Situation actuelle et perspectives d'avenir des exploitations familiales face à un développement rapide de l'agro-business: diagnostic agraire, canton de Quininde ( Equateur )( Télécharger le fichier original )par Romain JAVAUX Ecole supérieure d'agro-développement international Cergy, France - Ingénieur agronome international 2009 |
2.5.5.2. LES IMPACTES SUR LE CANTON QUININDESelon l'INEC, le canton de Quininde représente en 2001 344 608 ha dont 314 329 ha furent adjudiqués par l'IERAC ou l'INDA jusqu'à aujourd'hui. Si l'on ajoute les espaces urbains, on peut estimer que le canton de Quininde détient une population d'environ 112 000 habitants aujourd'hui dont 78% vivent en province. Graphique 11: Distribution de la terre dans le canton de Quininde (Municipalité Quininde, 2009) 59 ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études Cycle INGENIEUR 60 Comme on peut le constater, les petites unités de productions (producteurs ayant moins de 20 ha) représentent 13,7% de la superficie totale avec 5 196 producteurs, soit 47,6% de tous les producteurs du canton. En comparaison, les producteurs de plus de 200 ha (93, soit 3,12% du total) détiennent plus de 48 712 ha, soit 14,13% de la superficie totale. Ces chiffres sont très importants pour comprendre comment est aujourd'hui constitué ce canton au travers son histoire. Nous pouvons réellement voir la concentration de la terre actuelle, impliquant donc toutes ces inégalités. Cependant, ce graphique ne montre en rien les processus des multipropriétés présentes dans le canton. D'autres informations mentionnées par l'ONG FMLGT24 sont intéressantes sur ce point : « Selon DINAC25, les grandes propriétés ayant plus de 500 ha couvrent 18 023 ha pour 15 propriétaires, ce qui représente une moyenne de 1200 ha chacun » . Selon le FMLTG, « La compagnie Palmera de los Andes a plus de la moitié de toutes les cultures de palme africaine, soit plus de 6000 ha à elle seule. De plus, l'exploitation de bois Codes représente 700 ha de forêt, implantée sur une terre de Chachis, ethnie indienne, ce qui a généré beaucoup de conflits internes ». Remarque : des recherches réalisées ont dénoncé les exploitations Endesa - Botrosa pour non suivi de la loi de Gestion Forestière Durable : les coupes d'arbres en forêt primaire sont réalisées par des machines lourdes inadéquates, ce qui montre le manque de contrôles en partie par les autorités environnementales. De plus, ces arbres natifs sont remplacés par des espèces exotiques comme le pachaco utilisé principalement pour la fabrication des charpentes. Cette façon de justifier le reboisement de manière durable est très éloignée du concept de durabilité de la production qu'a promulgué la loi sur la forêt : « la taux d'exploitation des produits forestiers ne sera pas supérieur aux taux de la reprise naturelle de ces mêmes produits dans la forêt ». En idée générale, les terres tenues par les entreprises représentent un total de 40 000 ha, donnant une moyenne de terre par entreprise, firme ou exploitation forestière égale à 153 ha. Les différences de superficie entre les producteurs, liées pour la majorité aux grandes entreprises de palme et une forte concentration de pauvreté dans ce canton (19% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté au niveau du canton de Quininde), influent pour beaucoup sur la répartition inégale des terres du canton comme le montre son indice de GINI , égal à 0,65 en 2005 alors qu'il est de 0,54 pour la province d'Esmeraldas en 2008. Au niveau de la légalisation des terres, la nouvelle loi agraire du pays en 1994 n'eut que peu d'impacts dans ce canton, du fait qu'il n'y a presque plus d'haciendas depuis la crise de la banane. Il n'y a eu que 339,6 ha de terre redistribuée aux exploitations paysannes entre 1968 et 1995. 24 Fondation Maria Luis Gomez de la Torre 25 Direction Générale des Statistiques et des Cadastres ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études Cycle INGENIEUR Cette loi n'a servi qu'à garantir la propriété de la terre, mettant ainsi un terme aux inquiétudes des grands propriétaires. Le discours, toujours en vigueur, vise surtout à garantir la « sécurité juridique » de la propriété foncière, en partant de l'hypothèse que l'un des problèmes les plus importants des producteurs est le manque d'accès au crédit. Le raisonnement est que, munis enfin de leurs titres de propriété, ils pourront accéder à un facteur de production qui leur faisait défaut et investir pour se « moderniser ». L'État, appuyé par des institutions comme la Banque Interaméricaine de Développement, continu donc d'insister sur une politique de « titularisation » de propriétaires, au moyen de coûteux projets qui font appel à des techniques de géomatique. Cependant, il ne dit pas comment ces titres pourront être mis à jour pour tenir compte des héritages, ventes, etc. ni comment ils pourront résoudre l'inégale répartition foncière actuelle. En effet, cette loi néolibérale fut crée principalement pour que les paysans et indiens de la région ne puissent pas accéder à la terre. Il y eu d'énormes dépossessions de terre provocant de nombreux conflits violents entre producteurs et grandes exploitations (Accès à la terre, AVSF, juillet 2008) Graphique 12: Les terres légalisées dans le canton de Quininde (étude SIPAE, 2009) Bien que nous pouvons remarquer une augmentation de terres légalisées entre 1997 et 2000, la dollarisation du pays a eu comme impact une diminution brutale du pouvoir d'achat chez toute la population. A partir de 2003, il y a une relance des titres de propriétés provoquée, en partie, par le gouvernement de Rafael Correa incitant les populations à légaliser leur terre, comme par exemple la création de la nouvelle ligne de crédit pour accéder au titre de propriété vu précédemment. En revanche, ce graphique ne montre pas quelles sont les typologies de producteurs ou entreprises ayant légalisé leur terre à partir de la dollarisation. 61 ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études Cycle INGENIEUR
Le canton de Quininde a donc été une zone très marquée par son histoire agraire qui a connu de nombreux cycles agro exportateurs, ayant débuté par l'exploitation de caoutchouc, le cacao, la banane jusqu'à la production d'huile de palme étant aujourd'hui en pleine expansion dans la zone. Tous ces changements ont impliqué de multiples transformations, non seulement du paysage agraire mais aussi au sein du cadre social, économique et organisationnel. Evidemment, la participation de l'Etat a joué un rôle fondamental au niveau de la restructuration des unités de production à travers ses différentes formes d'incitation à la colonisation, ses lignes de crédits, ses réformes agraires, ce qui a déterminé les systèmes de production actuels du canton. En rapport avec le contexte socio-économique environnemental dans lequel cette population rurale a vécu, le tableau ci-dessous résume l'évolution de ces producteurs. Ainsi, on a pu définir des typologies de producteurs et leurs évolutions dans le temps jusqu'à aujourd'hui. 62 ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études Cycle INGENIEUR 63 Figure 14: Les évolutions des types de producteurs (étude SIPAE, 2009) Pour mieux appréhender la situation actuelle des économies paysannes face à un contexte de développement d'agro-business, il est important d'analyser, d'un point de vue économique, les différents systèmes de production, d'exploitation de chaque acteur de production agricole de la zone d'étude. Cette démarche permettra de montrer les avantages ainsi que les freins de ces économies paysannes. En un deuxième temps, nous énumérerons quelques axes directeurs autant en termes d'alternatives et surtout au niveau des législations de l'Etat, pour un meilleur développement économique, environnementale et social de ces exploitations familiales au niveau du canton de Quininde. ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études Cycle INGENIEUR 64 |
|