Approche comparative de la liberté de circulation au sein de la communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) et de l'union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)( Télécharger le fichier original )par Ferdin Isaac ZO'O Université de Douala - Cameroun - Diplôme d'études approfondies (DEA) 2006 |
Section 2 : La liberté de circulation des personnes : perspectives deredynamisation de la citoyenneté communautaireComme nous le soulignons déjà plus haut, la liberté de circulation des personnes est, de tous les droits et libertés fondamentaux, la plus difficile à mettre en oeuvre. Patrick Dollat pense qu'elle pourrait contribuer à rapprocher le statut du national et celui de l'étranger en prenant en considération le principe fondamental de l'égalité entre les hommes. Cette approche propose que soit renouvelée l'analyse de la souveraineté étatique pour qu'à terme soient conciliées sécurité intérieure étatique et libéralisation des mouvements migratoires. La recherche des cadres juridiques originaux (Paragraphe 1) s'impose, en vue d'encadrer et libéraliser les flux migratoires mais aussi de déterminer ou définir une nouvelle politique publique de l'immigré pour prétendre ou tendre vers une citoyenneté communautaire véritable (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : La nécessité d'une redynamisation juridique :élaboration d'un droit communautaire supranationalElle est envisageable dans le cadre de l'harmonisation des législations et des jurisprudences (A) d'une part, puis d'une redéfinition de la force juridique des actes communautaires autant que du rôle des cours de justice (B) CEMAC et UEMOA aux décisions dotées de l'autorité de la chose jugée d'autre part. A/- Perspective d'harmonisation des législations et des jurisprudencesL'un des principaux défis que devront relever la CEMAC et l'UEMOA consistera à trouver les moyens idoines pour bâtir un corpus juridique supranational. Jusqu'ici la régulation des entrées, séjours et sorties des étrangers à l'intérieur des espaces communautaires respectifs aura été du champ de compétences exclusives des Etats membres dont les autorités exécutives ont la propension à cloîtrer dans les nécessités du maintien de l'ordre public et de la préservation de la sécurité de l'Etat et de l'intégrité territoriale. 1 - Vers une harmonisation des législations L'immédiateté du droit dérivé devrait être effective pour favoriser l'harmonisation des conditions d'accès dans les Etats membres. Les conditions et les modalités d'octroi et de contrôle des certificats, passeports, laisser-passer et visas devraient être identiques dans chaque espace communautaire visé, supplantant les mesures préférentielles pratiquées par les Etats. Ensuite le système des frais de visas et de laisser-passer, de taxes d'entrée et même de sortie ne devrait plus être de nature à constituer une barrière à l'immigration parce que discriminatoire, mais relever d'une réglementation sinon unifiée, du moins d'application identique dans les Etats d'un espace communautaire donné ; enfin, le système de sélection ou d'exclusion des étrangers devrait relever d'une réglementation communautaire et applicable par tous les Etats membres. En somme, aux réglementations restrictives dues aux pratiques non codifiées des Etats devraient se suppléer les réglementations communautaires générales et impersonnelles. Ceci, à court terme, permettrait un contrôle effectif des mouvements migratoires quand on sait qu'en dépit de cette rigidité des mesures et modalités étatiques, des mouvements de populations existent au-delà des frontières, en vertu de ce que Professeur DONFACK SOKENG appelle les « conventions administratives110(*). 2 - Cours de justice à revisiter Un constat général se dégage : l'accès au prétoire est si réduit et médiocre que les activités juridictionnelles des cours de justice demeurent insignifiantes et résiduelles. Etant entendu que les cours ne s'autosaisissent pas mais agissent plutôt sur saisine, on dénombre les requêtes et recours contentieux examinés par elles. Par exemple en 2003, la cour de justice de l'UEMOA a reçu quatre requêtes contentieuses et trois demandes d'avis juridiques. Elle a rendu deux arrêts et trois avis93. Le moins qu'on puisse dire et comme on peut s'y attendre, aucune des requêtes ne portait sur la violation du droit fondamental de l'homme d'aller et de venir librement. Pourtant, les cours de justice appelées à contrôler et assurer le respect du droit relativement à l'interprétation et à l'application des traités constitutifs devraient garantir la sécurité juridique au sein de la CEMAC et de l'UEMOA. Les cours de justice devraient ouvrir la possibilité aux « citoyens » communautaires de se défendre en cas de violation des Traités et des Actes qui en dérivent, lorsque ceux-ci justifient d'un intérêt certain et légitime. Il est question de supprimer toute barrière contre les actes entachés de vice de forme, d'incompétences et de détournement de pouvoirs, des actes parallèles ou incompatibles aux Traités ou au droit dérivé des communautés visées. En définitive les cours devraient connaître de toutes les formes du contentieux : l'annulation, l'interprétation, la pleine juridiction, la répression. Le contentieux de l'annulation (ou contentieux de la légalité) est celui dans lequel les recours ne peuvent poursuivre que l'annulation d'une décision, à l'exclusion de sa réformation. Ce contentieux ne peut être fondé que sur l'illégalité des décisions attaquées, non sur leur opportunité. Le contentieux de l'annulation se divise en général en deux catégories : le recours en cassation dirigé contre les décisions juridictionnelles, le recours pour excès de pouvoir dirigé contre les actes administratifs. Le contentieux de l'interprétation est celui dans lequel le juge, sans trancher un litige déterminé, apprécie la légalité, détermine le sens d'un texte, à titre préjudiciel. Dans le contentieux de pleine juridiction les Cours devraient être compétentes pour connaître d'un ensemble de litiges variés. Ici le juge ne se borne pas à annuler, interpréter les textes et en examiner la légalité, mais il statue en fait et en droit, juge des personnes, inflige des peines, prononce des dommages intérêts, attribue des réparations,etc. Ce sont donc des litiges les plus variés qui composent ce plein contentieux ( les Cours jugent des manquements des Etats membres aux obligations imposées par les Traités ou encore sanctionnent ceux-ci pour inexécution des arrêts desdites Cours. L'adhésion formelle des Etats devrait conférer à ces juridictions, bien davantage à leurs décisions une force juridique contraignante. En d'autre terme, les communautés devraient jouir, dans chacun des Etats membres, de la capacité juridique qui, ajoutée à la personnalité juridique et la possession des compétences et des organes propres, conforte le principe de la primauté du droit communautaire sur le droit national. Cette perspective impose l'institution des cadres juridiques originaux.
* 110 - Il entend par conventions administratives des « pratiques qui naissent des arrangements entre agents des postes frontaliers de part et d'autre des frontières. Elles ont pour but soit de simplifier au mieux les procédures, soit de faciliter la circulation des personnes en y apportant des réponses pragmatiques à certains cas non prévus par les textes pertinents, à l'exemple des marchés frontaliers ou des mouvements de populations frontalières ». |
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