L'essor de la micro-assurance en Afrique : enjeux et perspectives.( Télécharger le fichier original )par Hubert DADEM GNIAMBE Institut international des assurances (IIA) de Yaoundé ( Cameroun) - Cycle III 2010 |
3. Le rôle des autorités publiques nationalesA la charge des autorités étatiques nous pouvons retenir, au-delà du simple discours politique, des actions concrètes parmi lesquelles : · l'introduction de la micro-assurance dans la politique globale de sécurité sociale des Etats ; · l'introduction d'un volet assurance dans tous les programmes d'appui aux populations des zones rurales ; · encourager les initiatives de micro-assurance au sein des mutuelles et autres associations existantes ; · permettre et encourager notamment par des subventions la création des sociétés de micro-assurance ; · accorder des exonérations fiscales totales ou partielles sur les activités de micro-assurance ; · instaurer une obligation légale d'assurances chaque fois que ce sera possible sans risquer de provoquer chez la population cible l'effet contraire au but recherché qui bien évidemment est de vulgariser davantage la micro-assurance ; · associer systématiquement le développement du secteur agricole au développement concomitant des programmes de micro-assurance adaptés. Les autorités sénégalaises semblent avoir pris la pleine mesure de cette responsabilité d'autant plus qu'elles viennent de mettre sur pied la toute première compagnie d'assurance agricole en Afrique noire francophone. La CNAA ( compagnie nationale d'assurance agricole) agréée par la CIMA le 16 décembre 2008 a effectivement émis ses premières polices en Mai 2010, une aubaine pour les agriculteurs paysans du Sénégal. En effet si les initiatives des pouvoirs publics pour lutter contre l'extrême pauvreté se sont souvent soldées par des échecs, c'est en partie parce que les projets financés ne sont pas accompagnés par un programme d'assurance adapté qui permettrait de pérenniser les investissements ainsi réalisés. Au Cameroun par exemple, il existe un projet d'appui aux agriculteurs dénommés Programme National de Vulgarisation et de Recherche Agricole (PNVRA). A travers ce programme, l'Etat encourage les exploitants agricoles à mettre ensemble leurs efforts en se regroupant au sein des GIC (groupes d'initiative commune) afin de mieux profiter des aides qu'ils reçoivent. A tout le moins des programmes semblables existent dans la plupart des pays africains. 4. Le rôle de la CIMALa communauté CIMA est une véritable chance pour l'Afrique en matière de développement du secteur des assurances, « un modèle d'intégration régionale »39(*)car elle permet actuellement à 14 pays (en attendant l'adhésion prochaine de la République Démocratique du Congo) de parler d'une seule voix et d'agir comme un seul homme40(*) ; et si la CIMA est une chance, il est grand temps pour les Etats membres de la saisir. Lors des états généraux de la micro-assurance organisés par la FANAF sus évoqués, M. Ouedraogo Adolphe représentant de la CIMA a fait une intervention remarquable sur « les aménagements réglementaires à apporter au code CIMA pour tenir compte du développement de la micro assurance ». A cette occasion, il a relevé un certain nombre de points que la CIMA reste disponible à discuter avec la FANAF afin qu'une modification du code soit la plus efficace possible. Ces points sont les suivants : 1- une définition claire et précise de ce que c'est que la micro-assurance ; 2- les critères d'agrément et de prudence à savoir la forme juridique des sociétés, les règles prudentielles de gestion exigibles etc. ; 3- la bonne gouvernance d'entreprise qui oblige les entreprises de micro-assurance à des normes de gouvernance, de comptabilité et de transparence ; 4- la réglementation des pratiques commerciales en matière de produits, de conditions contractuelles, de souscription et de distribution ; 5- la réglementation des intermédiaires ; 6- la protection des consommateurs (souscripteurs, assurés et bénéficiaires des contrats) ; 7- et enfin les conditions de contrôle des opérations de micro-assurance notamment l'organisme de contrôle habilité, la souplesse dans le contrôle etc. En tout état de cause, la concertation est ouverte et le souhait que l'on peut formuler c'est qu'elle aboutisse rapidement à une réglementation souple qui aura le mérite de booster le secteur, quitte au législateur CIMA à se réserver la possibilité de durcir progressivement le ton une fois que la machine sera lancée. Ainsi il est souhaitable : - que les compagnies d'assurances en place puissent se lancer plus aisément dans la commercialisation des produits de micro-assurance. En effet créer un code spécifique exigeant un agrément particulier pour les activités de micro-assurance aboutirait sinon à les exclure simplement de 90% du marché africain de l'assurance du moins à leur en rendre l'accès particulièrement difficile. De plus un code séparé aurait pu être le bienvenu si les compagnies existantes étaient viables dans un marché dynamique où la masse de primes collectées permet à chacune d'elles (ou tout au moins à la plupart) de faire une mutualisation suffisante pour régler les sinistres sans ``tirer le diable par la queue'', couvrir les frais généraux et dégager une marge bénéficiaire conséquente. Ce qui visiblement n'est pas encore le cas. D'ailleurs avec le capital social minimum qui passe désormais à 1 milliard pour les sociétés anonymes et 800 millions pour les mutuelles, certaines compagnies vont se retrouver avec un chiffre d'affaires largement inférieur au capital social exigé ; et même si on s'attend logiquement à ce que ces petites compagnies fusionnent entre elles pour avoir une surface financière plus large, non seulement elles auront tendance à y résister, mais en plus la fusion ne serait qu'une fuite en avant car elle ne résoudra en rien le problème de l'inaccessibilité de la couverture assurantielle à la majeure partie de la population ; - que la création de sociétés spécialisées dans la commercialisation des produits de micro-assurance soit possible et même encouragée. Plusieurs hypothèses militent en faveur de cette solution. D'abord le souci de diversification des offres de couverture afin d'atteindre le plus grand nombre de personnes possible ; n'oublions pas en effet que le développement de la micro-assurance est aussi une mission sociale. Ensuite il est important de permettre aux mutuelles de santé existantes qui le souhaitent de se transformer en sociétés de micro-assurance afin d'être mieux encadrées par la réglementation à venir. Enfin les spécificités de la micro-assurance notamment en ce qui concerne la nature des garanties, les capitaux couverts, le mode de règlement des sinistres, le mode de distribution etc. amènent à penser que la création des sociétés spécialisées dans la micro-assurance pourrait à terme produire de meilleurs résultats que si la mission avait été confiée aux seuls assureurs classiques. * 39 M. Demba Diallo, actuel président de la CRCA (commission régionale de contrôle des assurances) de la CIMA * 40 Les quatorze Etats membres de la CIMA sont : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée équatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad et Togo. |
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