CONCLUSION GENERALE
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académique 2009-2010 77
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Politique
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Au moment où (mai 2010) nous bouclons ce travail, la
Côte d`Ivoire est encore incertaine quant à son avenir. Les
élections présidentielles ont déjà
été reportées six fois depuis octobre 2005. Bien malin qui
dirait si elles seront finalement organisées en 2010. Les mêmes
causes pour lesquelles elles n`ont jamais eu lieu jusqu`ici sont à
nouveau rassemblées. Il s`agit de l`identification et du recensement des
électeurs, la question du désarmement des ex-rebelles, les
relents d`exclusion, le pouvoir effréné pour l`héritage de
la « dépouille » du système clientéliste, la
pauvreté dont le taux s`élève désormais à
près de 49% au niveau national. A cela il faut ajouter des limites
structurelles (la dépendance à la France et une économie
très portée vers l`extérieur...) Toutes proportions
gardées, ce sont ces mêmes causes qui ont provoqué la crise
de 2002. La catharsis tant attendue ne s`est pas produite. Six Accords et une
vingtaine de résolutions plus tard, on a avancé à peine
d`un pas. Faute collective, faute non assumée. Entre 2002 et 2007,
pouvoir, ex-rebelles, opposition et médiations, tout le monde a
tergiversé, nolens volens. D`où le sentiment
général d`échec malgré des acquis comme les
audiences foraines ou le redéploiement de l`administration dans les
zones occupées (40% du territoire) par la rébellion.
Pour la CEDEAO, son but qui était d`arrêter les
hostilités et éviter une nouvelle escalade entre
belligérants a été atteint. De ce point de vue (elle n`en
avait pas d`autres), le bilan de son implication dans cette crise est donc
positif. Mais il est loisible de relever aussi qu`elle aurait pu faire mieux.
Après avoir tant bien que ma géré ses querelles
paroissiales, elle n`a jamais haussé le ton, jamais fait de
déclaration condamnant fermement la non application des accords. Elle
n`a jamais mis les principaux protagonistes devant leurs
responsabilités...Trois ans après la signature de l`Accord
politique de Ouagadougou, il apparait donc que, finalement, le problème
n`était pas les accords, suscités par les ivoiriens ou non. La
solution aurait dû résider et réside dans leur application.
Une application biaisée par les principaux acteurs (pouvoir et
rébellion). C`est une constance en Afrique déplore notamment Yves
Alexandre Chouala qui invoque la mauvaise volonté des
belligérants mais aussi, « sans doute parce qu`ils (les accords)
sont imposés par une intervention assez rapide de la communauté
internationale au moment où les rapports de force sur les champs de
combat n`indiquent pas encore la supériorité militaire d`une
partie au conflit. Et, dans des contextes où aucune partie n`estime
avoir perdu la guerre, il est difficile d`obtenir une application rapide et
totale
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d`accords de paix dont certaines dispositions - celles
touchant au désarmement et à la démobilisation -
s`apparentent à des actes de capitulation147 ».
C`est quasiment le tableau que présente la Côte
d`Ivoire en 2007... Réfractaires au désarmement, les ex-rebelles
continuent de considérer la question comme un détail qui ne
saurait être un préalable pour aller aux élections.
Auto-suffisantes en ressources naturelles, financières (elles
prélèvent les impôts dans les zones qu`elles
contrôlent) et agraires, en cacao notamment (3% de la production mondiale
selon Global Witness), les Forces nouvelles peuvent continuer d`entretenir
leurs troupes et s`armer. Leur numéro 1, Guillaume Soro, premier
ministre depuis 2007, est en même temps joueur et arbitre. Le processus
de sortie de crise dépend beaucoup de lui. En face ou à
côté de lui, le président Laurent Gbagbo qui, en faisant
une fixation sur le désarmement sait qu`il obtiendra en retour une
réponse ambiguë ou tout simplement un refus de la part des FN. Une
situation qui l`arrange, donnant de lui l`image d`une victime qui s`est
officiellement réconciliée d`avec ceux qui voulaient sa chute et
qui en retour ne veulent pas déposer les armes. La principale
retombée pour Laurent Gbagbo est de rester indéfiniment au
pouvoir car dans le fond, des élections régulières et
transparentes ne lui seraient pas forcément favorables. Sur le terrain,
le RHDP, la grande coalition des partis de l`opposition est majoritaire dans le
pays à 65 ou 70% (résultats des élections municipales de
2001 et départementales de 2002 auxquelles tous les grands partis
politiques ont participé).
L`impasse pourrait encore durer longtemps. Et la
communauté internationale (ONU) devra alors mettre un terme à sa
politique de l`autruche qui consiste à continuer à jouer le
rôle d`accompagnement (suivisme) auquel les anciens belligérants
l`ont réduit. Étant à la base des résolutions 1633
et 1721, la CEDEAO et l`UA devraient déclarer l`urgence à
résoudre la crise ivoirienne et s`y mettre effectivement, en saisissant
le Conseil de sécurité de l`ONU afin d`imposer la paix en
Côte d`Ivoire. A défaut, il faudra continuer à se contenter
d`expédients et de demi-mesures (ICG) ou alors, commencer d`abord par
une transition du genre que propose Francis Wodie148 pour qui, peu
importe le type de solution à la crise ivoirienne (juridique ou
147. CHOUALA Yves Alexandre, « Puissance,
résolution des conflits et sécurité collective à
l`ère de l`Union Africaine », AFRI, 2005, p. 298
148. WODIE Francis, Le conflit ivoirien : solution
juridique ou solution politique ? Abidjan, Les Editions du CERAP, 2007,
p.21
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politique), l`essentiel c`est la paix...C`est le moins que
l`on puisse souhaiter à un « Etat fragile » comme la
Côte d`Ivoire.
Finalement, l`attitude de la France. Soupçonnée
d`avoir financé la rébellion à partir des Etats voisins de
la Côte d`Ivoire, refusant de faire la guerre aux « assaillants
» comme le souhaitait le pouvoir, elle est restée longtemps sur la
défensive. Guidée très souvent plus par ses
intérêts économiques, elle a pris l`initiative sur toutes
les résolutions sur la Côte d`Ivoire à l`ONU
(peut-être parce qu`elle connait mieux le terrain...). Certains ivoiriens
lui sont toujours opposés et les réactions au cours des cinq
dernières années le prouvent à suffire. C`est l`une des
raisons expliquant la nouvelle attitude de Paris : rester loin des projecteurs,
mesurer toute déclaration publique, bref cesser de se comporter comme si
la Côte d`Ivoire était une partie de la France. « Les
français ne peuvent pas vouloir plus notre bien que nous-mêmes
a-t-on coutume de dire en Côte d`Ivoire ». Les nouvelles
dispositions diplomatiques de la France sont bonnes pour les affaires. Mais
Paris peut-elle ouvertement fermer les yeux sur les dérapages
démocratiques en Côte d`Ivoire (comme le font certains) pour
préserver ses intérêts économiques ? Quelle serait
la viabilité d`une telle option ? A contrario, la France peut-elle avoir
le courage de se désengager ne serait-ce qu`émotionnellement et
culturellement de la Côte d`Ivoire ?
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