2.3.2. La formation des maîtres dans le secteur
privé haïtien
Traditionnellement, en Haïti, les vocables :
enseignants, instituteurs, maîtres désignent en quelque sorte le
même personnage. Il en est de même pour Macaire (1979) qui les
définit tous comme « celui qui a la responsabilité de
former d'éduquer les enfants, de former leurs
caractères ». De son coté, Ronald Legendre, dans son
dictionnaire actuel de l'éducation, présente l'instituteur
à l'image de quelqu'un qui enseigne à l'école primaire. De
nos jours, le concept d'instituteur est remplacé par celui du professeur
d'école. Ce, pour désigner toujours celui qui enseigne à
l'école primaire. « Le maître, dit Legendre, c'est
l'enseignant qui se spécialise dans un domaine donné. Il est vu
comme une personne qui a pouvoir et autorité pour se faire obéir.
Donc c'est celui qui commande, qui dirige. Le maitre d'école vu sous cet
angle, est un véritable commandant inspirant à
l'élève les mêmes réactions qu'en présence
d'une autorité dont il a peur. C'est le type du
« magister dixit ». Celui dont on
ne contredit ni discute les idées ou les opinions émises. Le
concept « éducateur » a un sens plus prégnant
que celui de l'enseignant et de maître. Il est celui qui éduque,
c'est-à-dire qui forme par l'éducation. Le vocable enseignant
prête parfois à équivoque puisque parfois on l'utilise pour
faire allusion à tous ceux qui militent tant au niveau primaire,
fondamental que du secondaire ».
Outre un nombre réduit d'écoles normales du
secteur public et privé répandues à travers tout le pays,
la formation des maîtres en Haïti consiste en un ensemble de
séminaires de mise à niveau académique et
pédagogique communément appelés
« séminaire de recyclage »31 Ils
étaient souvent organisés par le MENJS et de nos jours par le
MENFP ou par des institutions privées. Ces séminaires de
recyclage conduisent soit à une attestation de participation, soit
à un certificat d'aptitude pédagogique (CAP), soit à un
diplôme de fin d'études normales. Près de 80% des
maîtres sont recrutés sans formation pédagogique
préalablement. Par rapport à cette situation de fait, le corps
enseignant haïtien se divise en trois groupes : les normaliens, les
capistes (CAP) et les recrutés (le plus grand nombre).
Dans un document d'analyse du MENJS en référence
au problème de la compétence et de la qualification des maitres,
nous retenons les informations suivantes que nous jugeons très
alarmantes. Il a attiré notre attention sur le fait qu'en 1991, sur un
échantillon de 2000 maîtres d'écoles du secteur
privé auxquels a été administré un test diagnostic
comprenant les objectifs de l'enseignement fondamental, plus de 2/3 de ces
maîtres (68.1%) ont obtenu une moyenne générale
inférieure à 50 sur 100. En d'autres termes, la grande
majorité de ces maîtres n'atteint pas le niveau de performance
correspond au deuxième cycle de l'école fondamentale (CM1 -CM2).
Et cette tendance se vérifie pour la plupart chez des maîtres
responsables des matières de base, sauf en créole ou 39%
dépassent la moyenne de 50 sur 10032.
Durant l'année scolaire 1993/94, le MENJS a
indiqué qu'il existe 43.6% de normaliens et 22.8% de maîtres
possèdent un certificat d'aptitude pédagogique (CAP) (24). Tandis
que pour cette même année, la FONEP a constaté, pour le
secteur privé, un taux de normaliens de 0.42% or la grande
majorité des maîtres de ce secteur n'offrent pas un enseignement
de qualité. Toutefois, on est unanime à reconnaitre que le
secteur privé a fait un effort considérable ces dernières
années, mais à regarder de près, cet effort a
été fait de manière anarchique et inadéquate.
L'enseignement est un métier qui s'apprend. Aussi, pour
certains, celui qui désire faire carrière dans la profession
d'enseignant doit-il chercher à meubler son esprit afin de pouvoir
répondre aux exigeantes du monde éducatif. Et, pour d'autres,
une bonne formation habilite l'enseignant à accompagner les apprenants
dans leurs parcours scolaires. Pour Neville, la qualification ne se confond
pas avec des seules habilités et compétences
professionnelles : « qualification ne veut pas toujours dire
spécialisation, et surtout de spécialisations très
poussées » (N). Car la spécialisation dans une
tâche peut être réalisée assez rapidement grâce
aux formations sur « le tas » ou
accélérés. Selon le rapport de la Commission
Société-Enseignant à la Fondation Roi Baudouin, la
professionnalisation du métier d'enseignant nécessite un
élargissement de la formation de ces derniers pour qu'ils puissent
s'acquitter de leurs multiples tâches.
En conséquence, une qualification solide liée
à une formation continue peut permettre à l'enseignant
d'acquérir les habilités nécessaires conduisant à
la compétence souhaitée pour éviter aux apprenants une
formation au rabais. C'est dans cette optique que Barlow et all. (1987)
entendent par la formation une action humaine posée en rapport
avec des finalités et des objectifs, explicite ou non ; elle est
orientée par le désir d'obtenir un certain type de
résultats.
Nous venons de franchir la première tape, plutôt
théorique de notre travail. Elle consistait à démontrer
l'impact de l'implication des parents dans la formation scolaire de leurs
enfants et à faire ressortir l'importance de la formation et de la
qualification dans le métier. Le temps est venu maintenant de passer
à une autre étape, plus pratique, celle de vérifier
l'application des théories pédagogiques nouvelles à une
réalité plus concrète : le fonctionnement
pédagogique des écoles fondamentales de Torbeck.
PRESENTATION
DE L'ETUDE DU DE TERRAIN
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