La population du Gandiolais a une longue tradition
maraîchère. Durant la période de la colonisation, le
Gandiolais produisait toutes sortes de productions destinées à la
population européenne qui vivait à l'époque à Saint
Louis : la patate douce, le manioc, le haricot, le niébé, le
béréf, la pomme de terre, le piment, la tomate (Bonnardel R.,
1992 : 200). Les produits étaient aisément écoulés
sur les marchés de la capitale coloniale (Saint Louis). A
côté de l'activité agricole se développait la
pêche maritime et continentale, l'extraction du sel et l'activité
pastorale.
A partir des années 1970, en raison d'un cycle de
sécheresse qui persiste et de multiples contraintes
socio-économiques, la population du Gandiolais se spécialise aux
cultures maraîchères, particulièrement dans la production
d'oignons. Une spécialisation imputable à la dégradation
des eaux et des terres par la remontée saline, à l'abondance des
produits maraîchers venus d'autres localités, à
l'émergence du marché national au déclin du marché
local. A ceux-là, s'ajoutent l'ouverture du barrage de Diama en 1986 et
de la nouvelle embouchure en 2003 qui, tout rendant les terres du Gandiolais et
de Toubé impropres à l'exploitation agricole, accroissent la
concentration de la salure dans les sols et les nappes du sous-sol. Avant la
mise en place du barrage, les crues du fleuve Sénégal
enregistrées à Saint Louis, avec un régime tropical
caractérisé par une crue de juillet à octobre et un
étiage de novembre à juin, étaient liées aux pluies
enregistrées dans le haut bassin en amont de Bakel. La décrue
commençait dès que les pluies diminuaient et s'échelonnait
de novembre jusqu'en mai. C'est pendant cette période de décrue
que se produisait l'intrusion de l'eau de mer, la langue salée qui,
avant la mise en eau du barrage de Diama, pouvait remonter le fleuve sur
environ 200 km en amont de Saint Louis, rendant ainsi impropres les terres du
Delta et du Gandiolais. C'est dans ce contexte qu'a été
créé le barrage, situé à 27 km au nord de Saint
Louis. Il a pour rôle d'arrêter la remontée de la langue
salée dans sa partie amont et d'y créer un lac de retenu en eau
douce. En revanche, dans sa partie avale, où se situe la
communauté rurale de Gandon, le barrage de Diama accroît la
concentration de la salure dans les sols et les nappes du sous-sol.
La nouvelle embouchure, ouverte sur la langue de Barbarie,
durant la nuit du 3 au 4 octobre 2003, favorise une entrée brutale des
eaux salées après le retrait des eaux de crue. Elle a pour
objectif, d'après le service régional de l'Hydraulique, de
préserver la ville de Saint Louis
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des inondations (Diop I. : communication orale)2.
Cette brèche (ou canal de délestage) fait l'objet de plusieurs
interrogations sur l'avenir de la gestion de l'environnement local,
particulièrement sur les cultures littorales dans la langue de Barbarie
et sur le maraîchage dans le Gandiolais (Diatta I., 2004 : 63).
Dans le Gandiolais, la nappe phréatique
présente de l'eau douce dans la partie orientale, sur les dunes rouges.
En revanche, elle se dégrade dans la partie occidentale proche de la
côte avec une minéralisation allant jusqu'à 2,5 g/l.
Cependant, la réalisation du canal du Gandiolais (travaux en cours) pour
réalimenter le bassin de Rao Peul au Sud-Ouest et la vallée du
Gandiolais pourrait favoriser la désalinisation des terres du Gandiolais
(Bâ H., 2005 : 95).
Le maraîchage, qui est la principale activité
agricole de la zone, bénéficie d'un microclimat favorable
à la production agricole, d'une nappe phréatique peu profonde sur
le littoral (moins de 3m). Il mobilise une population active locale
composée essentiellement de personnes âgées, dont la
moyenne d'âges tourne autour de 50 ans. Celles-ci sont assistées
par des enfants de moins de 18 ans. A cause de la pénibilité des
travaux agricoles et des rendements de plus en plus faibles, de la
dégradation progressive des eaux et des sols, des difficultés
d'accès aux terres fertiles, les acteurs agricoles, notamment les
adultes, migrent vers les grandes villes (Richard Toll, Dakar).
En raison de la dégradation des conditions climatiques
du milieu et de la surexploitation3 des faibles réserves en
eau douce, l'offre agricole du Gandiolais est de moins en moins
compétitive et la vente locale de plus en plus difficile dans les
marchés locaux. Comme solution, on assiste depuis 2004, à
l'émergence d'un système de production agricole jamais connu dans
le Gandiolais et le Toubé, qui se développe dans de nombreux
villages à travers des G.I.E. (Groupement d'Intérêt
Economique) féminins. Il s'agit des micro-jardins « hors sol
».
L'élevage est le second secteur d'activité
socio-économique du Gandiolais et est étroitement lié
à l'agriculture par la fourniture de la fumure organique. Les principaux
acteurs sont des Peuls, avec quelques bergers Wolofs et Maures. Le
bétail est constitué pour l'essentiel de petits ruminants (ovins
et caprins).
2 Le 9 juin 2004 à
l'amphithéâtre Madické Diop (Amphi A) de l'U.G.B., s'est
tenue une conférence sur le thème : « La brèche
de Saint Louis, solution ou catastrophe ? ». Elle a vu la
participation de certains enseignants de la section de géographie et du
service de l'hydraulique.
