Mémoire, identité et dynamique des générations au sein et autour de la communauté harkie. Une analyse des logiques sociales et politiques de la stigmatisation.( Télécharger le fichier original )par Emmanuel BRILLET Université Paris IX Dauphine - Doctorat de sciences politiques 2007 |
- 2. De la sériation à la sérialité, ou « la dispersion délibérée des groupes d'affinités » (M. Abi Samra, F.-J. Finas)A leur arrivée dans les camps de transit, les populations rapatriées sont l'objet d'opérations de "tri", de "classement" et de "dispersion". Marwan Abi Samra et François-Jérôme Finas évoquent ainsi les opérations de « dispersion des groupes d'affinité » et de « laminage des réseaux familiaux »857(*) auxquelles se livrent les autorités afin : (1) d' « éviter que ne se constituent [dans les camps] des îlots d'irrédentisme » ; et (2) de ne pas surcharger les hameaux forestiers et les cités périurbaines ou semi-rurales qui sont réservés aux ménages dits "productifs", à l'exclusion donc des inaptes au travail et autres « déchets et déshérités de la population musulmane rapatriée d'Algérie » - selon l' "élégante" formule du ministre de l'Intérieur de l'époque858(*) - qui tous sont internés dans le camp de Bias, spécifiquement dédié à leur "accueil".Le statut ou le grade des chefs de famille jouent aussi dans ces opérations de sélection. La mère de Dalila Kerchouche, mariée à un simple supplétif, est ainsi séparée de sa famille (promise, grâce au passé d'anciens militaires de son père et de ses oncles, à un camp « plus petit et plus humain » situé près de Poitiers) et dirigée vers les grandes concentrations du sud de la France859(*).* 857 Marwan Abi Samra et François-Jérôme Finas, op.cit., p.16 et p.48-49. * 858 Cité in Marwan Abi Samra et François-Jérôme Finas, Regroupement et dispersion. Relégation, réseaux et territoires des Français musulmans, rapport pour la Caisse Nationale d'Allocations Familiales, Université de Lyon 2, mars 1987, p.50-51. * 859 Dalila Kerchouche, Mon père, ce harki, Paris, Seuil, 2003, p.52. |
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