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La résolution juridique du conflit au Darfour : mise en perspective de l'état de la justice pénale internationale

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par Mohamed HAMDANI
Université Panthéon-Assas Paris 2 - Master 1 de science politique 2010
  

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2ème PARTIE : LA VARIABLE POLITIQUE, CONTRAINTE LIMITATIVE DE L'AUTONOMISATION DE LA JUSTICE PENALE INTERNATIONALE

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Malgré les efforts entrepris par les Etats de déléguer la répression des violations des droits de l'Homme à une instance juridique supranationale, il n'en demeure pas moins que ceux-ci font souvent obstacle à cette volonté d'autonomisation60. Cette instance juridique connait une limite majeure qui n'est autre que la variable politique. En effet, comme l'argue Rodman, «international tribunals cannot deter criminal violence as long as States and international institutions are unwilling to take enforcement actions against perpetrators»61.

Néanmoins, le politique, dans la résolution du conflit au Darfour, peine à mettre un terme aux dites violations. Si la Cour éprouve des difficultés à la fois opérationnelles et « relationnelles », cela ne vient pas pointer une prépondérance du politique. Nous ne serions donc pas dans un jeu à somme nulle, où la faiblesse du juridique augmenterait la capacité d'action du politique. Dès lors, il est nécessaire d'évaluer les interactions entre le politique et le juridique, qui se manifeste dans un premier temps sur le plan supranational, entre l'ONU et la CPI et dans un second temps, qui se caractérise par une relation entre la CPI et les Etats pris indépendamment (Etats-Unis, Chine, etc..) ou siégeant au sein d'une institution internationale, l'Union Africaine étant la mieux placée pour rendre compte du degré des rapports conflictuels.

TITRE I : Freins institutionnels et carences opérationnelles du système d'incrimination de la Cour pénale internationale

Les freins institutionnels sont tributaires des Etats qui malgré un consensus sur la situation au Darfour ne constitue pas une garantie à la stabilité de ce système particulier de répression des crimes de masse. Les considérations

60 Kenneth Rodman, « Darfur and the limits of legal deterrence », Human Rights Quarterly, John Hopkins University Press, p529-560, 2008.

61 Rodman, p529.

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idéologiques des Etats constituent un frein qui vient entraver un éventuel consensus transnational.

CHAPITRE 1 : Evaluation des freins institutionnels à

l'autonomisation de la Cour Pénale Internationale

Indépendamment des freins institutionnels que l'on étudiera dans une deuxième section, un processus de paix a été mis en oeuvre par les parties « au conflit », sous la médiation d'Etats, ou d'institutions internationales, afin de mettre fin diplomatiquement au conflit au Darfour62.

Section 1.1) Le processus politique de résolution du conflit au Darfour : chronologie d'un échec

Au lendemain des attaques perpétrées par le gouvernement soudanais en 2003, un processus politique de résolution du conflit entre les groupes de rebelles et ledit gouvernement soudanais a été entrepris afin de mettre fin aux hostilités, bien que la réponse du gouvernement ait été jugée disproportionnée63. S'inscrivant dans le temps long, ce processus qui débuta en 2004, appelé le « Darfur Peace Agreement » (DPA/ Accord de paix du Darfour), n'a toujours pas abouti. Le 8 avril 2004 fut implémenté un accord pour le cessez-le-feu de N'Djamena (appelé « cessez-le-feu humanitaire »), entre plusieurs groupes de rebelles (le Mouvement de Libération du Soudan (MLS/SLM) et le Mouvement pour la Justice et l'Egalité (MJE/JEM)) et le gouvernement du Soudan64. Ces négociations ne permirent pas de cesser les hostilités mais conduisirent à la création de la mission de l'Union Africaine pour le Soudan (AMIS). Subséquemment, au regard de l'échec de ce processus s'inscrivant dans le cadre du DPA, des médiateurs ont été chargés d'intervenir afin d'encadrer les pourparlers. En juillet 2004 s'ouvrirent donc les négociations d'Abuja sous la médiation de l'Union Africaine et du Tchad. La raison principale invoquée

62 Laurie Nathan « No ownership, no peace : The Darfur Peace Agreement », Working Paper n°5, Crisis States Research Centre, September 2006.

63 Nathan, p.1.

64 Article du Media Support Project : David Lanz, « Sudan/Darfur, Abuja Negotiations and the DPA », 2008.

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concernant la nécessité d'une médiation fut expliquée par le principe suivant : « Solutions africains pour un problème africain »65, la logique secondaire étant d'empêcher une ingérence des pouvoirs occidentaux dans le conflit.

Alors qu'en juillet 2005, les soubassements du processus de paix furent établis (adoption des « Déclarations de Principes »), celui-ci prit une tournure différente en Novembre de la même année, le MLS s'étant divisée en deux factions (une Fur et une Zaghawa). Conséquemment, la « date limite » fixée par le Conseil de Sécurité (31 décembre 2005) quant à la conclusion de l'accord de paix ne fut pas respectée66.

Le processus sera relancé par l'Union Africaine et le Conseil de Sécurité, avec comme « date limite » (« deadline ») le 30 avril 2006. Bien que les parties s'accordèrent sur un accord compréhensif (« Comprehensive Agreement »), celui-ci n'entra en vigueur seulement cinq jours avant le délai prévu67. L'accord fut signé le 5 mai 2006 par le gouvernement soudanais et une faction du MLS alors que parallèlement le MJE rejeta l'accord, considérant que les dispositions furent inégales, concernant les conditions de désarmement des milices Janjaweeds ainsi que le partage des ressources. Selon Lanz, « le fait que le Parti National (National Party Congress, parti central du gouvernement)) eut préservé une majorité dans toutes les législatures du Darfour, ne fut pas représentatif de la société civile. De plus, des doutes ont été émis par le « Justice and Equality Movement » à propos du fait que le Gouvernement soudanais puisse ou pas mener à bien le processus de désarmement des Janjaweeds »68. Les accords de Syrte de 2007, en Libye, aboutirent au même résultat et mêmes conclusions : partage inégal des ressources, sous-représentation politique, et désarmement des Janjaweeds non garanti.

Les principaux points du DPA sont effectivement axés sur le partage des pouvoirs, le partage des richesses et la sécurité (Chapitre 1 du texte sur le Partage des pouvoir (« Power sharing »), Chapitre 2 sur le partage des richesses (« Wealth sharing »), Chapitre 3 sur la sécurité (« Comprehensive Ceasefire and Final Security Arrangements »). Au regard des dispositions du texte du DPA, il est difficile de corréler celles-ci aux divisions, retards, et absence de consensus des

65 Lanz, p.2.

66 Nathan, p.4.

67 UN center press : «Security Council Calls for Smooth Transition to UN Operation in Darfur», 11 Avril 2006.

68 Lanz, p.8.

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parties. Néanmoins, plusieurs raisons permettent de rendre compte de l'échec politique de cette solution diplomatique.

Dans un premier temps, le contexte national et international n'était pas favorable. Le début des négociations (2003-2004) fut en adéquation avec la période, d'un côté de la tentative de résolution du conflit Nord-Sud au Soudan (Comprehensive Peace Agreement) et de l'autre le contexte de la guerre en Irak. La Communauté Internationale fut donc à la fois divisée et mue par d'autres préoccupations géopolitiques autres que le Darfour69. Sur le plan régional, le Soudan était en conflit avec le Tchad, bien que ce dernier ayant contribué à accueillir les déplacés et à tenter d'implémenter une paix dans la région.

Enfin, Laurie Nathan estime que « la diplomatie des délais » ou des « dates butoires » (« Deadline diplomacy ») est à l'origine des ralentissements du processus de paix et de l'échec de celui-ci, ces dates limites ne laissant pas le temps aux parties de négocier les dispositions du texte du DPA et leur conférant une faible marge de flexibilité.

L'échec de ce processus, qui continue de courir70, est actuellement entaché la querelle actuelle est le statut administratif du Darfour (choix entre l'unification des trois régions ou maintien du statu quo, choix dont le gouvernement du Soudan tenta de proposer un référendum).

Là où le politique a échoué, le juridique a-t-il un rôle à jouer ? Cet échec ne laisse t-il pas le choix à la mise en application des décisions juridiques ? Selon Lanz, les parties sont face à un dilemme : mener à bien le processus politique, ou « enforcer » les décisions juridiques de la CPI («The question thus arises whether international actors in Sudan want to give priority to peace negotiations or if they prefer other, potentially contradictory strategies, for example providing leverage for the enforcement of arrest warrants of the International Criminal Court»).

A travers l'étude de cette « chronologie d'un échec politique », un constat paradoxal peut être fait. La Cour pénale internationale et la résolution du conflit au Darfour relève d'un mode opératoire purement réaliste. Alors que des tentatives diplomatiques de résolution du conflit furent implémentées parallèlement aux décisions juridiques de la Cour, celles-ci n'ayant nullement

69 Idem, p.6.

70 Article de la Sudan Tribune : « JEM to resume direct peace talks if Sudan discusses Darfur status first », 18 Avril 2011.

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recours à la force s'inscrivent dans le courant libéral des relations internationales. Inversement, bien que la Cour soit un organe supranational, elle n'est que la continuation du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, dont l'organe garant de ce chapitre, le Conseil de Sécurité connait une instabilité qui pourrait handicaper l'efficacité de la Cour (Section 1.2).

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite