B. La sécurité collective en Afrique :
l'exemple de la CEDEAO
Les organisations régionales africaines d`aujourd`hui
doivent leur existence à l`Organisation de l`Unité Africaine
(OUA) 66 qui, en 1976, décida de doter le continent de cinq
organisations régionales qui recouvraient déjà des
entités économiques réelles : La Communauté
Economique des Etats d`Afrique Centrale (CEEAC), et la CEDEAO notamment. En
2002, l`Union Africaine remplace l`OUA. La nouvelle organisation se voit
assigner des objectifs ambitieux dans le domaine de la paix et de la
sécurité et, à cette fin, décide de mettre en place
un dispositif institutionnel dénommé Architecture africaine de
paix et de sécurité (AAPS).Celui-ci est placé sous la
direction du Conseil de paix et sécurité (CPS),un organe de
décision permanent lequel, à l`instar du Conseil de
sécurité de l`ONU
65. Basée à Abuja au Nigeria, la Communauté
Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est un regroupement
régional de quinze pays créé en 1975. Bénin,
Burkina Faso, Côte d`Ivoire, Guinée, Mali, Niger,
Sénégal, Togo, Gambie, Ghana, Liberia, Nigeria, Sierra Leone et
Cap Vert, Guinée-Bissau.Voir « annexe No 2 »
66 . L`Organisation de l`Unité Africaine a
été créée en 1963. Elle a été
remplacée en 2002 par l`Union Africaine.
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compte 15 membres et est chargé de la
prévention, de la gestion et du règlement des
conflits67. Ce faisant, l`UA opère une rupture avec le dogme
de la non-intervention qui prévalait dans le cadre de l'OUA.
L'Acte constitutif de l'Union africaine prévoit ainsi le droit
« d'intervenir dans un Etat membre sur décision de la
Conférence, dans certaines circonstances graves, telles que les crimes
de guerre, le génocide et les crimes contre l'humanité
», ou de répondre au « droit des Etats membres de
solliciter l'intervention de l'Union pour restaurer la paix et la
sécurité68 ». Pour Alain
Deletroz69, l`Union Africaine soutient les structures
régionales et va jusqu'à considérer les communautés
économiques régionales comme les pierres angulaires de son
architecture pour la paix et la sécurité, dans lesquelles seront
basées par exemple, les cinq forces africaines d`intervention (African
Stand by Forces). Nous aborderons dans cette sous-partie les instruments
normatifs dont dispose la CEDEAO pour s`investir dans la prévention et
le maintien de la paix. Il sera aussi question des expériences de
maintien de la paix de la CEDEAO et de la justification de ce rôle
à travers notamment sa coopération avec l`Organisation des
Nations Unies (ONU).
1-Contexte et justifications dans le maintien de la
paix
Les organisations sous-régionales en Afrique ont connu
des fortunes diverses. Sur le terrain complexe de la prévention et de la
gestion des crises, la CEDEAO se distingue de ses consoeurs estime Alain
Deletroz et d`expliquer qu`elle est certainement la seule organisation
régionale capable d`émettre des résolutions, souvent
reprises par l`Union Africaine et parfois relayées par le Conseil de
Sécurité des Nations Unies70. Depuis environ une
vingtaine d`années, le rôle des organisations régionales
dans les relations internationales, particulièrement dans le domaine de
la paix, est en très forte progression et correspond à la mise en
place d`un nouvel ordre mondial, encore en gestation71. Si la paix
et la sécurité
67 .LIEGEOIS Michel : (Les capacités africaines de
maintien de la paix : entre volontarisme et dépendance), Bulletin du
Maintien de la Paix, no 97, janvier 2010
68. LIEGEOIS Michel, Ibid.,
69 .DELETROZ Alain, L'Union Africaine et les acteurs
sociaux dans la gestion des crises et conflits armés, in BANGOURA
Dominique (dir.) et A.BIDIAS Emile Fideck (dir.), Paris, L`Harmattan,
2006, P. 23
70 .Ibid.
71. MARION Julia, « La coopération des Nations
Unies et les organisations régionales dans le domaine de la paix et de
la sécurité internationales », Conférence
à l`Ecole des Hautes Etudes Internationales, 30 mai 2006
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internationales restent du ressort exclusif du Conseil de
Sécurité, le Chapitre VIII de la Charte de l`ONU définit
le cadre de coopération entre l`ONU et les organisations
régionales.
a) L'ONU et les acteurs régionaux dans le
maintien de paix
En 1992 et 1995, le Secrétaire général de
l`ONU, Boutros Boutros Ghali a reconnu dans l`Agenda pour la paix
et son supplément, que les organisations régionales
possèdent dans de nombreux cas, un potentiel qui pourrait contribuer
à l'accomplissement des fonctions examinées dans son rapport :
diplomatie préventive, maintien de la paix, rétablissement de la
paix et consolidation de la paix après les conflits. Boutros Boutros
Ghali a précisé quelles étaient les organisations qui
rentraient dans le cadre de la Charte : « Les associations ou
entités en question peuvent être des organisations
créées par un traité, avant ou après la fondation
de l`Organisation des Nations Unies, ou bien des organisations
régionales de sécurité et de défense mutuelles...
Ce peut être encore des groupes créés pour traiter d`une
question particulière, qu`elle soit politique, économique ou
sociale, posée au bon moment ». Par conséquent, face
à cette tendance à l`autonomisation des organisations
régionales, l`ONU chercha à développer de nouvelles formes
de coopération. La doctrine onusienne tente d`élaborer un cadre
conceptuel pouvant intégrer une évolution qui n`avait clairement
pas été anticipée par la Charte. Cette tâche n`est
pas facilitée par la multiplicité et
l`hétérogénéité des organisations
régionales et sous-régionales72. Parallèlement,
l`ONU s`implique dans le soutien des organisations régionales qui
souhaitent s`engager en matière de sécurité, sans pour
autant en avoir les moyens. Cette situation est particulièrement
observable dans le cas des organisations régionales africaines qui,
à l`origine, avaient davantage une vocation économique. Certaines
d`entre elles se munissent de moyens institutionnels pour agir dans un contexte
où la conception de la paix, de la sécurité et de
l`intervention change.
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