2.2. Relation entre la formation et la qualité
de l'enseignement
Dès qu'on parle de qualification, on fait toujours
référence aux diplômes. Dans toute recherche d'emploi, le
postulant doit tout d'abord déposer ses diplômes. Ici, le
problème de la qualité de l'enseignement se réfère
de préférence de la qualification des maîtres,
c'est-à-dire leur formation. Toutefois, le concept de qualification
varie d'une culture à l'autre. Par exemple, les Nations-Unies, dans ses
offres d'emplois à l'échelle mondiale exigent des diplômes
comme critères de recrutement. Cependant, un niveau de formation
intellectuelle avancé, lié à des expériences
professionnelles peut permettre à un postulant de briguer une fonction
sans avoir décroché le diplôme exigé.
Une étude de l'UNESCO sur l'avenir de l'enseignement
primaire paru en 1986 montre qu'en cas de carences de certaines
catégories d'enseignants, tous les pays prennent des mesures qui
dérogent à la regèle des diplômes et autorisent le
recrutement de personnes ne possédant pas les diplômes requis. Que
l'on veuille ou non, la formation reste et demeure la voie idéale
conduisant à la qualification de l'enseignant garantissant le
succès dans son travail.
Le dictionnaire encyclopédique de l'éducation et
de formation définit le concept « formation » comme
une démarche amenant vers la qualité de l'enseignement qui
s'appuie sur trois composantes indissociables : la maîtrise des
techniques impliquant un apprentissage préalable, l'aspect
organisationnel pour assurer la constance dans la performance et la conduite
(pilotage) des acteurs associés aux différentes actions.
Barlow et all. (1987) entend par
formation « une action humaine posée en rapport avec des
finalités et des objectifs, explicites ou non ; elle est
orientée par le désir d'obtenir un certain type de
résultats. Il existe une complémentarité entre les
différents aspects de la fonction enseignante et des concepts
généraux de la pédagogie. En analysant les objectifs et
les méthodes employées, on découvre les fondements
réels de l'action et qu'en confrontant les affirmations de principe et
les données de l'expérience, on fait apparaitre les valeurs qui
structurent ce qu'on a réalisé. Ils adaptent en outre des
principes et des méthodes qui leur permettent d'appréhender la
formation comme action organisée.
Ainsi, Barlow définitif à cet effet la
similitude des objectifs de la formation et de ses méthodes, comme
« la nécessité de mettre en cohérence le
but et les voies d'approche de formation
visées ».16
Bernard, F (1994), dans son ouvrage, le manuel de
qualité a défini la qualité comme l'ensemble des
caractéristiques d'une entité qui lui confèrent l'aptitude
à satisfaire des besoins exprimés et implicites. Par
conséquent, il explique que le terme entité englobe non seulement
un produit ou un service, mais aussi une activité, un processus ou un
organisme. Dans ce contexte, un enseignement qui cherche la satisfaction des
apprenants doit partir à la recherche de la qualité tout au long
du processus de formation.
La formation est toujours considérée comme
étant un facteur de qualification. C'est ainsi qu'on peut définir
la qualification en rapport avec la formation. Larousse, de son coté,
la définit comme la valeur d'un travailleur suivant sa formation et son
expérience. Elle se rapproche d'une compétence spécifique,
acquise grâce à la formation dont la reconnaissance est
essentielle.
Pour Fournier (1977), cité par Simon, la qualification
sert de principe fondamental au modèle technocratique de
l'éducation. Ce modèle se distingue des modèles
traditionnels, caractérisés par la sélection, par la
recherche du développement de la productivité du système
éducatif. « L'enseignant est considéré comme
l'agent technique d'une éducation industrialisée dont les
produits les plus courants s'appellent chercheurs, cadres, techniciens,
travailleurs qualifiés ». Plus loin, l'auteur précise
que dans ce modèle la finalité de l'éducation
réside dans la satisfaction des besoins de l'économie en
main-d'oeuvre. La politique de l'éducation revient dans ce cas à
définir les produits à fournir (tels travailleurs
qualifiés, de tels niveaux, de telle spécialité, avec tel
contenu de formation) et la meilleure manière de les produire (structure
et méthodes de formation) 17
Selon Neville, la qualification ne se confond pas avec des
seules habilités et compétences professionnelles :
« qualification ne veut pas toujours dire spécialisation, et
surtout spécialisation très
poussée »18. Car la spécialisation dans une
tâche peut être réalisée assez rapidement grâce
aux formations sur « le tas » ou
accélérées. Par qualification l'auteur entend l'ensemble
des séquences de formation réalisées à l'intention
des professionnels sur certains aspects pédagogiques de la
qualification. Car il estime que celle-ci doit faire de l'ouvrier ou de
l'employé un homme capable d'affronter des situations techniques
complexes variables. Il s'agit pour le système éducatif de
veiller à établir un lien explicite entre la formation
professionnelle et la culture générale de telle sorte que la
compétence des éléments techniques et des
ingrédients culturels permettent aux maîtres d'acquérir
dans les meilleures conditions une qualification véritable pour le
métier19.
