1.2. Cadre problématique de la recherche
Le cadre problématique nous permet d'avoir une
explication de l'ensemble des éléments
hétérogènes ou contradictoires qui aident à
prédire l'évolution du comportement de l'individu.
Le comportement humain est un phénomène
[très] complexe et difficile à appréhender. Car, lorsqu'on
observe de près le phénomène des transformations de
comportements, plusieurs scénarios sont possibles. Certaines personnes
ont adopté des comportements «sains» et d'autres
«à risque». Mais dans les sous-groupes respectifs, on observe
parfois que les comportements sains changent en comportement à risque et
vice-versa sous les effets des facteurs internes ou externes [Vanasse A., 2000,
pp. 44-45].
Cette mutation comportementale nous pousse à faire le
choix parmi la panoplie de cadres explicatifs pour plus comprendre la
problématique des représentations du surpoids à partir du
corps et de l'alimentation dans des perspectives de l'éducation pour la
santé.
a) Cadre problématique général de
la recherche
Le constat empirique selon lequel la santé des
immigrés africains est moins bonne que celle des autochtones se trouve
à l'origine de cette étude. D'autant plus que globalement, il
existerait plusieurs facteurs d'ordre structurels et individuels qui sont
parfois défavorables pour la santé et qui s'additionnent au sein
de cette catégorie sociale.
La migration représente déjà dans la
majorité des cas un processus éprouvant, lié à la
rupture du contexte de vie [Massé R., 1985]. Il faut ajouter à
cela les conditions de précarité rencontrées dans le pays
d'accueil.
Cette précarité souvent s'observe à leur
arrivée et surtout [malheureusement] pendant le processus
d'intégration voire chez leurs descendants aux différents niveaux
:
o légal [statut juridique instable, absence de droits
civiques, etc.],
o économique [limitation de l'activité sur le
marché du travail pour les immigrés, sous-utilisation des
compétences professionnelles, taux de chômage élevé,
etc.],
o social [faible savoir linguistique, des systèmes
politico-institutionnels, réseau social de proximité restreint,
etc.] qui touche les valeurs de l'intégrité des gens. Pourtant,
le concept de valeurs se confondrait avec celui de croyances et d'attitudes.
En effet, les valeurs sont un standard qui guide et
détermine l'action, les attitudes envers les objets et les situations,
l'idéologie, les présentations de soi aux autres, les
évaluations, jugements, les justifications, les comparaisons de soi avec
les autres et les efforts pour influencer les autres [Pras B., 1999] : ce sont
des croyances normatives.
Surcharge pondérale : Représentations du corps et
de l'alimentation des immigrés africains en Belgique [N'Chweki M. D.
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Comprendre les représentations est sans doute essentiel
avant même de tenter de modifier des habitudes
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En psychologie sociale, la théorie fonctionnelle des
attitudes permet de relier les jugements de valeurs aux motivations des
individus. Les valeurs individuelles entrent donc consciemment ou
inconsciemment dans la formation des attitudes qui exercent ainsi leurs
influences sur les comportements des gens [Rouvrais-Charron C., 2002, pp.
210-230].
En psychologie cognitive s'appuient sur ces concepts
d'attitudes et de croyances dans l'explication des comportements
individuels ou collectifs.
En psychologie éducationnelle, il y a aussi des
théories explicatives des comportements qui sont souvent
utilisées, comme la théorie de l'action raisonnée [TAR],
la théorie de comportement interpersonnel [TCI], la théorie de
comportement planifié [TCP], le modèle
des croyances relatives à la santé [HBM], etc.
[Adrien M. et Beghin I., 1993
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; Deccache A.,
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1994, pp. 107-113] pour expliquer les comportements des gens
:
o le modèle multi-attributs de Fishbein et Ajzen
[1980] ou «théorie de l'action raisonnée [TARI»
qui considère que dans une situation donnée, le comportement
volontaire est directement déterminé
par l'intention de l'individu de l'adopter ou non. L'intention est
à son tour définie par des attitudes de la personne
[croyances envers les attributs des objets et anticipation par l'individu des
conséquences de son comportement] et des normes sociales subjectives
[fonction de la croyance qu'a la personne et sur ce que les autres
attendent de lui et de la motivation de l'individu à se conformer au
désir des autres].
Cette théorie explicative est principalement
fondée sur un comportement rationnel et donc ne s'applique pas
aux circonstances dans lesquelles l'individu agit de manière
inconsciente et incontrôlée.
