4.3.4. Conséquence de l'absence de supervision dans
les écoles fondamentales de Torbeck
La supervision étant presque inexistant, certains
responsables en profitent pour agir comme bon leur semble. A Torbeck, quatre
(4) des écoles de notre échantillon ont des
pré-sixièmes années fondamentales et
pré-troisièmes secondaire. En plus des candidats qui n'ont pas
réussi aux examens de sixième et de neuvième année
fondamentale sont reçus en classe supérieure malgré
l'interdiction du ministère de l'Education.
Le plus souvent, ces directeurs agissent en complicité
avec des parents inconscients pour commettre leurs forfaits. Ensuite, ils
utilisent une pratique déloyale pour duper la Direction
départementale. Ces directeurs enregistrent les noms de ces
élèves à la Direction départementale
frauduleusement en classe supérieure un an à l'avance afin
qu'ils leur permettent de subir les examens officiels sans problèmes.
Par exemple, l'élève est en huitième année, son nom
figure sur la liste des élèves de 9ieme année. Cet
élève qui ne reçoit pas de fiche, sera
considéré comme un refoulé par le ministère
l'année suivante sans qu'il soit réellement un recalé.
Aussi, la Direction départemental se fait avoir par ces directeurs
magouilleurs et des parents inconscients.
Par ailleurs, à cause de cette absence de supervision,
les écoles pullulent sans aucun contrôle et évoluent en
dehors des principes administratifs et pédagogiques. Aucune intervention
orthopédagogique n'est faite à cause de l'absence de supervision
clinique. Il s'ensuit qu'il n'ya pas de recyclage et que chaque professeur
utilise son propre programme. Dans une même Commune, les
élèves de chaque école ont des livres différents.
C'est un désordre généralisé.
Apres avoir, dans un premier temps, établi le cadre
théorique de l'enseignement moderne, puis dans un deuxième temps,
constaté le fonctionnement des écoles fondamentales de Torbeck,
nous avons confronté ces deux réalités. Il en
résulte clairement qu'il ya loin entre la théorie et la pratique.
Fort de ce résultat, nous nous croyons être en mesure de produire
certaines suggestions en vue d'aider l'Etat à remédier à
cette situation inconfortable qui frise de l'anarchie, sinon d'une
tolérance de la part de tous les secteurs concernés. Sans cette
partie, nous sommes sûrs que notre travail serait inachevé, voire
inutile si, normalement, il ne proposerait pas quelques jalons pour un
redressement conforme au bien être de nos citoyens. A quoi sert de
relever des défis sans y apporter des éléments de
solutions ? Nous visons spécifiquement l'Etat parce qu'il est le
principal concerné en matière de reforme et d'orientation du
système éducatif du pays quel qu'il soit. Et c'est à
l'exposition de ces propositions que sera consacré le prochain chapitre,
en fait, constitue la partie essentielle de notre travail, son
originalité.
Propositions
Au regard des résultats obtenus à partir de
notre minutieuse enquête en fonction des différentes questions
liées à notre recherche telles que : le rapport
parents-écoles, la qualification et la formation des enseignants, la
distance parcourue tant par les enseignants que par les apprenants, les
supports didactiques, les effectifs des salles de classe et le salaire des
enseignants, il nous est impérieux de faire certaines suggestions
visant à redresser la barque. Notre approche analytique du mode de
fonctionnement des écoles fondamentales de Torbeck attire notre
attention et attise notre conscience. Aussi, s'avère-t-il
nécessaire, à partir des résultats de nos enquêtes
et aussi nos de multiples observations réalisées à travers
cette Commune de faire des propositions afin d'aider tout éventuel
intervenant à aborder les problèmes de cette Commune
objectivité. Nos propositions s'adressent également à
tous ceux qui ont des responsabilités tant au niveau du Ministère
de l'Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) qu'à
des Organisations Non Gouvernementales (ONG) oeuvrant dans le domaine de
l'éducation et des agences internationales qui
voudraient nous aider à combler les lacunes, à résoudre
les multiples problèmes de fonctionnement de nos écoles
fondamentales. Enfin, elles s'adressent à tous les décideurs et
à tout un chacun, dans une conjugaison d'effort et une vraie synergie
afin de prendre notre destinée en main en vue de la préparation
des hommes valables pour demain qui puissent contribuer au développement
du pays et le progrès de l'humanité toute entière.
