CHAPITRE I : LA COMPLEXITE DU NANTISSEMENT DES DROITS
DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
L'harmonisation est l'opération consistant à
rapprocher les systèmes juridiques d'origine et d'inspiration
différentes pour les mettre en cohérence entre eux en
réduisant ou en supprimant leurs différences et leurs
contradictions de façon à atteindre des résultats
compatibles entre eux et avec les objectifs communautaires recherchés.
En matière de droit d'auteur, non seulement presque chaque Etat-membre
dispose de sa propre législation mais, de plus, sur certains points, ces
textes nationaux ne paraissent pas conformes à la législation
régionale. Ainsi donc, le droit d'auteur fait l'objet d'une
harmonisation (Section I). Cette dernière ne va pas sans causer de
problème, ce qui conduit à réaménager le
régime de nantissement du droit d'auteur (Section II).
Section 1 : La justification de la complexité :
l'harmonisation du droit d'auteur et droits voisins
Dans le domaine des sûretés, l'Acte uniforme n'a
pas une compétence exclusive, mais une compétence sinon
concurrente, du moins partagée avec les législations nationales,
qui peuvent se déployer pour autant qu'elles ne lui sont pas contraires.
Dans l'ensemble des Etats-membres aussi bien de l'OAPI que de l'OHADA, on peut
constater que le droit d'auteur a fait l'objet d'une harmonisation (Paragraphe
I). Cette méthode, loin d'être parfaite, et, pour cela, entraine
un certain nombre de conséquences (Paragraphe II).
§ 1. Le constat de l'harmonisation du droit
d'auteur
L'OHADA compte à la date d'aujourd'hui
dix-sept127 Etats membres, l'OAPI quant à elle en compte
seize128 . Cependant, à quelques exceptions près, les
Etats membres de l'OAPI sont
127 Il s'agit des Etats suivants: Bénin, Burkina Faso,
Cameroun, République centrafricaine, Comores, République du
Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau,
Guinée équatoriale, Mali, Niger, République
démocratique du Congo, Sénégal, Tchad et Togo.
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
Le nantissement des droits de propriété
intellectuelle
également membres de l'OHADA. La réglementation
en matière de droit d'auteur fait l'objet d'une simple harmonisation, de
sorte que, sur ce point, c'est principalement la législation nationale
de chaque Etat membre qu'il faut consulter129. En matière de
droit d'auteur, l'OHADA applique la technique de renvoi aux lois nationales
(A), ce qui n'est pas sans poser de difficultés dans sa mise en oeuvre
(B).
A- Le renvoi aux lois nationales
Le droit de la propriété industrielle a fait
l'objet d'une uniformisation quasi parfaite, de telle sorte qu'il est difficile
pour les Etats de légiférer encore sur la question. Ceci n'a pas
été le cas pour le droit d'auteur, dont l'harmonisation a conduit
les organisations à procéder à un renvoi, du moins pour ce
qui concerne certains aspects, aux textes nationaux, quant en ce qui concerne
les règles qui régissent la matière. En
réalité, l'harmonisation postule l'élaboration de normes
ayant un niveau d'identité ou d'unité de premier degré.
Elle opère un niveau de similitude législative ou
réglementaire qui laisse place à la survie de certaines
spécificités nationales. Autant l'entreprise d'harmonisation
puise dans le Etats impliqués, autant l'ossature juridique qui en
résulte laisse en friche de nombreux aspects qui seront régis par
des normes propres à chacun de ces Etats130.
Il est aisé de constater qu'il existe presqu'autant de
législation nationale sur la protection du droit d'auteur, que d'Etats
membres de l'OAPI. C'est notamment le cas du Benin131, du Burkina
Faso132, du Togo133, de la République
Démocratique du Congo134, de la Cote d'Ivoire135,
du Cameroun136... Ces différentes lois nationales peuvent
être considérées comme des lois supplétives
complétant l'annexe VII de l'accord l'ABR. Par ailleurs, comment
interpréter les règles relatives au droit d'auteur figurant
directement dans l'ABR et censées s'appliquer directement dans les Etats
membres? Ne s'agit-il pas de règles spéciales? La
législation OHADA renvoie d'ailleurs à cette législation
spéciale concernant justement le nantissement des droits de
propriété intellectuelle. Les
128 Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République
centrafricaine, République du Congo, Côte d'Ivoire, Gabon,
Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Mali,
Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad, Togo.
129 NGOMBE (L. Y.), « A propos de la
supranationalité de la législation de l'organisation africaine de
la propriété intellectuelle (OAPI) sur le droit
d'auteur», RDPI, n° 176, octobre 2005, p. 9.
130 KAMDEM (F. I.), « Harmonisation, unification et
uniformisation. Plaidoyer pour un discours affiné sur les moyens
d'intégration juridique », in Rev. dr. unif, n°709,
2008.
131 Loi n° 2005 - 30 du 05avril 2006 relative à la
protection du droit d'auteur et des droits voisins en République du
Bénin.
132 Loi n° 032 - 99/AN portant protection de la
propriété littéraire et artistique.
133 Loi n° 91 - 12 portant protection du droit d'auteur, du
folklore et des droits voisins.
134 Ordonnance-loi n° 86-033 du 05 avril 1986 portant
protection des droits d'auteurs et des droits voisins.
135 Loi du 25 juillet 1996 portant protection des droits
d'auteurs et des droits voisins.
136 Loi n°2000/11 du 19 décembre 2000 relative au
droit d'auteur et droit voisin du droit d'auteur.
Le nantissement des droits de propriété
intellectuelle
lois nationales sur le droit d'auteur qui se conforment aux
dispositions de l'Annexe VII de l'ABR ou les complètent doivent, de
même, être considérées comme des règles
spéciales dérogeant au droit
commun137.
En outre, il est important d'avoir présent à
l'esprit que ces renvois aux lois nationales pourraient à l'avenir
être moins nombreux si les questions directement traitées dans le
texte national s'étendent138. L'adage specialia
generalibus derogant pourra alors permettre de consacrer la
priorité d'une convention internationale abordant des questions
particulières (en l'occurrence la législation OAPI) sur celle
abordant celle des questions plus générales (ici la
législation de l'OHADA)139. Cette solution ne fait pas
l'unanimité140, mais sur la question à laquelle on
s'intéresse, elle parait la mieux adaptée. Les renvois divers aux
règles particulières autorisent, d'ailleurs, à
considérer qu'il y a souvent compétences distributives des deux
législations avec comme principe l'application
préférentielle des règles de la législation de la
propriété intellectuelle quand elles existent.
Comme il a été souligné, si les textes
sur la propriété intellectuelle - du moins ceux relatifs aux
brevets et aux marques - ont fait l'objet d'une unification (ou presque), le
droit d'auteur ne parait que partiellement harmonisé. Il est en tout cas
possible, en l'état actuel des législations de constater des
limites à l'harmonisation, du moins des difficultés liées
à la technique d'harmonisation.
|