2.2. Des circuits
informels très ambigus
Après les émeutes de février, il est
apparu une sorte d'impunité dans les rangs des contrebandiers qui
opèrent au vu et au su de tout le monde, la préservation de la
paix sociale étant la raison évoquée pour empêcher
toute action vigoureuse sur le terrain (Kuate, 2008). Les contrebandiers
(cascadeurs) qui, autre fois, passaient beaucoup plus par des pistes de brousse
et par hordes entières, opèrent de plus en plus sur les axes
connus sans être inquiétés. La question de la
pauvreté est évoquée pour tenter de justifier le
phénomène qui est l'activité principale de certains jeunes
désoeuvrés qui se livrent à la vente des pièces
détachées dans tous les coins de rues de la ville de Maroua. De
ce point de vue, s'il est établi que ces jeunes qui parcourent
près de 90km avec chacun, des kilogrammes de pièces de rechange
sur des motos ne sont pas inquiétés aux différents points
de contrôles sur les routes, on pourrait s'interroger sur l'origine des
camions d'origine étrangère au niveau de la route LIMANI
BANKI-MAROUA (voir photo 11)
Cliché. Danzabé Ngaba.
12-06-2011
Photo 11. Chargement des marchandises en vrac
après la traversée de la frontière avec le Nigéria,
à Banki
Sur cette photo 11, nous remarquons un chargement de
marchandises de toutes sortes. A l'extrémité de ce camion nous
pouvons voir des pneus neufs à destination de Maroua pour la
commercialisation. Dans ces conditions, le contrôle de douane ne peut pas
faire correctement son travail. En cas de contrôle, ces derniers sont
obligés de donner une note aléatoire en ce qui concerne le
dédouanement d' où le non respect des normes des règles de
dédouanement en vigueur.
La longue frontière avec le Nigéria (figure 10)
est aussi considérée comme un facteur aggravant le
phénomène de fraude. Car en saison sèche, les pistes se
multiplient à travers la savane et les marchandises entrent au Cameroun
sur des vélos, des motos et même à dos d'âne. Ces
marchandises qui traversent la frontière du Nigéria, par pirogue,
par camions et par porteurs, empruntent les pistes de nuit comme de jour. Une
infime partie étant contrôlée par les douaniers. En plus
d'une carence en infrastructures routières, le relief est
particulièrement favorable à la multiplicité des pistes.
Source. DJANABOU (2008)
Figure 10. Frontière entre le Cameroun -
Nigeria
La figure 10, nous montre par ses traits interrompus rouges
qui matérialisent la longue frontière entre les deux pays que
sont le Cameroun et son voisin le Nigéria. Cette longue frontière
est en effet une grande porte que les fraudeurs peuvent emprunter à leur
guise et selon les saisons de pluies ou les saisons sèches.
Il n'existe aucun suivi des magasins de vente car toute
tentative de contrôle dans les marchés suscite une levée de
bouclier des commerçants et une menace à la paix sociale, notion
très chère aux autorités. Cette situation ne permet par
à l'administration douanière de maitriser les
procédés de dédouanement, encore moins au MINCOM
d'entretenir un fichier de commerçants.
Du coté de l'administration des douanes, on
dénonce le non respect des textes régissant le processus de
dédouanement. L'inexistence des procédures de
dédouanement, de suivi des magasins de vente, du transit, des
importations et des exportations, de la mise en consommation et l'absence de
statistiques fiables se fait ressentir et se manifeste à plusieurs
niveaux : Non respect des corridors de transit, non maîtrise des textes
par les commerçants, réticence de ceux-ci quant à
l'acquittement des droits de douane. Certains commerçants
préfèrent passer par plusieurs intermédiaires. La
conséquence étant que les caisses de l'Etat sont spoliées
au profit de ces intermédiaires.
Malgré la volonté affichée par la douane,
on assiste à une complicité active des populations du fait de
leurs conditions de vie précaire et parfois de certains chefs
traditionnels qui sont à l'origine de certaines opérations
illicites telles l'importation frauduleuse des motos et des pièces de
rechange. Ce qui cause un préjudice aux recettes douanières.
Le phénomène de contrebande va avec celui des
coupeurs de route et demeure une préoccupation majeure des
autorités locales. Toutefois, il n'y a pas eu d'opérations
spécifiques de descente sur le terrain pour des actions contre la
contrebande car, les forces de l'ordre agissent sur réquisition quand il
s'agit des délits relevant de la compétence d'une autre
administration.
En plus des rencontres avec les différentes
autorités, nous avons effectué des descentes sur le terrain.
Nous avons ainsi visité certains marchés à l'instar de
Pitoa, Garoua, Kousseri, Guider et Mora afin de faire une comparaison avec
notre zone d'étude qui est Maroua.
Outre ces différents marchés, nous nous sommes
également intéressés à certains points frontaliers,
Banki (frontière avec le Nigéria) Gashiga, Kousséri,
Fotokol, Demsa. A ces différents endroits considérés comme
les principaux points contrôlables des flux de marchandises, les flux
s'effectuent dans les deux sens. Des produits non déclarés sont
souvent dissimulés et ne sont pas contrôlés par la douane.
La plus grande partie de la contrebande transite par les nombreuses pistes, une
fois la frontière traversée. Pour les flux qui empruntent les
routes connues, le dédouanement est forfaitaire (en fonction du moyen de
transport) ; il existe par conséquent une forte probabilité de
dissimulation des marchandises non déclarées et parfois
prohibées, car la pratique veut que la fouille ne soit pas
envisageable.
Comparé aux pièces détachées, le
carburant se situe en bonne place des produits de contrebande car il traverse
la frontière dans des fûts qui sont immédiatement
déviés vers des zones de transvasement pour ensuite entrer dans
les villes dans des bidons, sur des vélos et des motos.
Il est à noter que ces trafiquants parcourent de
très longues distances pour alimenter les différentes villes en
pièces détachées du Nigéria. Limani-Banki
(frontière Nigéria) constitue donc le passage le plus important
pour la ville de Maroua.
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