2.5.4.2. LES DIFFERENTES MANIERES DE POUVOIR ACCEDER AU
CREDIT
Le crédit informel :
C'est la manière d'obtenir un prêt rapide sans la
nécessité d'avoir un titre de propriété et sans le
besoin de réaliser de nombreuses démarches administratives. Ce
crédit est mis en place par les intermédiaires pour couvrir des
besoins urgents des producteurs ; comme se procurer des pesticides durant une
forte période d'humidité.
Ces crédits sont à placement de courte
durée n'excédant pas les trois mois. Il n'est donc pas possible
d'obtenir des prêts importants (maximum 300$), se basant sur la confiance
et la pression sociale.
ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études
Cycle INGENIEUR
51
Aussi les grossistes à Quininde donnent du
crédit de plus forte valeur mais demandent plus de garanties comme par
exemple des gages de bijoux ou autres objets de valeur, des papiers
écrits et signés, etc. L'avantage de ces crédits est qu'il
n'y a pas d'intérêts à payer, peu de démarches
administratives et pas de nécessité d'avoir une terre
légalisée.
Les producteurs sans grandes ressources peuvent aller voir les
« chulqueros », personnes principalement d'origine colombienne, qui
sont un moyen d'obtenir du crédit de plus grande valeur. Par contre, les
intérêts sont très élevés, jusqu'à 30%
par mois, à paiement journalier. Si le producteur ne paye pas un jour,
il devra payer le triple le lendemain, ainsi de suite. Ces « chulqueros
» savent où le demandeur vit et n'hésitent pas à
s'approprier leur propriété en cas de non paiement. Il est
arrivé que ces non paiements aillent jusqu'au meurtre de la famille
selon certains dires. Ce mode de crédit est dangereux.
Le crédit commun :
Cette forme de crédit est une alternative pour les
populations vivant en communautés isolées du marché. A
Quininde et ses alentours, il existe deux associations privées depuis
six ans, Minga et Finca dont chacune recense plus de 600 producteurs et
commerçants. Afin d'accéder au crédit, il est
nécessaire d'être adhérant.
Ces crédits ne nécessitent que peu de
démarches administratives et sont compris en termes de valeur entre 300$
et 3 000$ en cycle de six à neuf mois avec 15% d'intérêt.
Ce crédit n'est pas destiné à la plantation d'une culture
mais seulement dédié à la production.
Pour les communautés éloignées, il existe
le crédit communautaire fonctionnant sur le principe d'une caisse
commune : pour celles ayant recours à cette forme de crédit, les
cycles sont de onze mois en moyenne avec un intérêt de 3% et
peuvent atteindre une valeur allant jusqu'à 1500$. La garantie
fondamentale pour ce crédit se base sur la pression sociale.
Remarque : ce crédit n'est que peu
répandu chez les communautés par manque de sensibilisation et de
formation de l'Etat à cet égard. De plus en plus d'ONG appuient
ce type de crédit au sein des communautés.
Les coopératives :
Il n'y a qu'une coopérative à Quininde : la
coopérative d'Antorche. Elle a à son actif plus de 600 membres.
Elle fonctionne comme une banque privée mais demande moins de garanties
; pour accéder à un crédit, il faut être membre
depuis plus de six mois avec un compte disposant d'un minimum de 70$. De plus,
il faut disposer de son titre de propriété ainsi qu'au moins 15%
du montant du crédit demandé. L'intérêt de ces
prêts est de 33% pour les cultures à cycle court. Autant dire que
les petits exploitants sont exclus de cette coopérative par manque de
ressources fixes, sans légalisation des terres.
ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études
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Les banques privées :
Il en existe deux implantées dans le canton de Quininde
: la banque de Pichincha et la banque Internationale ; une autre est
également implantée à Esmeraldas : la CNF. Ces
institutions privées sont essentiellement axées vers les grands
propriétaires ou grandes firmes : il faut disposer de son titre de
propriété, un capital fixe sur un compte pendant 6 mois minimum ;
les placement sont de courtes durées (trois ans en
général) pour des crédits d'une valeur minimum de 10 000$
pour la majorité. Ces crédits n'ont pas d'années de
grâce ainsi qu'un intérêt annuel dépassant pour la
majorité 15%. De plus il n'existe pas de lignes de crédit pour
semer une culture, ils ne sont que destinés à la production.
A partir de cette année, il y a une augmentation
générale des lignes de crédit agricole au sein de ces
banques, principalement pour la palme africaine. Depuis un an, il existe des
accords avec les extracteurs de palme via l'association ANCUPA, ce qui octroie
des avantages en termes de taux d'intérêt ainsi que de placements
à long terme pour les palmiculteurs.
Les petits producteurs sont exclus de ce système
privé de crédit (pas de titre de propriété, peu de
capital fixe, pas de culture de palme, etc.).
La Banque Nationale de Développement :
La BNF a généré entre les années
70 et 80 une grande quantité de crédits (argent provenant du
pétrole) à un faible taux d'intérêt, subventionnant
principalement les moyens et grands propriétaires qui
détournaient ces ressources pour d'autres secteurs de l'économie
plus rentables. Ceci provoqua la décapitalisation de la banque et une
réduction du crédit ainsi que l'élimination des taux
d'intérêts subventionnés.
Dans les années 90, en parallèle du retirement
de l'Etat, la BNF a réduit ses opérations à plus de 70%.
« Les restrictions sur les emprunts de la BNF a forcé les petits
agriculteurs à se tourner vers des prêteurs privés »
(Commission nationale de planification et de coordination
économique, p123).
Pour autant, depuis le gouvernement de Rafael Correa, nous
observons de plus en plus de lignes de crédits en faveur des petits
producteurs, bien que la légalisation de la terre reste une clause de
garantie pour accéder au crédit. Aujourd'hui, il y a plus de 5000
membres ayant eu recours à cette banque publique.
Graphique 7: Répartition du crédit de
la BNF dans le canton de Quininde (étude SIPAE,
2009)
52
ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études
Cycle INGENIEUR
Sur la base de ce graphique, nous pouvons constater que les
crédits concédés par la BNF dans ce canton sont
principalement tournés vers la production de la palme et du cacao. En
valeur, nous savons par l'étude menée sur le terrain, que le
crédit pour la palme a été octroyé à 90
palmiculteurs pour 892 ha cette année. Pour les 494 ha de cacao, il y a
eu plus de 537 producteurs ayant accédé à ce
crédit. De ces valeurs, nous pouvons justifier qu'en moyenne, les
producteurs ayant eu recours au crédit via la palme ont une
propriété de 10 ha en comparaison à 1 ha pour le cacao.
Remarque : depuis 2009, il existe une demande de plus
en plus forte chez les producteurs ayant moins de 1 ha pour planter du cacao
CCN51 du fait de son meilleur rendement.
En conséquence d'un grand nombre de non paiement des
prêts de la part des producteurs (en 2009, le chiffre d'affaire
était déficitaire de 500 000$ ), les crédits individuels
sont suivis par une assistance technique. Le versement du crédit
s'effectue en deux temps : 60% du crédit va directement au producteur
puis, après un mois, il y a une visite pour être certain que ce
prêt a bien répondu et sa demande initiale. A partir de ce moment,
les 40% restants sont reversés au producteur.
Voici les lignes de crédits par la BNF :
Comparaison entre le crédit pour le cacao et
la palme de la ligne "microcrédit" depuis 2007
77
Palma Cacao
195
socios superficia values
1246
145,500
475
860,450
Graphique 8: Comparaison de la ligne de
microcrédit de la BNF à Quininde (étude SIPAE,
2009)
Depuis 2007, une ligne « microcrédit » s'est
ouverte en faveur des producteurs de cacao : ce crédit permet
d'accéder jusqu'à 7 000$ avec un intérêt annuel de
11%, sur un placement de 2 ans. Cette ligne de crédit est vraiment une
avancée sociale pour les petits producteurs voulant accéder au
crédit pour la production mise en place autant que pour la plantation de
nouvelles cultures.
Remarque : cette ligne de crédit est
orienté principalement via le cacao hybride (CCN51), assurant beaucoup
plus de garantie de remboursement que le « criollo »,
variété nationale, comme nous le décrirons dans les
systèmes de cultures.
53
ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études
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De plus, depuis 2007 s'est ouverte la ligne 5/5/5 (5000 $
à 5% à payer en 5 ans) ayant donnée de meilleures
possibilités pour les petits producteurs, comme le montrent les deux
graphiques suivants :
142
Comparaison entre le cacao et la palme pour la ligne
5/5/5 depuis 2007
Palma Cacao
859
socios superficia values
312,834
34
180
86,940
Graphique 9: Comparaison des producteurs
accédant au crédit 5/5/5 (étude SIPAE, 2009)
Plus de la moitié des producteurs ayant eu recours
à ce crédit ont moins de 10 ha de terre. Ceci montrant encore une
fois un réel avancement social, une nouvelle stratégie de
développement bien réelle auprès des populations en
nécessité.
Bien que les intérêts et les placements de la BNF
sont très opportuns pour les producteurs en comparaison avec les autres
services formels de crédits, les démarches et le temps pour
accéder au crédit sont très lents.
Un producteur sans son titre de propriété ne
peut toujours pas accéder aux instituts formels autant pour implanter
une nouvelle culture que pour la production en place. Rappelons que seulement
60% de la population productive du canton de Quininde détiennent leur
titre de propriété.
Une alternative a été mise en place depuis deux
ans par le gouvernement de Rafael Correa : un crédit de sollicitude pour
légaliser la terre. Ce crédit est d'une valeur de 1500$ avec un
placement de deux années à un taux d'intérêt de
8,5%, dont un an de grâce. Ce crédit est le premier existant en
Equateur pour aider les producteurs à sécuriser leur terre et
donc avoir accès à des crédits.
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ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études Cycle
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Comparaison entre la BNF et les banques privées :
Dans le canton de Quininde, les deux plus grandes institutions de
crédit en termes de membres ainsi que de ressources financières
sont la BNF et la Banque Internationale.
Graphique 10: Comparaison entre la BNF et les
banques Privées à Quininde (étude SIPAE,
2009)
2003 2004 2005 2006 2007 2008
Comparaison de l'argent versé pour les
crédit entre la banque Internationale et la BNF entre 2003 et
2008
25 000 000,00 20 000 000,00 15 000 000,00 10 000 000,00
5 000 000,00
0,00
|
|
Banco Internacional BNF
|
4000
3000
2000
1000
0
Comparaison des producteurs ayant accédé
à des crédits par la banque Internationale et la BNF entre
2003 et 2008
Banco internacional BNF
55
Au contraire de la Banque Internationale, la BNF n'a que peu
de capital à redistribuer jusqu'en 2007. Depuis la nouvelle
constitution, il existe une plus grande injection de capital dans la BNF, ainsi
que la création de nouvelles lignes de crédits comme nous avons
pu le constater. En effet, il y a neuf fois plus de producteurs ayant
accès au crédit par la BNF en 2008 qu'en 2006. De plus, cela
démontre encore une fois que les banques privées
n'émettent que de gros crédits, donc favorisant seulement les
grands producteurs.
Cette réelle évolution, étant beaucoup
plus en adéquation avec les attentes et les nécessités des
petits producteurs, montre une impacte concrète de la présence de
l'Etat dans les campagnes. A l'opposé, les banques privées n'ont
pas de stratégie de développement global mais suivent une logique
capitaliste, rentable en termes économiques.
Il demeure néanmoins une grande inégalité
d'accès au crédit entre les petits et grands producteurs ainsi
qu'entre les institutions de crédits. Les alternatives informelles, sans
sécurité légale d'obtention de crédit par les
exploitations familiales, sont encore très présentes chez les
petits producteurs. Les grands problèmes rencontrés dans la zone
d'étude sont le manque de titre de propriété et une
instabilité des revenus dans le temps, souvent trop faibles
vis-à-vis des garanties demandées par les banques ou
coopératives ainsi que pour la BNF.
De plus, la discrimination raciale ainsi que les cultures
privilégiées telles que la palme ou le cacao hybride sont
d'autres freins pour accéder au crédit, non négligeables
pour des producteurs d'origine africaine, en majorité dans la zone et
cultivant du cacao de type « criollo ».
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