ANNEXE IV
ENTRETIEN AVEC M. Dominique ESCARON,
Maire de la Commune du Sappey-en-Chartreuse
Date : 27 juin 2014
Lieu : Seyssins
Durée : 46 minutes
Question n° 1 : Quel est
votre point de vue général sur la transformation à partir
du 1er janvier 2015 de La Métro en
métropole ?
Réponse : C'est à la fois
une chance et un risque. Une chance parce que c'est un outil administratif qui
peut permettre à l'agglomération d'être mieux
organisée et d'être plus attractive. Dans nos petits villages de
montagne on n'est pas du tout dans une ambiance de métropole, on n'a
rien à voir avec une métropole. C'est un village de touristes,
d'agriculteurs, de maisons secondaires et ça n'a rien à voir avec
une ville et sa banlieue. On nous a intégré de force dedans mais
on est quand même conscient que dans notre vie quotidienne l'essentiel
des gens qui travaillent descendent dans la métropole, utilisent le
réseau routier, vivent de l'économie et ça a du sens qu'on
soit dans cette affaire sous réserve que notre spécificité
n'en pâtisse pas. La métropole c'est une vraie opportunité
si elle capable de se concentrer sur un certain nombre d'objectifs qui me
paraissent essentiels et assez simples : le 1er c'est le
développement économique, c'est-à-dire faite de la
métropole une plate-forme qui favorise l'intégration
d'entreprises étrangères, le développement d'entreprises
qui possèdent une attractivité sur le numérique, sur la
métallurgie... et qui incite les gens à s'installer et ne les
fasse pas fuir. C'est là le premier objectif et je pense que si on le
rate, on ratera plein de choses. Le 2e objectif lié à
l'un des points faibles actuels de notre zone, c'est les déplacements.
Aujourd'hui Grenoble est carrément bloqué, on ne peut plus s'y
garer, s'y circuler. On inaugure la semaine prochaine une nouvelle ligne de
tram qui ne change rien, et qui peut être nuit à la qualité
globale des déplacements, sans parler qu'elle a bloqué une masse
considérable de financements. Sans être contre le transport public
ou cette ligne de tram, il y a un problème global de
rééquilibrage, c'est-à-dire comment on va d'un point
à un autre, quels sont les flux, comment on arrive à rejoindre
les grosses plates-formes d'emploi, ce sont des problématiques
essentielles pour les opérateur économiques et on perd des
opportunités d'emploi et de développement économiques,
parce que Grenoble n'est plus accessible. Le 3e
élément clé de cette métropole, c'est les services.
Par exemple l'assainissement, c'est un service intelligent. Ce n'est pas un
outil de proximité, c'est un service technique et des services de cette
nature bien gérés c'est efficace. D'autres services comme le
déneigement ou l'éclairage public qui sont des sujets où
chaque ville, village, rue devient un cas particulier et personne ne
m'expliquera qu'une métropole est mieux à même pour
gérer des questions de cette nature-là. Mais si derrière
c'est pour nous expliquer qu'on a fait une grosse métropole et faire
ensuite des sous-métropole parce que la Chartreuse c'est
différent du Vercors ou de Belledonne et si à l'intérieur
même de la Chartreuse c'est pour nous expliquer qu'il y a certains qui
dépendront d'un côté et les autres de l'autre, on est
reparti à faire des morceaux. Donc, sur les services il faut être
très performant sur les services mutualisables et il faut faire le tri
entre ce qui est mutualisable ou pas. Par exemple quand vous êtes maire
d'une commune les gens viennent vous voir pour le problème d'un
nid-de-poule et si la seul réponse c'est de leur dire que je vais faire
suivre votre demande à La Métro et qui me répondra que le
plan quinquennal a prévu de résoudre le problème dans
quatre ans et demi, alors nous on ne reste pas maire longtemps.
Question n° 02 : Pouvez-vous
me raconter les circonstances du rattachement de votre commune au
périmètre de La Métro par arrêté du
Préfet ?
Réponse : En fait le Préfet
est innocent, c'est juste des gens qui ont besoin d'âmes qui ont
trouvé intérêt à aller chercher les âmes
où elles étaient. Mais ma commune a voté contre, mais ils
s'en fichent, c'est juste qu'il y a des gens qui veulent faire augmenter des
effectifs et ils cherchaient partout des communes à rattacher, donc
c'est juste pour faire monter des chiffres.
Question n° 03 : Et donc
dans votre commune la métropole était perçue comme un
danger ?
Réponse : Effectivement, elle
perçue comme un danger, une monstruosité administrative qui n'a
pas plus de valeur ajoutée que l'empilement de régions,
départements...Si on prenait les choses par le haut comme je l'ai
expliqué au début c'est compréhensible, mais si c'est pour
demander aux gens qui habitent un petit village à 1000 mètres
d'altitude de payer le tram à Saint-Egrève qu'ils ne prendront
jamais, ça ne nous intéresse pas, le Stade des Alpes ça ne
nous intéresse pas ; mais si c'est pour nous aider à faire
vivre notre station de ski dans lequel ce sont les grenoblois qui viennent
apprendre à skier, alors là on est d'accord, donc c'est un
problème d'équilibre et d'explication. Les gens ont aujourd'hui
peur de la métropole parce que ceux qui sont venus habiter à 1000
mètres d'altitude ce ne sont pas des gens qui rêvaient de la vie
urbaine, des services urbaines, donc ils ne veulent pas être
mangés à cette sauce-là. Mais si on leur explique que
quelque part leur vie dépend aussi de la puissance économique de
La Métro, leurs avis peut évoluer positivement et peut-être
le mien aussi.
