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L'ours des Pyrénées : variabilité des images, place dans le territoire et implications socio-politiques de sa réintroduction.

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par Elise LABYE
Université de Toulouse-Le-Mirail - Master 2 Anthropologie Sociale et Historique 2010
  

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DEUXIÈME PARTIE : ÉVOLUTION DU STATUT DE L'OURS DANS LE TEMPS ET VARIABILITÉ DES IMAGES QU'ON LUI ASSOCIE DANS LE CORPS SOCIAL ACTUEL

I : Du prédateur au symbole de la biodiversité

A : L'image de l'ours autrefois et l'évolution de son statut

Selon les époques, et les lieux dans l'histoire, l'image de l'ours n'a pas toujours été la même. Il a pu être valorisé ou dévalorisé selon les contextes. Voici, en partie, comment l'historien Michel Pastoureau (2007) retrace l'histoire symbolique de l'ours. À la fin du 8ème siècle, en terre germanique ainsi que chez les peuples slaves et celtes, l'ours était vénéré comme un véritable dieu et faisait l'objet de cultes. Tout cela étant absolument effroyable aux yeux de l'église chrétienne médiévale, elle lutta contre cet animal jusqu'au 13ème siècle et en fit une bête diabolique. Issu des traditions orientales, le lion finira par s'emparer définitivement du titre de roi des animaux jusque là dévolu à l'ours. Privé de tout prestige, transformé en bête de foire ou de cirque il continue néanmoins d'occuper une place de premier plan dans l'imaginaire des hommes et prend en quelque sorte sa revanche au 20ème siècle en devenant un véritable fétiche : l'ours en peluche.

Au niveau juridique, le statut de l'ours a largement évolué au cours du 20ème siècle, son image a également beaucoup changé. Autrefois c'était un animal qui était chassé et l'on percevait une prime si on pouvait prouver qu'on en avait abattu un. Moins d'un siècle après, l'ours est devenu une espèce protégée et un programme de réintroduction a été mis en place afin de restaurer sa population sur le massif pyrénéen. Celle-ci étant parvenue à un seuil critique, l'ours semblait condamné à disparaître de la chaîne.

Dans le cadre pyrénéen d'une économie très majoritairement agropastorale l'ours et les autres animaux prédateurs représentaient une forte contrainte pour les populations qui vivaient de cultures vivrières et d'élevage. « Il suffisait en effet que le plantigrade tue quelques brebis, en blesse quelques autres et terrorise tout le troupeau pour que le fragile équilibre économique d'une exploitation soit remis en question » (Olivier de Marliave 2008) L'ours était perçu comme une réalité hostile, une nuisance dont il fallait se prémunir et pour cela, on faisait souvent appel à des chasseurs professionnels.

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Avant l'apparition des armes à feu et du poison « armés d'un couteau et protégés par une sorte de cuirasse en bois, ils tuaient la bête au corps à corps » (Michel Chevalier 1952). Ces chasseurs, dont ce n'était généralement pas l'activité principale car trop aléatoire et dangereuse, bénéficiaient d'une image prestigieuse et les revenus qu'ils tiraient de cette pratique provenaient plus de la vente des différentes partie de l'animal (graisse, viande, peau,...) que des primes allouées par les autorités. Certains de ces chasseurs sont restés célèbres. Ainsi, en Haute-Ariège, dans la vallée d'Aston, un chasseur d'ours surnommé Tambel (1885-1957) aurait abattu une quinzaine de plantigrades au cours de son existence (Olivier de Marliave 2008).

L'ours était à la fois craint et respecté par les populations, la symbolique associée à l'ours était très souvent empreinte d'anthropomorphisme, il apparaît comme une sorte d'homme sauvage. Les nombreux surnoms qui lui étaient donnés en attestent : Martin, le va-nu-pieds, le vagabond, le déguenillé, le Maître, le type...On l'assimilait parfois à un seigneur prélevant son impôt, sous forme de prédations, auprès des habitants de la montagne.

« [L'ours] est toujours plus ou moins humanisé. Ses pas dans la neige à peine fondue `'semblent ceux d'un homme». [...] Les montreurs d'ours [...] savaient bien jouer de cette indétermination. La bête toujours se dressait sur ses pattes arrières, on laissait penser qu'elle comprenait fort bien le langage des hommes et qu'il valait mieux ne pas médire d'elle » (Daniel Fabre, 1993)

Également en relation avec les conditions de vie des populations des Pyrénées, l'apparition du métier de montreur d'ours au début du 19ème siècle dans le Couserans en Ariège représentait une activité alternative afin de gagner sa vie en cette période de misère et de surpopulation. Certains partirent faire carrière jusqu'en Amérique. Il s'agissait de faire exécuter à l'ours des tours où il était très souvent mis en scène dans des postures habituellement dévolues aux humains (il se tient debout, il danse, il porte un chapeau, tient un bâton, etc.). Ici, l'ours perd en quelque sorte sa qualité d'animal sauvage puisqu'il est maîtrisé par l'homme, « domestiqué ». Des rituels de guérison étaient également pratiqués pour les enfants, le montreur d'ours les faisait monter sur le dos de l'animal dans le but de soigner certains maux.

Quant à l'aspect agressif et dangereux de l'animal il fut largement mis en avant dans l'imagerie romantique des Pyrénées au 19ème siècle. Les lithographies de cette époque, le représentent le plus souvent en position d'attaque. Cet aspect de l'animal a également été

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abondamment relaté et exagéré dans les récits de faits divers de la presse locale ou nationale ; ce qui dans certains cas reste encore vrai aujourd'hui.

Au fur et à mesure que les ours se faisaient de plus en plus rares et que la sensibilité écologique se développait, une législation nationale s'est mise en place et, parallèlement, une volonté internationale de protéger l'ours brun a émergé. Cela s'est fait très progressivement et il y a eu parfois des retours en arrière dans la législation. Tout d'abord, les primes de destruction de l'ours, qui était alors classé nuisible, furent définitivement supprimées en 1947. Puis l'interdiction de la chasse à l'ours fut mise en place, officiellement, à partir de 1962. Enfin, en 1981, l'espèce Ursus arctos (ours brun) devient espèce protégée sur l'ensemble du territoire français; ce qui signifie que sa destruction, sa naturalisation, son transport, son commerce, etc. sont interdits.

À ceci s'ajoute une volonté internationale de protéger l'ours brun qui se manifeste dès les années 1970, et à laquelle la France s'engage. L'ours brun est notamment protégé par la convention de Washington en 1973, puis en 1976, il figure sur le livre rouge, recensant les espèces menacées de disparition, de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). En 1984, il est protégé en Europe par la Convention de Berne et en 1992 il est inscrit comme espèce prioritaire de l'annexe II de la directive « habitats ». La protection de l'ours brun s'intègre également dans l'objectif principal de la convention sur la diversité biologique de Rio de Janeiro en 1992.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille