2.2.2. Rôle des Organisations Communautaires de
Base
Le dynamisme des organisations communautaires de bases ou
acteurs locaux est un signe de la vitalité de la population et de sa
créativité. Ce sont en général des groupes qui ont
un champ d'activités bien délimité. Ils permettent
à une fraction de la population de se rassembler et d'agir ensemble. Ces
organisations témoignent du dynamisme d'une population susceptible de se
mobiliser dans une perspective de développement
socio-économique.
« Les O.P, à travers des pratiques
"stéréotypées", contribuent à accroître le
potentiel de la société rurale, à développer sa
capacité à se fixer des objectifs propres et certains des
instruments dont elles ont besoin pour les atteindre » (Mercoiret M. R.,
Bosc P. M., 1994 : 10)
En effet, ces organisations sont porteuses d'objectifs ou d'un
projet implicite sur le milieu social qu'elles contribuent à animer.
C'est pourquoi, après les avoir identifiées à partir de
leur dynamique organisationnelle, il convient de s'interroger sur leur
rôle dans le secteur agricole en particulier et dans la gestion et
l'impulsion du développement local en général.
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2.2.3. Aperçu sur les actions des organisations
de producteurs
Au niveau de la communauté rurale, on peut
individualiser les G.P.F. et les associations des jeunes (O.J.F.- F.J.),
suivant leur dynamique opérationnelle.
2.2.3.1. Les Groupement de Producteurs
Féminins
De simples organisations culturelles, dont les
activités se limitaient à des rencontres familiales ou amicales
(tours de thé, festivités), les structures féminines sont
devenues des groupements socio-économiques. Depuis l'année 2004,
ces groupements se montrent actifs et sont présents dans toutes les
activités de développement en milieu rural. Dans la zone du
Gandiolais et de Toubé, on note un réel dynamisme des G.P.F.
notamment dans des activités entièrement agricoles. Ils
s'engagent à promouvoir le développement du maraîchage par
la transformation des produits agricoles locaux. Malheureusement, ils n'ont pas
les moyens de leurs ambitions, même s'ils bénéficient
souvent de l'aide de l'ANCAR et du PLAN Sénégal. Le premier
assure la formation et l'encadrement des O.C.B. dans le domaine agricole tandis
que le second les initie dans l'alphabétisation et la création de
boutiques communautaires et de G.I.E. L'exemple du G.I.E. Taty Mbaye de
Békhar mérite d'être rapporté.
? Le G.I.E. Taty Mbaye de
Békhar
Békhar est un petit village qui se trouve à
côté du village de Ngaye Ngaye. Il est situé à une
dizaine de km au Sud-est de la ville de Saint Louis sur la route nationale
numéro 2 et à moins d'un km à l'ouest du village de
Gandon. Il est composé de trois quartiers. Il y a Kilimane, où
vivent les familles Diop ; les familles Ngâne vivent à
Nganène et ceux qui portent le nom Mbaye se trouvent à Bayakhe.
Le chef du village est choisi dans la famille Mbaye, l'Imam porte le nom Diop.
Le village compte actuellement plus de 1.000 habitants. Il ressort des
discutions avec les sages de ce village qu'il est, après Leybar, le
village le plus ancien de Toubé31. Certains disent même
qu'il a été créé bien avant la ville de Saint
Louis.
Créé en 1987 par les femmes elles-mêmes
sous la forme d'un G.P.F., le groupement obtient en 1990 sa reconnaissance
juridique et crée en son sein un G.I.E. dénommé Taty
Mbaye.32 A l'origine, le G.I.E. se voulait une
fédération différente des O.P. de la communauté
rurale de Gandon. Mais avec le temps, il s'est finalement ouvert à toute
activité génératrice de revenus qui contribuerait à
promouvoir le développement de leur localité (cf. planche 5).
31 Entretien du 27 septembre 2004 avec le chef du
village, l'imam et quelques sages du village de Békhar.
32 Taty Mbaye est le nom du premier habitant du
village de Békhar. Elle est l'ancêtre de la famille Mbaye
69
Planche 5 : Quelques produits du
G.I.E. Taty Mbaye exposés lors du forum sur l'agriculture
organisé par l'ANCAR, la communauté rurale de Gandon et les O.P.
(mars 2005) à l'U.G.B.
Photo 20 : De la transformation des
produits agricoles à l'embouche bovine en passant par la teinture, le
G.I.E de Békhar a largement oeuvré pour la diversification.
Photo 21: Quelques flacons pour
la conservation des produits finis. Ils sont fabriqués par l'ANCAR pour
le G.I.E. de Taty Mbaye de Békhar
Photo 22 : Quelques produits
exposés dans les locaux du G.I.E. Taty Mbaye
Clichés : M. Sall, mars 2005
70
Taty Mbaye est né de la volonté des femmes du
village de Békhar de remédier au manque crucial de bien
d'équipements de la localité. Initialement, ces actions se
limitaient à des activités socioculturelles comme le « Set
setal »33. Aujourd'hui, ses actions deviennent de plus en plus
diversifiées (cf. photo 20).
Pour la réalisation de ses actions, le G.I.E. s'appuie
sur le soutien du conseil rural, qui joue le rôle de facilitateur entre
les partenaires au développement et les O.P. ; il a pu également
compter sur l'ANCAR, qui concourt financièrement à la
réalisation de certaines de ses actions et à la formation pour la
transformation des produits de légumes et fruits. L'ANCAR prend en
charge la fabrication des bouteilles qui servent à conserver et à
écouler les produits transformés comme le sirop de bissap, de
gingembre, la confiture de légumes, Diiwu Nior et la confection des
étiquettes apposées sur ces bouteilles (cf. photo 21).