3 La nappe du Gandiolais est constituée par
une faible couche d'eau douce sous jacente à la nappe salée. Ces
réserves, estimées à 10.000m3/ha, font l'objet d'un
pompage important par les maraîchers (10 mm/j/producteur). A long terme,
on assiste à l'épuisement de la nappe d'eau douce ou à sa
pollution par contamination. (Aw F.Z., 1999 : 34).
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En dehors des activités agro-pastorales, la population
du Gandiolais pratique également le commerce, la pêche et
l'exploitation du sel (voir El. M. Thioune,)4.
En raison de l'enclavement de certains villages, gros
producteurs de cultures maraîchères, les contraintes liées
à l'agriculture dans le Gandiolais ne se limitent pas aux facteurs
physiques et naturels du milieu. Les maraîchers du Gandiolais font aussi
face aux difficultés liées à l'écoulement des
produits agro-alimentaires (stockage, distribution, transport et
commercialisation). Le facteur de transport constitue un frein à
l'évacuation et à l'écoulement des produits agricoles du
Gandiolais. L'absence de marchés hebdomadaires (Louma) dans la zone est
un autre facteur limitant l'écoulement des produits agricoles locaux. La
communauté rurale de Gandon ne dispose que d'un marché
hebdomadaire (le marché de dimanche à Pelour) qui est d'envergure
limité à cause de sa position géographique5.
En plus de ces difficultés liées à la
production, au transport et à l'écoulement des produits
agricoles, la population du Gandiolais se heurte à d'autres
difficultés d'ordre économique et social. Malgré l'appui
de grands partenaires comme l'Institut Sénégalais de Recherches
Agricoles (ISRA), la CARITAS, le PLAN Sénégal, etc., les
producteurs continuent toujours d'endurer les coûts élevés
des intrants, l'enclavement des zones de production, la non maîtrise du
calendrier cultural. Les populations du Gandiolais et de la communauté
rurale en général, ont compris que pour qu'il y ait un
développement dans leur localité, il leurs faut élaborer
et mettre en oeuvre des stratégies concertées. Elles se lancent
ainsi dans des initiatives locales de développement. C'est dans ce sens
que des initiatives sont engagées par la population pour promouvoir le
développement de leur localité. Il y a parmi ces initiateurs,
l'Association pour le Développement du Gandiolais et de Toubé
(A.D.G.T), des associations des jeunes et de femmes qui existent dans tous les
villages.
Face à toutes les contraintes techniques et
socio-économiques étroitement liées aux impacts
climatiques, le Gandiolais reste toujours un pôle maraîcher. Une
meilleure maîtrise du milieu apparaît comme une
nécessité dans la perspective d'un développement
basé sur la productivité agricole et qui soit en
adéquation avec la nature et les attentes de la population riveraine.
C'est cette situation qui a conduit, d'une part, à des stratégies
paysannes de migration des espaces culturaux ou à l'exode rural, et
d'autre part à la réalisation du canal du Gandiolais.
L'édification du barrage de Diama, la surexploitation
de la nappe d'eau douce, le déficit pluviométrique depuis 1968,
garant d'une évaporation intense et récemment l'ouverture de
la
4 El Hadj Malick Thioune, mémoire de
maîtrise en cours de rédaction, L'exploitation des salines
littorales du Gandiolais (bas Delta du fleuve Sénégal : une
activité en sursis ?), université Gaston Berger de Saint
louis.
5 Pelour 1 (ou Mboltime) se situe à
l'extrême Sud de la communauté rurale de Gandon, dans le secteur
de Rao.
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nouvelle embouchure sur la langue de Barbarie, sont entre
autre, quelques uns des phénomènes qui expliquent l'origine de la
salinité des sols et des eaux souterraines dans le Gandiolais. Cette
situation contraint les producteurs agricoles à abandonner les terres de
cultures devenues salées à l'Ouest (sur le littoral), impropres
à toute exploitation agricole et à délaisser à
l'Est (sur les dunes et dans les dépressions inter dunaires) les
cultures vivrières au profit de l'activité
maraîchère, malgré toutes les contraintes
rencontrées.
Pour apporter des solutions à ces différentes
contraintes, cette étude s'est fixée comme objectif de trouver
des réponses à un certain nombre d'interrogations. Il s'agit de
voir si le Gandiolais fait face à une crise socio-économique et
écologique qui constitue une entrave à l'évolution de la
production agricole. Quels seraient les facteurs explicatifs de cette crise ?
Quelles stratégies adopter pour faire face à cette crise ? Y
a-t-il une différence entre l'évolution actuelle du Gandiolais et
celle du reste des Niayes ? Après avoir identifié les facteurs
responsables de cette crise, les résultats obtenus pourraient permettre
de proposer des orientations pour surmonter ces contraintes. Pour
répondre à ces interrogations, deux hypothèses sont ainsi
retenues :
- Une meilleure maîtrise du milieu et de ces
contraintes s'avère indispensable pour un développement agricole
durable dans le Gandiolais et le Toubé.
- Le rapprochement du secteur agricole des autres secteurs
d'activités socio-économiques au niveau de la C.R. de Gandon,
dans une dynamique de gestion intégrée, pourrait favoriser le
développement de la localité.