3. SYSTEME DE CULTURE ET D'ELEVAGE, DE PRODUCTION ET
LEURS EVOLUTIONS
Pour comprendre comment on peut appuyer et orienter les
exploitations familiales dans ce canton, il est important d'étudier les
différents systèmes de culture, d'élevage, les
différents mode de gestion des producteurs au sein de leur
système de production. Dans un contexte politique en faveur de
l'agro-business, une analyse économique est une clef de lecture, en
terme de revenu, de cout d'opportunité, pour montrer la situation
actuelle des économies familiales.
3.1. SYSTEME DE CULTURE ET D'ELEVAGE
3.1.1.SYSTEME AGROFORESTIER
Tel qu'il a été analysé dans la partie
consacrée au zonage, les systèmes agroforestiers se rencontrent
de manière prépondérante dans la zone amont. Ces
systèmes peuvent être définis comme une association de
cultures pérennes et semi pérennes présents sur une
même surface.
Bien que le cacao est la principale source de revenus au sein
des exploitations familiales, on ne peut pas parler de système de
culture de cacao à proprement parlé, du fait qu'il n'existe pas
de système de monoculture pure de cacao dans le canton ; c'est pourquoi
nous l'intégrons dans les systèmes agroforestiers.
Pour renforcer quelques limites d'étude dans cette sous
partie, nous nous sommes appuyés sur le Diagnostic Agraire du canton
Rioverde d'Emilie Cordelier et Marion Morize réalisé en
2003, dans une zone voisine et similaire à la notre.
De ces systèmes agroforestiers, nous avons
identifié trois variétés de cacao :
Le cacao « nacional » ou « criollo
». Il domine dans la zone. (52 J/ha au total avec un rendement
maximum de 12 quintaux/ha/an soit une productivité de 6$ par jour de
travail).
Le cacao « colombien » ou «
vénézuélien », est également
important dans la zone. Il provient des croisements Nacional x
Trinitario. Ses caractéristiques et sa conduite sont cependant
similaires à celles du « criollo ».
Le cacao amélioré dit
« hybride » ou « ramilla » (clone CCN51) :
il est de plus en plus répandu dans la zone (64 J/ha avec un rendement
de 37 quintaux/ha/an soit une productivité de 15$ par jour de
travail).
Durant sa phase de croissance, le cacao est associé
à la banane plantain (et/ou la banane). Celle-ci meurt au bout de trois
ou quatre ans. Diverses espèces forestières ou fruitières
sont plantées ensuite: Guaba (arbre légumineuse), papayers,
orangers, mandariniers, coco, manguiers, etc. Ces espèces assurent
l'ombrage permanent nécessaire au cacao, permettent de limiter la
pression des adventices et de maintenir une certaine humidité.
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Cet agro-système, mis en oeuvre depuis de nombreuses
années, a l'avantage de présenter un maintien d'un sol humide, un
microclimat, une production de biomasse et une population de ravageurs.
- Pour le sol: la diversité des
cultures partageant une même surface permet de ralentir le
phénomène d'érosion grâce à l'importance du
couvert végétal.
- Pour le microclimat: la présence
d'arbres fruitiers et de bois au sein de ces systèmes réduit
l'impact du vent, ce qui entraîne une faible perte d'eau par
évapotranspiration.
- Pour la production de biomasse: du fait de
la présence de divers végétaux, le processus
photosynthétique augmente la création de matière
végétale et donc la production de biomasse.
- Pour les ravageurs: un système
associé permet l'existence d'ennemis naturels, permettant un
équilibre au sein du même système.
Itinéraire Technique
La gestion du système agroforestier commence par un
nettoyage qui se réalise généralement aux périodes
d'entrée et de sortie de l'hiver, respectivement au cours des mois de
décembre-janvier et juin-juillet.
Le cacao est planté qu'à l'arrivée des
premières pluies pour lui permettre un développement rapide. A
l'aide d'une corde, l'agriculteur définit les ligne de semis (inter-rang
de trois à quatre mètres) puis enfouit la graine
pré-germée tous les trois-quatre mètres, ce qui donne une
densité de 600 plants par hectare en moyenne.
Remarque : pour le cacao CCN51, une mise en
pépinière est présente : au mois d'octobre, les graines
sont placées dans des sachets plastiques (qui servent de godet) remplis
de terre et irrigués deux à trois fois par semaine jusqu'à
transplantation, au bout de deux mois.
La banane plantain est plantée dans l'inter-rang,
à même densité, mais alternant parfois avec un arbre
fruitier ou un Guabo, plantés un peu plus tard. Les jeunes
cacaoyers et les bananiers plantain sont ensuite désherbés en
couronne tous les trois mois en hiver et moins fréquemment en
été, pour maintenir l'humidité au sol pendant les mois
secs.