Taty Mbaye regroupe l'ensemble des femmes du village de
Békhar (plus d'une soixantaine de membres). Pour bien mener leurs
travaux, les femmes se sont scindées en plusieurs groupes de dix
personnes34. Un groupe s'occupe de la culture sur table, un autre
est affecté à la teinture. La transformation de fruits et
légumes est également sous la charge d'un groupe de dix
personnes, de même que la couture. Deux autres groupes interviennent
respectivement dans la fabrication de savon et l'embouche bovine. Enfin, un
groupe s'occupe de l'aviculture. Aujourd'hui, le rêve de Taty Mbaye est
de bénéficier du soutien de tous les partenaires locaux
(agriculteurs, éleveurs, communauté rurale, etc.). La
diversité de leurs activités justifie l'intérêt que
tout le monde y porte maintenant, à la grande satisfaction des
populations membres du G.I.E. Au-delà de leur capacité à
s'organiser et à s'entendre sur un objectif commun, le G.I.E. Taty Mbaye
témoigne de l'aptitude des populations du Gandiolais et de Toubé
à traduire en actes concrets une bonne partie de leurs projets.
A ce titre, on constate que les O.C.B. constituent
d'importants collectifs pour la promotion du développement de leur
localité. Seulement, elles souffrent d'un manque crucial d'informations
et de formation par rapport à leurs activités, d'appui financier
pour la réalisation de leurs différents projets. De ce fait, la
communauté rurale de Gandon pourrait chercher à leur apporter une
plus grande assistance. Elle peut aussi être plus dynamique dans son
rôle de médiation entre les partenaires au développement et
les O.C.B.
Il ressort des résultats d'enquêtes obtenus
auprès des G.P.F. de Ngaye Ngaye qu'en dehors de leurs activités
à usage collectif (transformation de produits locaux, teinture, cultures
sur table, aviculture, couture), chaque femme s'engage dans le projet de
reboisement initié par
33 C'est le nettoiement d'un quartier, d'un village ou
d'une ville par un groupe de personnes issu de la localité.
34 Entretien du 24 mai 2005 avec Ndèye Mbaye,
responsable du G.I.E. Taty Mbaye
71
la réserve de Gueumbeul. Celle-ci, en collaboration avec
les femmes des villages environnants, développe depuis l'année
2004 une politique de reboisement (voir photo 23). Photo n° 23:
Projet de reboisement des femmes avec la réserve de Gueumbeul
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Filao
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Acajou
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Sachets en plastique
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Cliché : M. Sall, mars 2005
Le projet prend en compte l'ensemble des femmes des villages
de Ndiakhère, Gueumbeul, Ngayna, Diama, Békhar, Ngaye Ngaye. La
technique de plantation des pépinières consiste à
mélanger 2 brouettes de terreaux pour une brouette de sable. Le
mélange, mis dans des sachets en plastique doit être arrosé
3 à 4 jours avant le semis des graines. La réserve fournit aux
femmes les graines, et les sachets en plastique qui servent au repiquage. C'est
elle également qui viendra acheter une partie des
pépinières. L'autre partie devra être plantée par
les femmes au niveau de leurs villages respectifs. L'objectif de la
réserve est de faire régénérer la mangrove qui,
avec un fort taux de prélèvement, devient de plus en plus rare
dans la zone. Dans sa politique de reboisement la réserve essaie de
fournir du bois de chauffe, des fruits et de créer des brises vent pour
stabiliser le sable. Le manguier, le filao, l'acacia (Seng), l'acajou, le
citronnier constituent les espèces les plus sollicitées par
l'entreprise d'agroforesterie des femmes. Ces femmes s'emploient aussi dans
l'embouche bovine, l'artisanat et le petit commerce, la fabrication de savon.
Ils sont aidés en cela par l'ANCAR et PLAN Sénégal.
Les femmes du Gandiolais et de Toubé, à
l'exemple de celles de Békhar, gagneraient à dynamiser leur
groupement en élargissant leur marché de consommation à
l'échelle des communautés rurales de Gandon et de Mpal et de la
ville de Saint Louis.
72
2.2.3.2. Les associations de
jeunes
Tout comme les G.P.F., les associations de jeunes (O.J.F.-
A.S.C.- F.J.) s'illustraient pendant longtemps dans des activités
socioculturels. Jusqu'au début des années 2000, elles ne
présentaient aucun projet de développement
socio-économique. Leurs principales sources de motivation étaient
uniquement les activités de vacances. Il s'agit des «
navétanes »35 pour les A.S.C., des manifestations
théâtrales pour les O.J.F. et des rencontres intellectuelles
(thé-débat, cours de vacances) organisées par les foyers
des jeunes des différents villages. Depuis, l'année
dernière, les associations de jeunes prétendent devenir des
acteurs dynamiques présents dans toute action visant à promouvoir
le développement socio-économique de leur localité. Les
jeunes cherchent à impulser une nouvelle dynamique de
développement à la base. Parmi les projets mis en perspectif, il
y a l'aviculture et la création de boutiques communautaires. Mais
contrairement aux G.P.F., ces mouvements souffrent d'un manque réel
d'encadrement et de financement. Or, leur capacité de mobilisation
(plusieurs centaines de personnes) devrait être un atout dans
l'exécution des programmes de développement de la
localité.
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