Pour ce faire, à notre avis, des mesures urgentes et
très rationnelles s'avèrent nécessaires. En ce sens, il
faudrait penser à améliorer les conditions économiques des
parents, rapprocher les parents des écoles pour un meilleur encadrement
des enfants, combattre l'analphabétisme des parents et augmenter les
centres de formation et penser à recycler les professeurs.
Vouloir modifier les conditions des écoles
fondamentales et performer leur « output », revient
à améliorer les conditions économiques des parents, car
l'économie pèse de tout son poids sur l'éducation. Et si
l'Etat ne peut pas à lui seul assumer la responsabilité de
l'éducation de base ou fondamentale des enfants, il lui faudrait en
toute urgence adopter des mesures agraires capables de redresser la situation
économique des parents. Ces mesures agraires doivent être
accompagnées de grand projet de réhabilitation de canaux
d'irrigation en vue de l'augmentation de la production agricole. Etant
donné que Torbeck est la première commune du département
du Sud en matière d'élevage bovin, l'Eta doit penser à
faire venir d'autres races pour améliorer celles des éleveurs de
la zone. Ce faisant, ils pourraient eux-mêmes couvrir les frais scolaires
de leurs enfants. Il faut rappeler que dans les années 80, la situation
économique des paysans des différentes communes du
département du Sud n'était pas si précaire à cause
du fonctionnement de diverses entreprises qui leur permettait de trouver un
boulot. La réouverture des diverses usines qui fonctionnaient tant
à Torbeck (Usine de vétiver de Labeyi et celui de Valère)
qu'a travers le département du Sud (Usine Sucrière Centrale
Dessalines, Beurrerie du Sud, FACOLEF de Cavaillon) pourrait aider aux paysans
de pousser un ouf de soulagement. Etant donné que Torbeck est une zone
côtière, la revalorisation des plages (tourisme) et la formation
d'une grande coopérative de pêche pourraient aider les parents
économiquement. D'un autre coté, considérant l'importance
des moyennes entreprises et du commerce dans les activités
économiques de tout pays, permettre aux petits commerçants de la
zone d'avoir accès au crédit améliorerait leurs conditions
économiques et allégerait également leur sort.
D'un autre coté, vu que nous vivons dans un pays
où le taux d'analphabétisme est très élevé,
les écoles doivent chercher à se rapprocher des parents afin de
développer de très bons rapports avec eux pour qu'ils puissent
mieux jouer leur rôle d'acteur. Les responsables des
établissements scolaires devraient monter des comités de parents
au niveau de chaque école pour que ces derniers soient au courant et
plus intéressés à la vie scolaire. L'analphabétisme
est une lacune à combler afin d'obtenir une plus large collaboration des
parents dans la vie scolaire de leurs enfants et dans les activités de
l'école.
Lorsqu'on considéré que seulement 1% des
enseignant utilisent les méthodes interactive et que 71% pratiquent
l'exposé magistral comme méthode de travail, il faudrait faire
une urgente intervention afin de former ces enseignants. Augmenter des centres
de formation et de recyclage pour diminuer progressivement les méthodes
traditionnelles et s'assurer que tous ceux qui se lancent dans
l'éducation aient un bagage intellectuel, psychologique et
pédagogique adéquats pour accompagner les enfants afin
d'éviter que la profession d'enseignant soit d'une part un refuge pour
les recalés du Baccalauréat ou des non admis des
universités et d'autres parts que l'enseignement ne serve de tremplin ou
d'antichambre à bien d'autres individus. Car l'enseignement est une
profession, une vocation et comme telle mérite d'être
abordé avec égards, conscience et respect.
Le sort des enseignants mérite un meilleur traitement
en fait de rémunération. Ils doivent pouvoir comme tout
travailleur vivre décemment et subvenir aux besoins de leurs familles
notamment à l'éducation de leurs enfants.