Ce n'est qu'au bout de trois ans, quand l'ombrage devient
suffisant, que s'espacent les désherbages (deux fois par an). Outre la
nécessité de limiter la croissance des mauvaises herbes à
l'arrivée des pluies et de nettoyer après la période
pluvieuse, ces deux périodes correspondent aux moments de plus forte
floraison du cacao et les agriculteurs affirment que ce désherbage est
nécessaire pour assurer une bonne récolte par la suite .Cette
activité est faite par la famille elle-même ou par
l'intermédiaire d'un salarié.
Ces dernières années, certains producteurs ont
opté pour l'utilisation de produits chimiques pour le désherbage,
à raison de 1 à 2 fois par an. Cette pratique n'est pas encore
répandue, puisque les producteurs considèrent encore que
l'excès de produits chimiques provoque des dommages à leurs
systèmes agroforestiers. Toutefois, il n'est pas écarté
que l'utilisation de produits chimiques s'accroit au fil des ans, du fait que
cette pratique est moins chère que la pratique manuelle (prix
produits agro-chimiques, voir annexe 1).
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Tableau 3: Comparaison des nettoyages manuel et
chimique pour un hectare (étude SIPAE, 2009)
Nettoyage Temps de travail
(homme/jour)
|
Coût du journalier
($)
|
Consommations intermédiaires ($)
|
Coût total ($)
|
Manuel Chimique
|
5
|
10
|
0
|
50
|
1
|
10
|
8
|
18
|
Une autre activité qui se déroule à
l'intérieur des systèmes agroforestiers ou diversifiés est
l'élagage. L'élagage consiste à enlever les branches et
les feuilles sèches, dites "suceuses", ainsi que les fruits malades des
arbres. Les pousses de plantes présentant les meilleures
caractéristiques sont laissées. Cette taille des branches malades
est principalement utilisé pour le cacao face à la maladie «
Escoba Bruja » et « Monilla » lorsque les plants ont plus de
huit ans en général. La meilleure époque pour tailler est
en été, au mois d'août, une fois que le nettoyage a
été réalisé. Certains producteurs font la taille
deux fois par an pour les cacaoyers, alors appelée taille
phytosanitaire. Pour tous les arbres fruitiers, en particulier les agrumes, les
tailles sont effectuées chaque deux ou trois ans
La fertilisation des systèmes agroforestiers est
effectuée depuis quelques années. Il existe des producteurs qui
ont reçu une formation sur les formes de fertilisation organiques.
Ceux-ci fertilisent avec des engrais liquides à une fréquence de
deux à quatre fois par an. Pour autant, la plupart des agriculteurs
rencontrés ne font pas d'apport d'engrais ou d'amendement organique.
Production, récolte et
post-récolte
La majeure partie de la production est fournit à
l'époque hivernale, ce qui correspond aux mois de janvier à mai,
et commence à diminuer au cours des mois d'été, comme le
montre le tableau ci-dessous :
Tableau 4: Calendrier cultural des système
agroforestiers (étude SIPAE, 2009)
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En premier lieu, nous observons la diversité que
présente ce système, depuis les cultures de subsistance jusqu'aux
cultures de rente. Bien qu'il y ait une plus grande production en hiver, cela
n'exclut pas que la production reste constante au cours de l'année, ce
qui permet au producteur de bénéficier d'une certaine
stabilité dans le temps.
Dans le cas du cacao, la saison principale de production est
l'hiver, les mois d'avril et de mai présentant les plus gros volumes de
récolte. Au cours de ces mois, il est possible de récolter toutes
les deux semaines. La récolte peut être faite à deux
personnes; l'une récolte les cosses de cacao et les regroupe sur le sol,
l'autre les ramasse et les coupe en deux pour extraire les amandes et les
dépose dans un seau ou sur un sac.
En fonction du producteur, le prix de vente peut variée
entre 50$/quintal et 110$/quintal selon que les amandes sont vendues
directement (en « baba ») ou bien fermentées et
séchées et que ces exploitants font partie ou non d'associations,
de groupements de producteurs.
En rappel, se regrouper permet d'avoir de meilleures relations
et un pouvoir de négociation avec les intermédiaires ou
directement avec des transformateurs (par le biais de partenariat). Ainsi, ces
producteurs assurent une sécurité de production et de
qualité régulière (garantie par des certifications
biologiques par exemple) et donc un meilleur prix de vente.
En règle générale, les producteurs
laissent fermenter les amandes un à deux jours, puis les mettent
à sécher sur des auvents ou sur les bords des routes. Cependant,
ce travail de transformation dépend pour beaucoup des
intermédiaires se focalisant généralement sur la
quantité vendue et non sur la qualité. Il faut ajouter à
cela les fluctuations des cours mondiaux du cacao.
En plus de la récolte du cacao, la production majeure
de bananes est réalisée au cours de la saison des pluies. [a
récolte des bananes s'effectue tout au long de l'année, et
habituellement toutes les deux semaines. Ce travail nécessite deux
personnes, celle qui coupe les régimes et l'autre qui les charge. Une
fois les régimes récoltés, le stipe est coupé pour
être laissé sur le sol et y pourrir (gestion du cycle de
fertilité). Le moment de récolte des agrumes (oranges et
mandarines) s'étale de mars à novembre, les mois de septembre et
d'octobre présentant une augmentation de la production. [a
récolte peut être effectuée par l'agriculteur même,
selon les besoins de la famille, ou peut être directement faite par des
acheteurs à la ferme. Le café est récolté à
la sortie des mois pluvieux. Comme dans les systèmes diversifiés
actuels le nombre de plants de café est faible, quelques heures
suffisent à sa récolte.
Les produits comme la banane, le manioc, la papaye, la goyave
ou le pamplemousse, sont destinés principalement à l'alimentation
familiale et leur récolte est associée à un besoin
immédiat de consommation.
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Les différents agro-systèmes
présents
D'après les enquêtes réalisées
auprès de plusieurs producteurs qui administrent un système
d'agroforesterie, on distingue deux sous-systèmes
différenciés par le mode de gestion et le niveau de rendement,
décrits comme suit:
Les Systèmes Agroforestiers à fort
rendement (SA1): le producteur gérant ce système a
reçu une formation agricole d'une association ou de l'organisation
paysanne à laquelle il appartient. Des tailles phytosanitaires sont
réalisées ; elles représentent l'une des activités
les plus importantes pour le producteur. La fertilisation organique offerte par
ces tailles, associée à un apport d'autres produits biologiques
provenant de la même ferme, permet de maintenir un bon rendement.
De plus, son cacao joue un rôle prédominant au
sein de son système : sa parcelle est en transition entre la
variété nationale et hybride. Pour les calculs, on a pris une
moyenne de 60% de variétés « criollo » et 40% pour le
CCN51. Son rendement total moyen via le cacao est d'environ 22 quintaux/ha/an
vendu à 80 $/quintal du fait d'une bonne fermentation et séchage
des amandes soit une rémunération de 1760 $ soit 72% de la
rémunération (Produit Brut total) du système (2460 $). Il
faut ajouté à cela la rémunération des arbres
fruitiers, soit 700 $ /an selon les producteurs interrogés.
Les Systèmes Agroforestiers à faible
rendement (SA 2): la plupart de ces producteurs sont
indépendant, ils n'ont pas eu l'opportunité de recevoir une
formation et gèrent donc leur système agroforestier de
manière traditionnelle. La gestion de ces exploitations agricoles est
plus simple, l'élagage et la taille se font tous les deux à trois
ans. Il n'existe pas de taille phytosanitaire adéquate et les cacaoyers
sont remplis de mousses et de plantes parasitaires. Il n'y a que de faibles
fertilisations au sein du système.
Ses plants de cacao ne sont que de variétés
nationales. Leurs rendements n'excèdent rarement les 6,5 quintaux/ha/an,
dont les amandes sont vendues généralement en baba ou seulement
fermentées soit à 70 $/quintal soit une
rémunération de 455 $ soit 47% de la rémunération
(Produit Brute total) du système (950 $) D'où
l'intérêt des cultures associées dans les cacaoyères
(que les fruits soient vendus ou autoconsommés).
Graphique 13: Comparaison du PB total entre SP1 et
SP2. (étude SIPAE, 2009)
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La tendance actuelle est de changer ses plants de cacao
national par celui hybride du fait d'une productivité de travail trois
fois plus important et d'une production commençant à partir de la
deuxième année. En revanche, cette variété est
beaucoup plus vulnérable aux maladies d'où un traitement chimique
plus important (problème environnementale).
|
Cette volonté d'implanter cette variété
hybride est due à une mauvaise commercialisation où seule la
quantité du produit, via les intermédiaires, prédomine
actuellement. Mais aussi, par des institutions de crédit telles que la
BNF, qui mettent en place de nouvelles lignes de crédit en faveur de
cette variété donnant plus de garantie.
|
Le problème de cette variété est qu'elle
n'entre plus dans une stratégie de niche économique pour le
producteur, ce que les ONG essayent de faire valoir auprès de ces
exploitations paysannes (en incitant par exemple les groupements de producteurs
ou l'obtention de certifications) pour leur assurer une pérennité
de leur système de production.
|
Cultures complémentaires
Sur de petites surfaces, les producteurs ont l'habitude de
cultiver des céréales destinés à la consommation
familiale. En fonction des conditions agro-écologiques du terrain, les
plantations de riz en hiver et de maïs d'été sont
fréquentes. Le riz est la base de l'alimentation de la famille. Quand il
est semé en hiver, toute la production est récoltée,
stockée et consommée en fonction des besoins. La production de
maïs, en plus de servir de nourriture aux paysans, est également
destinée en grande partie à l'élevage de poulets, qui
complètent l'alimentation familiale.
Remarque : La production des quantités de
maïs et riz produites étant marginale, elle n'a pas fait l'objet
d'étude.
|