Du point de vue de Postic, « les études
portant sur la qualification des enseignants étaient de nature
prédictive. Au moyen de tests, entre autres de personnalité,
elles établissaient les traits de la personnalité des
enseignants. Par comparaison des résultats obtenus, les
élèves qu'ils avaient en charge ont associé les bons
résultats avec les traits de personnalité qu'on
rééditait d'une valence positive20. Mais la valeur
réelle de telles études est limitée, car on se borne
souvent à étudier l'action du professeur pour un objectif
à court terme, celui d'un aspect de programme à connaître.
Afin de se rapprocher d'avantage de la réalité,
des observations objectives menées dans la classe ont voulu combler
cette lacune. Il s'agit de cerner la dynamique de la situation éducative
et son évolution sous l'influence de l'enseignant. Des interactions
explorant de fait les dimensions du comportement observé sont
analysées et ramenés à quelques fonctions de l'acte de
l'enseignement. Diverses associations de fonctions sont corrélées
avec les divers résultats obtenus par les élèves ;
les bonnes fonctions sont celles auxquelles correspondent les résultats
de réussite.
Beillerot (1982) fournit une autre
explication de cet état de fait. Il dégage deux idéologies
de la formation d'enseignant qui polarisent les recherches en éducation
et leur servent de postulat. « Pour certains, l'enseignement est un
don et révèle de l'art pédagogique. On naît
enseignant, on ne le devient pas ».21 L'efficacité
de l'enseignant tient de l'art et non d'une technique apprise. On entre
d'ailleurs dans la profession enseignante par vocation et non par une
motivation personnelle basée sur un intérêt et un
goût dont on prend conscience et qu'on peut développer
grâce à la formation. « Pour d'autres, l'enseignement
est un métier. Il comprend des gestes, des comportements, des normes
analysables, repérables, acquérables et
transformables »22. Parmi eux, certains développent
des méthodes et des techniques de l'éducation qui s'inscrivent
dans la technologie moderne. « D'autres mettent l'accent sur le
développement d'une réflexion individuelle et collective apte
à guider l'enseignant dans l'exercice de son
métier »23.
Beillerot montre que le deuxième courant domine le
paysage de l'éducation. « L'enseignement présent des
caractéristiques d'un travail qualifié. En effet, l'enfant,
l'enseignant et le savoir, en devenant de plus en plus des objets de savoir,
attirent la création pédagogique et les
spécialistes : enseigner devient une technique plus ou moins
complexe et l'enseignant est un technicien »24
D'autres raisons autorisent à penser que l'enseignement
est un travail qualifié et que les enseignants qui l'exécutent
doivent être également qualifiés. L'enseignement est un
travail complexe, c'est ce que les tenants de l'art d'enseigner laissent
entendre. Pour exécuter ce travail complexe, il faut une formation d'une
durée suffisante. L'enseignement est aussi un travail formalisé,
de ce fait il recourt à des procédures formelles de nature
sociale, juridico-administrative et pédagogique. L'institution scolaire
correspond à une organisation collective réglée par des
statuts des lois. Elle se matérialise sous la forme de
ministère, de corps d'inspection, d'établissements scolaires. Sur
le plan pédagogique des lieux, des temps et des activités
clairement différencies et exclusivement réservés au
processus d'apprentissage ont été mise en place depuis la
première moitié du 19eme siècle en France, un peu plus
tard ailleurs25. Maintenant que nous avons établit la
relation entre la formation et la qualité de l'enseignement, en quoi
consiste alors la profession d'enseigner.
2.2.1. La profession d'enseigner
D'après les recommandations de la Commission
Société-Enseignement à la Fondation Roi Baudouin sous la
direction de Jean Marie Deketele, c'est l'enseignant qui est responsable de la
formation des apprenants. « C'est lui qui se trouve face à la
salle de classe, non l'expert en pédagogie, le planificateur, le parent
attentif ni le ministre responsable. L'enseignant est à la fois en
première ligne, dans certains cas sur la ligne de front, et au point
d'aboutissement de tous les projets et bonnes intentions. Il est clair que
l'expérience apprend qu'il ne suffit pas de prescrire soigneusement ce
que les enseignants doivent faire pour atteindre un projet, aussi bon soit-il.
Les objectifs que l'on cherche à atteindre par le biais de
l'enseignement ne peuvent être atteints simplement par une
énumération des tâches des enseignants ni par une
spécification de la manière dont ces tâches doivent
être accomplies. Bref, l'enseignant n'est pas un pouvoir exécutif
mais un créateur ».
Il faut, au demeurant, se départir de l'idée
selon laquelle tout ce qui se fait en classe peut être planifié.
« La probabilité d'un enseignement d'excellente qualité
n'est pas liée à la précision des plans déterminant
ce qui doit se faire en classe mais à la capacité qu'a
l'enseignant de s'adapter à une situation et d'oeuvrer activement, avec
des hauts et des bas, à une amélioration ». D'où
la nécessité de la professionnalisation du métier
d'enseignement.
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