Ce cadre théorique et explicatif a par la suite
été reformulée, adaptée et intégrée
dans les formulations des autres modèles conceptuels.
o la «théorie de comportement
interpersonnel» [TCI] de Triandis [1977]. Pour ce cadre explicatif,
la fréquence avec laquelle un comportement s'est déjà
manifesté ; l'habitude constitue un
déterminant majeur au même titre que l'intention
comportementale. Selon cette théorie, le comportement est la
résultante d'un triple influence de la fore de : l'habitude,
l'intention d'adoption et des conditions facilitant ou inhibant.
De cette manière la lacune de la théorie de
l'action raisonnée, qui ne concerne que les comportements volontaires,
est comblée.
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de l'alimentation des immigrés africains en Belgique [N'Chweki M. D.
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Comprendre les représentations est sans doute essentiel
avant même de tenter de modifier des habitudes
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o la «théorie de comportement
planifié» de Ajzen [TCP de Ajzen et Madden, 1988] qui ajoute
l'influence du degré de contrôle possible du comportement de
l'individu, pour passer les limites de la TAR.
Force est de constater dans la théorie de comportement
planifié, l'action ou a conduite humaine est définie par
l'alliance de trois dimensions de la croyance :
- les croyances comportementales :
ce sont des tendances à évaluer une entité avec un certain
degré de faveur ou de défaveur,
- les croyances normatives : elles
font référence au concept d'éthiques personnelles [normes
subjectives perçues] et politiques collectives [forces sociales
perçues],
- les croyances de contrôle :
elles conduisent à un contrôle comportemental perçu. Elles
évaluent directement ou indirectement les désirs, les croyances
et les
intentions particulières qui gouvernent les comportements
des personnes.
Par rapport à la théorie de l'action
raisonnée et à la théorie du comportement interindividuel,
la théorie de comportement planifié semble mieux nous permettre
d'expliquer le développement des comportements de l'individu au travers
de ses représentations du corps et de l'alimentation.
Ainsi, de manière continue, les croyance, les
représentations de l'individu, constituent une structure psychologique
qui lui permet de sélectionner ses comportements et ses relations
sociales dans son milieu de vie quotidienne. C'est seulement dans ce contexte
que nous pouvons nous permettre de concevoir un projet éducatif pour la
santé [individuelle ou collective] dans un programme global et
cohérent de la santé publique [Fig. 3 :].
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de l'alimentation des immigrés africains en Belgique [N'Chweki M. D.
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Ces trois dimensions de la croyance, interagissent
continuellement dans la construction des intentions du comportement.
C'est-à-dire que les gens [immigrés africains] ne seront pas
capables de développer une forte intention d'agir et de se comporter
pour grossir, s'ils croient ne pas avoir les ressources nécessaires ou
les opportunités [perception de contrôle] pour y arriver et, ce
même s'ils possèdent des attitudes favorables envers le
comportement visé, et s'ils estiment que les membres de leur entourage
approuveraient le comportement [normes subjectives]. Dans certains cas,
l'insuffisance ou le manque de sentiment d'autocontrôle, entraîne
directement le comportement au même titre que l'intention
comportementale.
La quête de grossir à tout prix,
Les choix de aliments,
Le respect du rythme de repas,
Le plaisir de manger copieusement les plats gras,
L'isolement en cas de la perte de poids
La satisfaction ressentie quand on grossit,
La qualité organoleptique des aliments gras, etc.
La disponibilité alimentaire,
Stress (le chômage, le manque d'emploi),
La beauté africaine,
La fragilité liée à l'immigration,
Temps consacré à l'alimentation,
La culture alimentaire africaine,
La technique d'administration de «Durabolin», etc.
Ne pas croire aux risques du surpoids sur la santé, Croire
à ce que la grosseur est la traduction de la culture de santé, de
la beauté et de la beauté africaine, Croire à ce que la
minceur est le Sida,
Croire à ce que la grosseur est le signe de la
féminité africaine,
Croire à ce que gloire d'un homme se mesure à la
grosseur de sa femme, etc.
Perception de contrôle de :
Normes subjectives de :
Attitudes envers/de :
Figure 3 : Cadre explicatif général de la
représentation du corps et de l'alimentation des immigrés
africains
[Adapté de la TCP de Ajzen et Madden, 1986]
Vouloir prendre le «Durabolin», Préférer
les repas copieux et gras, Être attiré (e) par une personne
enveloppée,
Moins faire d'activités physiques, Ne pas respecter le
rythme de repas, etc.
Action peu ou pas volontaire
Intention de :
Contexte socioculturel
Manger copieusement les plats gras,
Faire moins d'activités physiques,
Prendre le «Durabolin», etc.
Comportements :
Légendes
- Est, signifie :
- Est lié (e) à :
- Interdépendance :
- La prédisposition génétique,
- Prise de certains médicaments (corticoïdes),
- Maladies endocriniennes, etc.
Surcharge pondérale
Contraintes
Santé
Surcharge pondérale : Représentations du corps et
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