2.2. L'Etat, fournisseur de biens publics
Outre la prise en compte des effets externes, l'Etat a
évidemment une influence directe sur l'efficacité du secteur
privé : les investissements publics concourent
intuitivement à la productivité privée.
Ainsi, sans routes, quelle serait la productivité d'une entreprise de
transport ? C'est dans cette optique que Barro (1990) présente un
modèle de croissance endogène où les dépenses
publiques jouent un rôle moteur.
La production se fait suivant une technique à
rendements constants utilisant deux facteurs : le capital
privé et le capital public. Trois résultats sont
obtenus de ce modèle. Tout d'abord, puisque les rendements sont
constants et les deux facteurs de production accumulables, le modèle
engendre une croissance auto-entretenue. Ensuite, le taux
d'imposition joue un rôle positif sur la croissance. En
effet, quant le taux d'imposition croît, le niveau de capital public
augmente, et donc le taux de croissance. Cependant, le taux d'imposition a
aussi un autre effet tout à fait traditionnel : il décourage
l'activité privée, donc influence négativement le taux de
croissance. On obtient ainsi le troisième résultat du
modèle : il existe un niveau optimal du taux
d'imposition. Autrement dit, il existe une taille
optimale de l'Etat qui maximise la croissance de
l'économie.
Le modèle de Barro a le mérite d'insister sur
les relations qui existent entre le niveau des prélèvements et
croissance économique. Deux critiques principales peuvent lui être
adressées, l'une d'ordre externe et l'autre d'ordre interne. La
première est que Barro s'interroge peu sur ce qui fait le
caractère public de la dépense. Ainsi les services rendus par les
dépenses publiques ne pourraient-ils pas être fournis par les
entreprises privées ?
Après tout, certaines infrastructures sont fournies ou
financées par le secteur privé. Plutôt que d'entrer dans ce
débat, Barro pose d'emblée qu'il existe une partie du capital
total qui doit être publique. La seconde critique, d'ordre interne, est
que le caractère auto-entretenu de la croissance ne s'observe que pour
des valeurs très particulières des paramètres : le
rendement du capital total (privé et public) doit être unitaire.
Cette hypothèse est sans doute trop forte ; cependant, même
si elle n'est pas vérifiée, le capital public influence la
productivité privée.
2.3. La mise en garde de la théorie des choix
publics
Pour l'essentiel, notre analyse est centrée sur la
théorie normative de l'Etat sur les politiques appropriées
qu'il doit choisir pour augmenter le bien-être de la population.
Toutefois, les économistes n'idéalisent pas l'Etat, pas plus
qu'ils ne le font pour le marché. L'Etat peut en effet prendre de
mauvaises décisions ou mal appliquer de bonnes idées. Par
conséquent, tout comme il y a des défaillances de marché,
tels les monopoles et la pollution, il existe des « carences de
l'Etat », l'intervention de ce dernier aboutissant à un
gaspillage ou à une mauvaise redistribution du revenu. Ces questions
relèvent de la théorie des choix
publics, alliant l'économie et la science politique dans
l'étude de la manière dont l'Etat prend ses décisions. La
théorie des choix publics examine le fonctionnement des
différents mécanismes de vote et montre qu'il n'y a pas de
mécanisme idéal pour agréger les préférences
individuelles en choix collectifs. Cette approche analyse aussi les carences de
l'Etat qui apparaissent quand son action ne réussit pas à
améliorer l'efficacité économique ou quand il redistribue
le revenu de manière injuste. La théorie des choix publics traite
de questions comme la vision à court terme des
élus, l'absence d'une contrainte
budgétaire stricte et le rôle de
l'argent dans le financement des élections comme sources
de carences de l'Etat. Leur étude minutieuse est cruciale pour cerner
les limites des interventions de l'Etat et garantir que ses programmes ne
soient pas excessivement importuns ou prodigues (Stiglitz, 2000).
Ø L'analyse économique de la vie
politique
Depuis l'époque d'Adam Smith, les économistes
ont focalisé la plus grande partie de leur énergie sur la
compréhension du fonctionnement du système de marché. Mais
des penseurs sérieux ont aussi réfléchi sur le rôle
de l'Etat dans la société. Joseph Schumpeter fut le pionnier de
la théorie des choix publics dans « capitalism, Socialism,
and Democracy », (1942). Le Prix Nobel Kenneth Arrow
étudia les choix collectifs en apportant la rigueur mathématique
au domaine. L'étude de référence d'Anthony Downs,
« Economic Theory of Democracy », (1957), esquissa
une théorie nouvelle et puissante qui soutient que les
politiciens définissent les politiques économiques dans le but
d'être réélus. Downs montra
comment les partis tendent à se déplacer vers le centre du
spectre politique, et posa le « paradoxe du vote »
affirmant qu'il est irrationnel pour un individu de voter étant
donné la faible probabilité qu'a un individu d'influencer le
résultat.
Des travaux ultérieurs de James Buchanan et Gordon
Tullock dans « The Calculs of Consent », (1959)
défendirent une politique de poids et contrepoids et
préconisèrent l'usage de l'unanimité dans les
décisions politiques-invoquant que les décisions unanimes ne
contraignent personne et n'imposent aucun coût. Pour ces travaux, entre
autres, Buchanan reçut le Prix Nobel en 1986. L'économie des
choix publics fut l'objet d'une attention particulière de la part des
politiciens conservateurs en Grande-Bretagne dans les années 1986.
Elle fut appliquée à des domaines tels que la politique agricole,
la réglementation et les tribunaux. Elle formalise la base
théorique d'une proposition d'amendement constitutionnel visant à
l'équilibre du budget.
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