B- Une distinction fondée sur la nature
juridique de l'assiette
Contrairement au droit positif où la distinction est
fondée sur la dépossession ou non du bien grevé, le
législateur OHADA a opté pour une distinction en fonction de la
nature corporelle ou incorporelle.
182 ISSA-SAYEGH et alii, OHADA - Sûretés, op.
cit. n°s 166 et s., pp. 63 et s.
183 Idem.
184 C'est la remise, aux fins de sûreté, d'un objet
mobilier à un tiers qui en assume la garde pour le compte d'autrui.
185 CROCQ ( - P) « Les grandes orientations du projet de
reforme de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés
», Droit et patrimoine n° 197, novembre 2010, p.55.
Le nantissement des droits de propriété
intellectuelle
1- Le gage, une sûreté sur un bien meuble
corporel
Les fondements du gage font obstacle à son adaptation
aux propriétés industrielles: d'abord parce qu'elles ne
répondent pas à la dichotomie classique du droit des biens et
ensuite parce que le maintien du titre entre les mains du débiteur est
contradictoire avec la qualification de gage. Le souci d'encourager le
développement du gage sans obliger le constituant à se
déposséder du bien mis en gage a incité le
législateur OHADA à redéfinir le gage et le
nantissement186. En effet, le gage est désormais
défini comme « le contrat par lequel le constituant accorde
à un créancier le droit de se faire payer par
préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens
meubles corporels, présents ou futurs»187. Cette
nouvelle définition du gage n'oblige plus le constituant à se
défaire du bien gagé. Comme l'intitulé du Chapitre IV du
nouvel acte uniforme, l'emploi du qualificatif « meubles corporels
» dénote de la volonté du législateur de
dissocier le matériel de l'immatériel. Partant, les droits de
propriété intellectuelle, notamment ceux de la
propriété industrielle ne peuvent plus faire l'objet de gage, et
les garanties prises dans ce domaine ne devront plus être
qualifiées comme telles.
En faisant le choix de fonder la distinction, non sur le
critère de dépossession ou de l'absence de dépossession de
la chose gagée, mais plutôt sur sa nature corporelle ou
incorporelle, le législateur OHADA introduit une distinction plus
rationnelle et quelque peu plus sûr. Car, une telle distinction a le
mérite d'éviter d'organiser une dépossession «
fictive » du constituant, au détriment d'une inscription du gage au
RCCM. En tout état de cause, la sûreté réelle
grevant les droits de propriété industrielle n'est plus
qualifiée de gage, mais de nantissement, qui du reste est une
sûreté sur un bien meuble incorporel.
2- Le nantissement, une sûreté sur un bien
meuble incorporel
Le législateur OHADA a fait le choix de clairement
définir les termes qu'il devait employé dans le nouvel AUS. Le
nantissement fait désormais l'objet d'un chapitre, le chapitre V du
nouvel Acte uniforme. Il est intitulé « Nantissement de meubles
incorporels ». En effet, désormais défini par l'article
125 du nouvel acte uniforme sur les sûretés, le nantissement
consiste en « l'affectation d'un bien meuble incorporel ou d'un
ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs, en garantie
d'une ou plusieurs créances, présentes ou futures, à
condition que celles-ci soient déterminées ou
déterminables ». En d'autres termes, le nantissement ne peut
porter que sur un bien meuble incorporel ou un ensemble de bien meuble
incorporel, qu'ils
186 . MARCEAU-COTTE (A.) et LAISNEY (L-J.), « Vers un
nouveau gage OHADA », Droit et patrimoine, n°197, novembre 2010,
p.66.
187 Art. 92, AUS du 15 décembre 2010.
Le nantissement des droits de propriété
intellectuelle
soient présents ou futurs. Ainsi, le nantissement est
la garantie qui porte sur tout bien ou ensemble de biens qui échappent
à toute appréhension matérielle. De ce point de vue, l'on
doit admettre que le législateur OHADA s'est fortement inspiré de
la distinction et de la qualification faites par son homologue français
à l'issue de la réforme188
dessûretés189, bien que le premier ait poussé
plus loin sa définition.
Par ailleurs, les différents droits susceptibles
d'être nantis ont été édictés dans une liste
limitative. C'est l'article 126 AUS qui établi cette « short
list» en stipulant que peuvent notamment être nantis: les
créances, le compte bancaire, les droits d'associés, les valeurs
mobilières et le compte de titres financiers, le fonds de commerce et
enfin les droits de propriété intellectuelle. Il est en outre
précisé que, le nantissement de ces droits peut être
conventionnel ou judiciaire190.
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