Question n° 04 : Quels sont
alors vos attentes en termes d'amélioration des services avec la
métropole ?
Réponse : L'attente elle est
simple. Si on améliore par exemple le service de ramassage des poubelles
en faisant baisser les prix, alors là c'est une victoire. Si La
métro supporte les projets de développements locaux
d'amélioration des stations de ski, des habitats, de circulation, etc...
Ça va être perçu positivement. Mais si à la fin
c'est pour se retrouver avec des services dont le niveau d'efficacité
diminue, les prix augmentent ou la proximité se perd, les gens seront
évidemment contre.
Question n° 05 : Pouvez-vous
me parler un peu des spécificités de votre commune et de la
manière dont vous appréhendez la prise en compte de ces
spécificités dans l'élaboration des politiques publiques
métropolitaines ?
Réponse : Nous avons plein
d'atouts qu'il faut rendre cohérents et ma commune a une
difficulté à rendre cohérent tous ces atouts à
cause de notre faiblesse économique, sur le plan des transports par
exemple. Aujourd'hui je suis incapable de répondre à la question
sur la manière dont ces politiques seront menées. Il faut juste
trouver l'équilibre.
Question n° 06 : Quelle est
votre avis sur la question de l'association des citoyens aux choix
métropolitains et sur la démocratie participative en
général dans l'agglomération
grenobloise ?
Réponse : C'est une foutaise,
c'est une pure foutaise. Les gens qui imaginent ça dans leurs bureaux
à Paris en créant des montres administratifs par des lois, en se
bardant de bons sentiments de cette nature, ça s'appelle une foutaise.
D'abord nous les maires des communes, on a l'impression d'être
débordé par ces trucs. Comment voulez-vous que les gens qui
habitent ces territoires peuvent s'exprimer efficacement ? Si c'est juste
pour faire une réunion pour dire aux gens que de toutes les
façons on n'a pas le choix ça ne sert à rien. Si on
donnait plus de pouvoir aux maires pour gérer ce contact direct, la
participation est instantanée, facile et réelle. A
l'échelle métropolitaine, le Président de La Métro
ou ses Vice-Présidents ils n'ont jamais discuté avec un habitant
avec mon village. Quand vous commencez par fabriquer des réunions
à l'autre bout de la ville pour parler d'un sujet participatif quel
pourcentage de mon village va s'y rendre et quel niveau de politisation les
gens qui vont s'y rendre auront ? On va retrouver les mêmes,
quelques associations affûtés sur des sujets de participation,
mais la réalité des gens qui doivent y aller n'iront pas et si
d'aventure ils y vont ils ne seront pas dans une situation d'aborder des sujets
qui leur tiennent à coeur. Par exemple au niveau de l'Etat, qui va
monter à Paris discuter dans un groupe de travail sur la réforme
de l'éducation national ou sur le dossier Alstom ? Il faut revenir
à des choses raisonnables, les gens peuvent discuter à
l'échelle de quartier, c'est une bonne échelle. Mais quand on
veut faire la démocratie participative à l'échelle de la
métropole on se met le doigt dans l'oeil. Il faut les élus
constituent des courroies de transmission entre les gens de leur territoire et
l'organisation centrale, l'effort doit être fait là. Si les
conseillers communautaires ne font pas leur boulot de relais locaux, il faudra
les sanctionner.
Question n° 07 : Que
pensez-vous de l'éventualité des transferts des
compétences départementales ou régionales à la
métropole ?
Réponse : Moi je crois qu'à
force de vouloir toujours rationaliser, on ne rationalise rien. Ça
devient infernal aujourd'hui on ne sait pas qui gère quoi. Vous avez
parfois à 500 mètres une école primaire, un collège
et un Lycée et ce n'est pas le même plombier qui vient serrer les
trois boulons dans les trois établissements, où est la
rationalité dans tout ça ? On rajoute aujourd'hui des
couches et je pense qu'à un moment sur un territoire il faut une seule
personne responsable, mais chaque cas est particulier. Le grand problème
des lois actuelles c'est la généralisation des compétences
et ils n'ont pas prévu assez de souplesse, mais moi je crois que les
menus à la carte c'est bien aussi. Avant on faisait des syndicats et
adhérait au syndicat qui veut, et ça marchait, chacun y trouvait
son compte. Pourquoi demander à La Métro de gérer tout le
territoire de la même manière ?
Question n° 08 : Quel est
votre mot de fin ?
Réponse : Et bien vous venez de
l'avoir ! J'en reviens toujours à mes trois objectifs prioritaires
qui sont totalement transversales : offrir des bons déplacements,
une bonne attractivité économique et des services de
qualité.
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