Section 1.2) L'instabilité du Conseil de
Sécurité des Nations Unies : le décalage entre la
résolution 1593 et les divergences idéologiques
La résolution 1593 est loin de refléter les
caractéristiques idéologiques qui opposent les membres du Conseil
de Sécurité, et plus particulièrement les membres
permanents. Le futur des renvois par le Conseil de Sécurité
apparait incertain, le risque de division parmi les membres permanents
étant élevé71 (malgré que la Libye ait
pourtant fait l'objet d'un renvoi en 2011)72.
Les deux pays susceptibles de s'opposer à un futur
renvoi sont la Chine et la Russie. La Chine, de tradition à respecter
les souverainetés et intégrité territoriale,
possède un important intérêt économique au Soudan.
La Chine est en effet le plus grand investisseur du Soudan dans le domaine du
pétrole73. Quant à la Russie, elle est le plus grand
fournisseur d'armes du Soudan74.
Le préalable au vote de la Résolution 1593 fut
ponctué par des considérations relatives aux politiques
menées par certains Etats. En effet, au regard de la résolution
1591 votée deux jours avant le renvoi à la CPI par le Conseil de
Sécurité de la situation au Darfour, on peut constater le manque
de « coercition » de ladite résolution. Les dispositions
n'incluaient nullement des questions relatives aux ressources
pétrolières, qui représentent 90% des exportations du
Soudan, de peur d'un veto chinois75. Concernant la Russie, les
membres s'accordèrent à ne pas y mentionner un embargo sur les
armes, concernant la région du Darfour. De surcroît, comme le note
Rodman, pendant
71 Lutz Oette, « Peace and Justice : the
repercussions of the Al-Bachir case for International Criminal Justice in
Africa and Beyond», Journal of International Criminal Justice, Vol.8,
p345365, 2010 (p359).
72 Voir la Résolution 1970 du Conseil de
Sécurité du 26 février 2011, renvoyant à la CPI
l'aval quant à une ouverture d'une enquête concernant les attaques
commises par le pouvoir libyen.
73 Kenneth Rodman, « Darfur and the limits of
legal deterrence », Human Rights Quarterly, John Hopkins University Press,
p529-560, 2008.
74 Rodman, p.543
75 Rodman, p.547.
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que le vote de la résolution avait lieu, la Russie
concluait un contrat de ventes de bombardiers de combat Antonov. Dans un
article du Financial Times, Kenneth Roth, qui prédit le renvoi de 2005,
affirma également quelques mois avant le vote, en novembre 2004, que les
membres devaient être prudents à l'égard de
l'intérêt pétrolier de la Chine au Soudan76
(« China's oil interests in Sudan make Beijing reluctant to endanger the
Sudanese officials behind the Janjaweed. Yet, ending the killing would help
prevent the conflict from disrupting oil supplies. And China should be
reluctant to be the sole obstacle to helping Darfur»).
Le manque de volonté politique de la part du Conseil de
Sécurité se manifeste également dans la mise en oeuvre de
solutions opérationnelles. Alors que les forces de maintien de la paix
furent mises en oeuvre par l'Union Africaine (AMIS) fondé en 2004, et
composé de 7.000 hommes, l'ONU décida d'effectuer une collusion
avec celle-ci, dans le souci d'avoir une force de maintien de la paix hybride,
en créant l'UNAMID (« United Nations Hybrid Operation in
Darfur »), force qui fut approuvé lors du vote de la
résolution 1769 du 31 juillet 2007. Bien qu'elle fût dans un
premier temps refusée par le Gouvernement du Soudan, cette force forte
de 26.000 soldats fut acceptée par le gouvernement77.
Quant à son impact, celui-ci fut très
limité au regard de la fraction très faible qui fût
déployée au Darfour, la carte géographique (datant de
Janvier 2009) montrant effectivement que la majeure partie des forces est
concentrée au Sud (Cf. Carte :UNMIS).
76 Kenneth Roth, « Bring the Darfur killers to
the world court», Financial Times, 18 Novembre 2004.
77 Rapport annuel des opérations de maintien
de la paix de 2008, (Annual review of global peace operations), p77-78
(2008).
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Un dernier point relatif au « manque de volonté
» du Conseil de Sécurité de résoudre le conflit et
qui souligne le caractère symbolique des décisions politiques est
la relative originalité du renvoi à la CPI par le Conseil. En
réalité, la frontière est mince entre la résolution
consacrant la création du TPIY et les résolutions 1593 et
suivantes. Au manque de volonté du Conseil s'ajoute les carences de la
Cour en matière de prévention, d'application et de finalisation
(« enforcement ») des décisions.
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