Etant donné que l'imitation est un
phénomène culturel, il y a des modèles qui ont
porté fruit dans certains pays qu'on pourrait essayer d'adapter
à la réalité haïtienne. Les décideurs
pourraient s'inspirer du modèle de la révolution douce du
Canada utilisé aux environs des années 60 pour enclencher le
processus de développement éducatif qui a fini par avoir une
incidence sur le développement intégral du Canada. Non seulement
les enseignants doivent être bien rémunérés mais
aussi il leur faudrait des avantages sociaux.
La Commune de Torbeck est tellement vaste que les
élèves proviennent de toute part pour se rendre au bourg. Aussi,
serait-il donc urgent et important de doter chaque point
stratégique d'un bus pour alléger les problèmes de
distance parcourue par les enseignants et les apprenants. C'est-à-dire,
un bus par point géostratégique (Boury, Valère,
Bérault) ou d'une manière plus large par section communale.
L'Etat et le secteur privé devraient s'efforcer de doter chaque
section communale d'écoles dignes de ce nom pour que les enfants
n'aient plus besoin de parcourir tant de kilomètres pour se rendre
à une école que leurs parents jugent correcte. Dans le cas
contraire, il faudrait penser à la construction de village scolaire(N).
Pour que les enseignants et les apprenants puissent atteindre les écoles
à temps, il faudrait également une compagnie de transport
à leur disposition. En analysant les divers problèmes
posés par l'éloignement de la demeure des enseignants par rapport
à la localisation des établissements scolaires, des primes
devraient être octroyées aux enseignants afin d'alléger
leur sort.
.
Etant donné que 85% des écoles de la Commune
sont du secteur privé, l'Etat devrait penser à les aider
non seulement dans la formation continue des enseignants mais aussi
à les doter de matériels didactiques pour que le processus
enseignement-apprentissage soit bien mené. Il faudrait que le MENFP
véhicule les prescrits de la législation scolaire relatif aux
démarches de construction d'une école afin d'empêcher que
n'importe quel individu sans formation puisse fonder une école. Aussi,
les responsables du ministère devraient-ils se lancer dans la bataille
de contrôle de la procédure de création des écoles
pour éviter la profusion de ces institutions au rabais, construites sans
le respect des normes. L'Etat devrait également empêcher que
n'importe qui sans aucune formation devienne directeur d'école pour ne
pas banaliser cette grande institution sociale.
Face aux problèmes de laboratoires informatiques, de
bibliothèques et d'internet, les écoles peuvent se mettre
ensemble pour doter la communauté de ces supports indispensables au bon
fonctionnent de l'éducation moderne. Cela signifie qu'ils pourraient
monter un projet commun qui puisse favoriser les apprenants et les enseignants
à avoir définitivement ces supports à leur disposition.
La Mairie pourrait chercher des financements soit au niveau de l'Etat
à travers d'autres secteurs afin de doter la commune de cybers
café et de bibliothèques communales qui puissent favoriser la
recherche.
Le champ d'action des inspecteurs doit cesser d'être le
ministère de l'Education. Pour le contrôle efficace et
l'accompagnement profitable des enseignants, il faudrait que les inspecteurs
soient bien formés afin qu'ils soient en mesure de faire de bonnes
supervisions cliniques. Pour ce faire, le ministère doit
s'efforcer de doter chaque zone scolaire d'inspecteurs qui sont l'objet de
formations spécifiques solidement faites. Ce faisant, le contrôle
de la qualité de l'enseignement serait plus ou mois faible au niveau de
ces écoles. Nous aimerions conseiller aux décideurs tant
nationaux que départementaux d'intégrer dans les programmes un
cours de technique agricole au 3e cycle fondamental pour
permettre aux enfants de pouvoir encadrer leurs parents en période de
vacances. Un cours bien élaboré d'éducation civique
imprégnée de connaissances juridiques aiderait la jeunesse
à ne pas tomber dans la délinquance et à éviter
certains comportements jugés indésirables par notre
société. Considérant la fragilité et la
subtilité des actions éducatives, les décideurs
devraient se mettre d'accord pour mijoter la cuisson pour penser un programme
d'éducation qui conduirait immanquablement à des résultats
satisfaisants.
Nous sommes convaincus que si l'on s'attacherait à
appliquer systématiquement les différentes propositions que nous
venons de faire, l'on finirait par changer graduellement la situation, et au
cours du premier quinquennat, le problème serait résolu
définitivement.
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