive » d'un salarié - comme le fait de
porter un signe religieux ou de simples discussions entre collègues - de
l'attitude prosélyte « active » d'autre part,
c'est-à-dire lorsque le salarié va faire montre d'un zèle
exacerbé pour tenter de convaincre ses collègues à
adhérer à ses convictions religieuses. C'est cette seconde
attitude qui est, en l'espèce, prohibée. Par conséquent,
l'employeur a l'obligation de prendre toutes « les mesures
nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la
santé physique et mentale des travailleurs » aux termes de
l'article L.4121-1 du Code du travail. L'article L.1152-4 précise en
outre qu'il « prend toutes dispositions nécessaires en vue de
prévenir les agissements de harcèlement moral ». Cela prouve
à quel point les actes de prosélytisme « actif » en
entreprise peuvent être dangereux, et qu'il incombe de ce fait à
l'employeur de protéger la santé mentale de ses salariés.
Au demeurant, cette forme de prosélytisme est plus largement
sanctionnée en société, notamment en matière de
dérives sectaires140.
137 Délib. HALDE n°2009-117 du 6 avril 2009
138 CE 25 janvier 1989, n°64296
139 CA Basse-Terre 6 novembre 2006, n°06/00095
140 Loi n°2001-504 du 12 juin 2001, JORF du 13 juin 2001
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