3.5.3 Une position de pouvoir ?
Max Weber, sociologue allemand, définit le pouvoir
comme « la capacité d'une personne ou d'un groupe à imposer
leur volonté aux autres et ce même contre leur gré
».114 Le pouvoir peut être manifesté de plusieurs
façons que soit physiquement, par la force par exemple ou bien de
manière plus subtile dans une stratégie de d'oppression et de
coercition. En ce sens, les langues instrumentalisent et symbolisent le
pouvoir.
Selon Michel Foucault les langues reflètent la
manière dont les relations de pouvoir dans une structure sociale
donnée fonctionnent entre les institutions et les groupe socioculturels
: ceux se trouvant dans une position de pouvoir auraient accès à
des connaissances spéciales, et utilise des politiques linguistiques
comme des moyens de garder cette position de pouvoir. 115
Le choix de l'allemand comme langue de communication avec le
client, même si ce choix s'inscrit dans une stratégie de
facilitation des échanges, est perçu comme une menace voire une
exclusion pour certaines personnes de l'entreprise ne pratiquant pas la
langue.
Ils craignent en effet pour leur position de pouvoir au sein
de l'entreprise et se sentent par conséquent obligés de
développer une stratégie alternative pour pallier ce sentiment
d'infériorité. Comme excéder sensiblement les objectifs
fixés, par exemple, les chiffres sont en effet un langage universel.
Concernant les personnes qui maîtrisent la langue A, elles se retrouvent
dans une position de pouvoir de facto qui n'est pas sans risques.
En effet, cette soudaine position de pouvoir peut donner lieu
à un sentiment de supériorité et à surestimer leurs
compétences linguistiques ce qui a de nombreuses conséquences
plus ou moins graves.
114 RANGEL-ORTIZ, Luis Xavier, (2008), « Languages and Power
», in J. González (Ed.) Encyclopedia of bilingual education,
pp. 474
64
115 Foucault, Michel, (1971), « L'ordre du discours
», Paris, Gallimard
65
Les problèmes le plus souvent rencontrés sont les
incompréhensions et malentendus.
Ceux-ci peuvent sembler anodins et sont facilement solvables
mais encore faut-il avoir le courage de reconnaître ses torts ; avouer
que l'on n'a pas tout compris et oser demander une reformulation des phrases un
peu trop complexes ou techniques.
Le problème est que le bilingue a une forte pression de
ses pairs et de sa hiérarchie qui voient en lui « le
médiateur» et qui ne jurent que par lui, difficile alors de leur
montrer ses faiblesses et de concéder qu'il ne sait pas tout, de peur de
passer pour un imposteur.
Parfois, c'est tout simplement la peur de «perdre la
face» qui domine. Un tel comportement peut mener à une perte de
confiance de la part de l'interlocuteur et donc à la perte de la
collaboration commerciale.
Parallèlement , l'interlocuteur de la langue A va lui
aussi avoir tendance à surestimer les capacités linguistiques de
son interlocuteur B en pensant que s'il a été choisi c'est qu'il
maîtrise totalement la langue et va attendre de lui qu'il calque son
discours sur le sien mais aussi son attitude et ses émotions ce qui peut
donner lieu à un certain ressentiment lorsque ce calque n'est pas
appliqué.
Plus qu'un rapport de force entre les langues, le problème
réside dans le choc des cultures. A l'inverse , le bilingue peut se
sentir sous pression et va avoir tendance à chercher l'aval de ses pairs
comme pour se rassurer , en répétant au fur et à mesure ce
qui a été dit et en demandant s'il a bien compris le sens.
Cette perte de confiance en soi, vient du fait que dans une
langue A qui n'est pas la sienne, le bilingue ne peut exercer sa verve comme il
l'aurait fait dans sa langue natale.
Difficile en effet d'utiliser des figures de rhétorique
ou de faire de l'humour dans une langue rattachée à une culture
complètement différente. Or ces qualités sont celles d'un
leader et assurent une position de pouvoir.116
116Lauring, Jakob, et al., (2012), «
Multicultural organizations : Common language and group cohesiveness », in
Organizational Behaviour and Human Resource Management
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