Section 2 : L'Etat, gérant des externalités
et fournisseur de biens publics
Parmi les missions régaliennes des Pouvoirs Publics
justifiant son action dans l'activité économique, nous avons la
gestion des effets externes et la fourniture des biens publics. En effet,
l'économie de marché, seule garantie de bien-être social
pour les économistes classiques et néoclassiques a dû
révéler ses limites et redonner raison à la théorie
keynésienne. La recherche des intérêts privés nuit
parfois à ses concurrents et à la communauté de
façon générale (pollution). L'Etat se révèle
aussi comme le fournisseur de biens publics par excellence.
2.1. L'Etat, gérant des externalités
L'accumulation de trois facteurs
explique traditionnellement la croissance économique : le
capital physique, le capital technologique et le capital humain. Or ces
trois caractéristiques ont une caractéristique commune. Ils
engendrent des externalités. Dès lors, le libre jeu des
marchés ne garantit pas l'obtention d'un optimum social. Des ressources
sont mal utilisées car les agents privés ne prennent pas en
compte les effets induits par leur comportement sur leur environnement. Le
rendement privé de l'accumulation est inférieur à son
rendement social et il y a en théorie place pour une intervention
publique qui améliorerait le bien-être.
Comme les modèles canoniques de croissance, on ne fera
que rappeler les principales implications pour la politique
économique.
Dans les modèles où la croissance est
liée à l'accumulation du capital humain (Lucas, 1988) ou à
celle du capital technologique (Romer, 1990), l'existence d'externalités
est justifiée par la prise en compte des mécanismes de diffusion
du savoir. Lucas considère ainsi que, dans l'activité de
production, le savoir a des effets externes : toutes choses égales
par ailleurs, plus le niveau moyen de connaissance d'une économie est
élevé, plus la productivité de chaque entreprise est
forte. Selon Romer, la technologie est un bien non rival, c'est-à-dire
que son utilisation par une entreprise n'exclut pas son utilisation par une
autre (une fois un logiciel mis au point, il peut être dupliqué et
utilisé par plusieurs personnes). De ce fait, l'activité de
recherche a des rendements croissants importants (la mise au point d'un
logiciel coûte autant, qu'il soit vendu en un exemplaire ou en mille).
Dans le modèle de Romer (1986) consacré au
capital privé, l'existence d'externalités est une condition
nécessaire à l'obtention d'une croissance auto-entretenue, il
faut que le rendement marginal du facteur de production accumulable dans sa
propre production soit constant. Dans ce modèle, comme dans la
théorie traditionnelle, le capital physique est homogène au bien.
Une condition nécessaire à l'existence d'une croissance
auto-entretenue est donc que l'élasticité de la production au
capital physique soit égale à l'unité. Si le capital
était le seul facteur de production, les rendements seraient constants.
Mais il existe d'autres facteurs de production. Aussi, les rendements de
l'ensemble des facteurs sont croissants.
Cependant, si une entreprise a des rendements croissants,
aucun équilibre de concurrence parfaite n'est possible. Il y a donc une
contradiction. Au niveau microéconomique, dès lors qu'il existe
des facteurs de production non-accumulables, il faut, pour que la croissance
soit auto-entretenue, que les rendements ne soient pas croissants. Pour
résoudre cette contradiction tout en conservant la conclusion que la
croissance est auto-entretenue (ou au moins que son caractère
auto-entretenu provient du capital physique) et en restant dans un cadre de
concurrence parfaite, Romer fait appel à des effets externes. Son
modèle est cependant fragile car le caractère auto-entretenu de
la croissance provient d'une hypothèse très particulière
quant à la valeur des paramètres. Il faut que les rendements
soient globalement constants, c'est-à-dire que
l'élasticité de la production au capital soit unitaire au niveau
macroéconomique. Il faut donc que la somme de l'élasticité
microéconomique et des effets externes soit exactement égale
à 1.
Le modèle de Romer est donc peu robuste. Par ailleurs,
les valeurs des paramètres que l'on pourrait plausiblement retenir
conduisent à un écart entre l'équilibre concurrentiel
(où les entreprises ne prennent pas en compte l'externalité) et
l'optimum social (où l'externalité est prise en compte)
très élevé (Hénin et Ralle, 1994). On peut en effet
calculer quelles valeurs doivent avoir les paramètres du modèle
pour qu'à l'équilibre les taux de croissance,
d'intérêt et d'épargne prennent des valeurs plausibles. Une
fois ces paramètres « calibrés », on
peut calculer les valeurs que prendraient les taux de croissance,
d'intérêt et d'épargne à l'optimum social.
Si les nouvelles théories réhabilitent le
rôle de la politique économique, qui devrait permettre de mieux
coordonner les décisions des agents privés, elles ne
préjugent pas de la forme de cette intervention. Cette absence
de « message clair » pourrait sembler une
faiblesse des nouvelles théories. C'est en fait le prix à payer
pour se rapprocher du « monde réel », dans
lequel les externalités sont bien concrètes : l'intervention
publique est justifiée par le fait qu'il existe une
externalité ; mais la forme de l'intervention publique
dépend de l'externalité précise qui est en
cause.
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