WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Laà¯cité et droit du travail : la question du fait religieux en entreprise.

( Télécharger le fichier original )
par Kaouther Bouferroum
Faculté de Droit de Toulon - Master 1 Droit "Entreprise et patrimoine" 2015
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Introduction

« Laïcité : le mot sent la poudre ; il éveille des résonances passionnelles contradictoires » Jean Rivero.

« Laïcité et droit du travail », un libellé qui peut paraître antinomique de prime abord. En effet, tandis que le droit du travail s'intéresse aux relations entre l'employeur et ses salariés, de nature privée donc, la laïcité se veut être un modèle garantissant la neutralité de l'Etat.

A l'origine, la laïcité (du grec laïkos, dérivé du substantif laos qui signifie « peuple », « nation », par opposition au clergé) a été pensée en France dès la fin du XIXème siècle. L'un de ses précurseurs fut l'homme politique Jules Ferry, qui instaura notamment l'école obligatoire et gratuite pour tous. En outre, elle devient progressivement « laïque » et écarte ainsi délibérément le personnel congréganiste. Car dans l'esprit de Jules Ferry - mais aussi de nombre de républicains de l'époque - la laïcisation de l'école devait permettre à terme « d'affranchir les consciences de l'emprise de l'Eglise et fortifier la patrie en formant les citoyens »1.

Mais ce n'est qu'une vingtaine d'années plus tard que va s'opérer définitivement la rupture entre l'Eglise et l'Etat à travers la loi du 9 décembre 1905, qui marquera un véritable tournant dans l'Histoire française. Ainsi aux termes de son article deux, « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte »2. En revanche, elle continue d'assurer à tous ses citoyens la liberté de conscience - y compris la liberté de croire et de manifester publiquement ses croyances - tant que l'ordre public ne s'en trouve pas troublé. L'universitaire Gérard Cornu définissait cet ordre comme « une norme qui, exprimée ou non dans une loi, correspond à l'ensemble des exigences fondamentales considérées comme essentielles au fonctionnement des services publics,

1 http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/ (consulté le 29 avril 2016)

2 Loi du 9 décembre 1905, JORF du 11 décembre 1905

8

au maintien de la sécurité ou de la moralité, à la marche de l'économie ou même à la sauvegarde de certains intérêts particuliers primordiaux »3.

Bien qu'ayant été longtemps débattu et fait couler beaucoup d'encre, le terme « laïcité » ne sera consacré juridiquement qu'en 1946 avec son inscription dans la Constitution du 27 octobre de la même année. L'article premier dispose ainsi que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », une formulation qui sera reprise plus tard dans la Constitution du 4 octobre 1958.

La laïcité se trouve donc garantie par un Etat neutre, lequel doit permettre aux individus d'extérioriser leurs convictions, opinions politiques, philosophiques et religieuses.

Pourtant aujourd'hui, nous avons tendance à oublier que si la laïcité existe elle n'a pas pour autant toujours été un acquis. Et qu'en dépit de l'essentialisation tendant à la résumer à la simple sécularisation de l'Etat, la question est, de fait, éminemment plus complexe.

En effet, force est de constater que le contexte national, et a fortiori international, a fort évolué depuis l'apparition de la notion de laïcité, de même que les problématiques auxquelles elle se retrouve désormais confrontée. L'arrivée massive de travailleurs immigrés jusque dans les années 1970, venant d'Algérie principalement, a vu émerger en France une religion qui était restée dès lors très minoritaire : l'islam. Absent des discussions sur la laïcité à ses prémices, demeuré silencieux durant de longues années en raison d'un certain devoir de « reconnaissance » de ces travailleurs immigrés envers l'Etat français, il devient plus revendicatif à la fin des années 1980. Un retour vers le religieux s'amorce indubitablement, au grand dam des plus ardents défenseurs de la laïcité. A cette époque, l'affaire des « voiles de Creil »4 agite la classe

3 CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 10ème édition, Paris, PUF, 2014, 1136 pp., coll. « Quadrige »

4 « Au début du mois d'octobre 1989, le collège Gabriel-Havez de Creil (Oise), situé en zone d'éducation prioritaire (ZEP), exclut, au nom du principe de neutralité et de laïcité scolaire, trois élèves qui refusent d'enlever leur foulard islamique en classe. Si le 9 octobre, le principal du collège, après avoir négocié avec les familles, obtient que le foulard soit retiré pendant les cours, l'affaire devient nationale et la

9

politique et soulève de nouveaux débats - lesquels s'accentueront dans le début des années 2000, notamment après les attentats du 11 septembre 2001 contre les tours du World Trade Center aux Etats-Unis.

Finalement, une loi visant à encadrer le port de signes religieux ostentatoires dans les écoles, collèges et lycées publics sera adoptée le 15 mars 20045 ; désormais, la laïcité ne se limite plus aux seuls fonctionnaires. Dans le même sens, la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public6 - qui vise plus spécifiquement le port du voile intégral - confirme cette extension du champ de la laïcité.

Aujourd'hui, la laïcité cristallise encore toutes les attentions, et plus particulièrement en droit du travail. Bien que celui-ci relève par nature de la matière privée, il n'est pas totalement incongru de considérer si la laïcité a lieu ou non de s'appliquer. D'autant plus qu'une étude réalisée en 20157 par l'institut Randstad et l'Observatoire du fait religieux en entreprise (OFFRE) révélait qu'un manager sur deux avait déjà été confronté au fait religieux ; de fait, il s'agit d'une véritable problématique sur la façon de l'appréhender.

Cela étant, le Code du travail ne donne aucune indication en la matière, si ce n'est l'obligation pour l'employeur de ne pas de porter atteinte aux libertés individuelles et collectives des salariés sans que cela soit justifié par la « nature de la tâche à accomplir » et proportionné au but recherché8, ni de faire de discrimination9.

A ce titre, la réforme du Code du travail portée par Mme la ministre du Travail Myriam El Khomri - initialement prévue en 2016, mais retardée par les nombreuses

polémique s'engage f...] » http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu01136/l-affaire-du-foulard-islamique-en-1989.html (consulté le 29 avril 2016)

5 Loi n°2004-228 du 15 mars 2004, JORF du 17 mars 2004

6 Loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010, JORF du 12 octobre 2010

7 http://www.hrconsultancypartners.fr/le-travail-lentreprise-et-la-question-religieuse-from-groupe-
randstad-france/ (consulté le 29 avril 2016)

8 Art. L.1221-1 du Code du travail

9 Art. L.1132-1 du Code du travail

10

controverses auxquelles le projet a donné lieu10 - prévoyait d'entériner le principe de laïcité, non pas en l'appliquant directement à l'entreprise mais en consacrant a priori la liberté religieuse du salarié. Cela va en effet dans le sens du rapport de la commission Badinter, saisie en amont de ce projet, qui préconisait notamment : « la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses » sur le lieu de travail11.

Cependant, face aux critiques de cette mesure par la droite et l'extrême-droite, l'ensemble des soixante-et-un « principes essentiels du droit du travail » contenus dans le rapport Badinter ont finalement été abandonnés12.

Dans un contexte particulièrement tendu pour le droit du travail, l'intérêt de ce mémoire sera donc de répondre aux interrogations des employeurs en matière de fait religieux dans les entreprises mais aussi, d'offrir un éclairage aux salariés quant à leur liberté religieuse. De facto, il convient de poser la problématique suivante :

? Dans quelle mesure est-il possible d'envisager une extension du principe de laïcité en entreprise ?

Cette question appelle nécessairement la mobilisation de connaissances purement juridiques (titre I), en établissant notamment la distinction entre un service public et une entreprise. Mais aussi, et c'est justement tout l'intérêt de cette réflexion, elle appelle à proposer des solutions pratiques à la lumière de la jurisprudence et de certaines initiatives existantes (titre II), ceci afin de mieux appréhender l'articulation de la liberté religieuse du salarié avec les impératifs liés à la bonne marche de l'entreprise.

10 http://lentreprise.lexpress.fr/actualites/1/actualites/loi-travail-el-khomri-defend-son-texte-controverse-devant-les-deputes_1777463.html (consulté le 29 avril 2016)

11 http://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/reforme-du-code-du-travail-la-laicite-s-invite-aussi-dans-l-
entreprise_1757010.html (consulté le 29 avril 2016)

12 http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/04/06/projet-de-loi-travail-les-deputes-suppriment-une-mesure-controversee-sur-les-libertes-religieuses-en-entreprise_4896704_823448.html (consulté le 29 avril 2016)

11

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand