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La résolution juridique du conflit au Darfour : mise en perspective de l'état de la justice pénale internationale

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par Mohamed HAMDANI
Université Panthéon-Assas Paris 2 - Master 1 de science politique 2010
  

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1ère PARTIE : LA RESOLUTION JURIDIQUE DU CONFLIT AU DARFOUR : EMANCIPATION ET UNIVERSALISATION DE LA JUSTICE PENALE INTERNATIONALE

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En termes de méthodologie inhérente aux courants de pensées des relations internationales, la résolution juridique du conflit au Darfour est représentative du passage du paradigme réaliste au paradigme néoinstitutionnaliste du courant libéral. Ce changement de référentiel est analysable de manière empirique par le constat d'une évolution progressive vers une individualisation des sanctions à l'égard des auteurs de crimes de masses ainsi que par le vote de la résolution 1593 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Ce vote historique constitue une jurisprudence émanant du politique et qui vient sonner le glas du garde-fou qui n'est autre que l'immunité présidentielle.

TITRE 1 : Aspects historico-théoriques du changement paradigmatique

Avant d'étudier de manière empirique les avancées de la justice pénale internationale, il convient d'étudier l'évolution de celle-ci, indépendamment du conflit soudanais.

CHAPITRE 1 : L'évolution de la justice pénale internationale : le passage du paradigme réaliste à un paradigme libéral

L'incrimination des auteurs de crimes de masse s'inscrit dans le temps long et est tributaire d'un cheminement historique caractérisé par le passage d'un paradigme réaliste à un paradigme libéral. Pour faire état de cette évolution, il convient de définir ces paradigmes et de les transposer à l'analyse de l'évolution de la justice pénale internationale.

Le réalisme et les variantes qui le composent (réalisme classique, libéral, néoréalisme) est par définition le courant des relations internationales qui postule que l'Etat est l'acteur principal des relations internationales. Selon Jean-Jacques

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Roche : « Pour les réalistes, tout est politique et l'intervention de l'Etat permet d'objectiver les multiples demandes du corps social(...). L'exercice des prérogatives absolues de la souveraineté est donc considéré comme le moyen exclusif de contrôle de l'anarchie naturelle tant sur le plan interne que dans le champ des relations extérieures »14. La vision de Raymond Aron est plus prononcée en ce qu'elle considère que « le système international est la configuration du rapport de forces »15. Qu'en est-il de la place de la justice pénale internationale dans ce système international « stato-centré » ?

La conceptualisation de ces courants coïncide avec des systèmes internationaux à l'instar du Concert Européen du 19e siècle, ou encore de la première moitié du 20e siècle où les conflits étaient interétatiques16. Dans cette configuration, l'émergence d'une juridiction pénale internationale, et plus particulièrement dans le champ des droits de l'Homme, peina à s'affirmer. Néanmoins, les origines de la Cour pénale Internationale sont notables dès le 19e siècle17. Ces origines revêtent la caractéristique d'être basées sur les crimes de guerre, le contexte historique y étant propice (Guerre franco-prussienne, 1ère et 2nde Guerre Mondiale). Le fondateur du Comité de la Croix Rouge, Gustave Monier, proposa la création d'un « tribunal international sur la base de la Convention de Genève de 1864 »18 concernant les militaires blessés. Néanmoins, sa proposition était trop radicale au regard de son contexte19.

Le traité de Versailles établissant la Société des Nations tentera de mettre en oeuvre un effort de création d'une Cour pénale Internationale ad hoc dans l'optique de juger les responsables militaires allemands20, pour la perpétration de crimes de guerres21.

On constate que l'incrimination s'effectue toujours dans une perspective interétatique, à destination des Etats portant atteinte aux Conventions de Genève.

14 Jean-Jacques Roche, « Théorie des Relations Internationales », Edition Montchrestien, 2008.

15 Raymond Aron, « Paix et guerre entre les Nations », Edition Calmann Levy, 1962.

16 Jean Jacques Roche, « Relations Internationales », Edition L.G.D.J, 5e Edition, 2007. A propos du Concert Européen et de son éclatement, page 21 in Chapitre 1 : « Les relations internationales au XXème Siècle ».

17 Doreid Becheraoui, « L'exercice des compétences de la Cour pénale Internationale », International Review of Penal Law, Volume 76, (Date).

18 Becheraoui, p.342.

19 William Schabas, « An Introduction to the International Criminal Court », Cambridge University Press, 2002.

20 Idem, p.342.

21 Schabas, p.4.

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Ce n'est qu'avec les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo que l'on constatera un début de changement paradigmatique, en termes de sanctions à l'égard d'individus portant atteinte aux droits de l'Homme. En effet, la période ante-2nde Guerre mondiale était mue par un système de sanctions juridiques internationales principalement inhérentes aux crimes de guerre. En effet comme le constate Richard J. Goldstone : « Avant la Seconde Guerre Mondiale, les individus n'avaient aucune place dans le droit international, mis à part quelques exceptions. De plus, le droit international humanitaire n'a jamais été réellement mis en application »22.

La Seconde Guerre Mondiale sera donc à la fois le point d'inflexion du changement de mode d'incrimination et le point d'évolution juridique de dispositions à l'égard d'atteintes sérieuses aux droits de l'Homme (la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 étant l'exemple le plus significatif de cet effort juridique post-2nde Guerre Mondiale). Subséquemment, le tribunal de Nuremberg constitua le soubassement du droit international en matière de crimes de guerres23. De l'horreur de la Shoah découlera en effet une innovation majeure par l'introduction de trois autres crimes : les crimes contre l'humanité, les crimes de génocide et les crimes d'agressions24. Bien que « ce tribunal constitue une avancée juridique majeure et opère avec un certain degré d'indépendance, ils restent tributaire des systèmes politiques nationaux concernant l'incarcération des coupables et du rassemblement des témoins »25. De surcroît, la progressive individualisation des sanctions lors du jugement des militaires allemands rencontra l'obstacle national, la justice de Nuremberg ayant été jugée trop « sélective et politisée » selon Drumbl. Dès lors, le caractère extraordinaire des atrocités commises justifiera la nécessité de la mise en oeuvre d'un organe juridique supranational dès la sortie de l'ère post-2e guerre mondiale.

Ainsi, la codification des décisions (qui n'est pas sans lien avec l'Article 6 de la Convention pour la prévention et la répression du Génocide de 1948)26 et la réflexion sur des solutions transnationales débouche sur l'apparition d'un nouveau

22 Mark A. Drumbl, « Pluralizing International Criminal Justice », Review of Philippe Sands' book : «From Nuremberg to The Hague«, Cambridge University Press, 2003, in Michigan Law Review, Vol. 103, n°6, p.1295-1328,2005.

23 Drumbl, p.1298.

24 Idem, p.1299.

25 Idem, p1301.

26 Schabas, p. 8.

paradigme, le paradigme libéral. Le libéralisme en Relations Internationales part de « l'hypothèse de base selon laquelle les acteurs et structures internes d'un Etat influencent les identités et intérêts des Etats et par la même leur comportement externe »27. Dès lors, la place de l'Etat se verrait circonscrite à la satisfaction de l'intérêt des individus. En l'espèce, alors que l'état de la conjoncture politique internationale est réaliste28, le soubassement d'une justice pénale internationale s'inscrivant dans le paradigme libéral est avéré. En effet, nous assistons à une codification progressive du droit international par le biais d'instances issues de l'Assemblée Générale des Nations Unies.

Parallèlement à la création de la Commission du Droit International en 1950, l'Assemblée Générale va en effet créer un comité chargé d'élaborer le statut de la future CPI en 195229. L'Assemblée Générale des Nations Unies, organe le plus représentatif de la Communauté Internationale, travaillera jusqu'au début des années 1990 à l'élaboration du Statut de Rome de 1998, 1996 étant la date à laquelle ladite commission adopte « le Code des crimes contre la paix et la sécurité de l'Humanité » (« Code of crimes against the Peace and Security of Mankind »)30. Les « avant-projets » (« drafts ») de 1994 (relatifs aux aspects organisationnels de la Cour) et de 1996 préfigureront le statut de la CPI.

Le véritable moment juridique révélateur du positionnement libéral de la justice pénale internationale sera la création des deux tribunaux ad hoc pour les violations des droits de l'Homme commises en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) constitueront des modèles à l'élaboration d'une juridiction pénale internationale permanente.

La création du TPIY a pour origine une décision de l'Assemblée Générale de 1992. Le 22 février 1993, le Conseil de Sécurité des Nations Unies, venant préciser la décision, consacre l'idée d'une responsabilité pénale individuelle en affirmant que ce tribunal a pour objet d'incriminer « les personnes responsables de sérieuses violations du droit humanitaire international dans le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 ».

27 Batistella, p.174.

28 Idem, p.173. Batistella note cependant que bien qu'il fut dominant durant toute la Guerre Froide, le réalisme ne fut pas le paradigme central durant ce contexte.

29 Schabas, p8. 30Idem, p8.

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La logique des comités réapparaitra sous l'égide de l'Assemblée Générale des Nations Unies. Un comité ad hoc sera mis en place, le Comité préparatoire (notamment à l'origine de la complémentarité de la Cour), afin de négocier le statut final de la CPI et d'opérer sa signature31. La session de 1995 de l'Assemblée réunit 160 Etats, une centaine d'organisations gouvernementales (ONG) et des organisations internationales.

Ces comités, sous l'égide de l'Assemblée, sont représentatifs du caractère universel que revêt la Cour dans ses origines (et dans son fonctionnement, comme il sera analysé dans un chapitre suivant). Après maintes discussions et compromis, les Etats et les ONG, représentants la société civile internationale, se sont inscrits pleinement à l'aune de cette dernière décennie du XXe siècle en créant une Cour Pénale Internationale soucieuse de la protection, non plus des Etats-Nations, mais bien des Nations et des « peuples unis par un lien étroit dont les cultures forment un patrimoine commun »32. Selon Schabas, « nous aurions atteint un point où la responsabilité pénale individuelle est établie pour ceux responsables de crimes portant atteinte aux droits de l'Homme ».

Théoriquement, la punition des auteurs de violations des droits de l'Homme est directement corrélée au courant libéral des relations internationales, la responsabilité pénale étant passée d'un stade national à un stade individuel. Par conséquent, la justice pénale internationale est désormais en adéquation avec le souci d'individualiser les sanctions, justice qui rompt avec le caractère « indissociable des pouvoirs régaliens de l'Etat »33.

L'évolution vers une justice pénale internationale, à travers la création de la Cour pénale internationale, est un phénomène sans précédent dans l'histoire du droit international public. Ce trait nouveau, symptomatique d'un « miracle diplomatique »34, étudié ci-dessus, s'affirme davantage par l'étude du conflit au Darfour qui vient démontrer ce postulat. Nonobstant, avant de faire le constat empirique de cette avancée majeure, il convient d'analyser le fonctionnement de ladite Cour.

31 Idem, p14 : Session de 1995 de l'Assemblée Générale.

32 Alinéa 1er du Préambule du Statut de Rome.

33 Jean-Paul Bazelaire, Thierry Cretin, « La justice pénale internationale », Edition PUF, p.67, 2000.

34 Julian Fernandez, « la politique juridique extérieure des Etats-Unis à l'égard de la Cour pénale Internationale », Edition A.Pedone, 2010.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote