Approche comparative de la liberté de circulation au sein de la communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) et de l'union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)( Télécharger le fichier original )par Ferdin Isaac ZO'O Université de Douala - Cameroun - Diplôme d'études approfondies (DEA) 2006 |
B/- Autres contradictions sous-régionalesLe principe de libre circulation des personnes en zones CEMAC et UEMOA est mis à mal par des pesanteurs d'ordre juridiques et jurisprudentielles. 1 - Les pesanteurs d'ordre juridique Au-delà de la virtualité de l'immédiateté communautaire et de ses corollaires, il convient de noter que les Etats, jaloux de leur souveraineté, allouent difficilement leurs compétences aux communautés et récusent l'idée de supranationalité. Ainsi les logiques de coopération et de coordination sont préférées à celle d'une intégration qui suppose un système juridique subordinateur disposant des compétences super-étatiques (qui lient les Etats) et supranationales (d'application directe aux personnes privées, physiques ou morales à l'intérieur des ordres juridiques nationaux). La conséquence logique en est la très forte limitation de l'action communautaire, le caractère dérisoire du dispositif normatif réglementant la circulation des personnes, qui, en outre, souffre des pesanteurs jurisprudentielles. 2 - Les pesanteurs jurisprudentielles Le Professeur MOUELLE KOMBI entend par ordre juridique « un ensemble ordonné et coordonné de règles formulées et établies par des autorités compétentes, destinées à des sujets déterminés et dont la violation est sanctionnée, au besoin par la contrainte ». Cependant, la pratique communautaire est en marge de cette considération. En effet, des défaillances, des carences des Etats membres sont établies ; des incompatibilités entre les droits communautaires et les droits internes sont légion. Bien que prévus par les actes constitutifs CEMAC et UEMOA, les mécanismes de sanction de ces manquements sont difficilement actionnés. Les cours de justice des deux communautés visées ne sont pas investies d'une autorité contraignante au-dessus des Etats. Un ressortissant de telle ou telle communauté serait-il fondé à s'appuyer sur les dispositions de références communautaires pour revendiquer sa prérogative de circuler librement à l'intérieur d'un territoire communautaire donné ? Il serait difficile de répondre à l'affirmative à une telle question au regard du durcissement des législations nationales réglementant les conditions d'entrée et de séjour et même de sortie du territoire national. Une autre source d'appréhension est relative à la détermination du texte applicable alors même que plusieurs conventions sont en concurrence aussi bien au plan international que communautaire106(*). Ici plus qu'ailleurs, l'épineuse question de discrimination entre l'étranger et le national se pose. Le principe de non-discrimination et d'égalité est d'application mitigée. L'immigré ne dispose pas des mêmes droits fondamentaux que le national, qu'il soit en situation régulière ou non. Toutefois, le Pr. DONFACK SOKENG prône prudence pour amorcer cette question. Car, pense-t-il, « en droit comme dans les faits, il existe des Droits de l'Homme en général, c'est-à-dire rattachés à la nature humaine et par conséquent indépendants du critère de nationalité, tandis que d'autres seraient réservés aux seuls nationaux et, selon le cas, extensibles aux étrangers en situation régulière107(*) ». Cette approche se trouve confirmée par la jurisprudence française, notamment le Conseil Constitutionnel considère que : « Le législateur peut prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques à la condition de respecter [...] les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République108(*) ». Le paradoxe vient de ce que aussi bien les actes constitutifs des communautés visées que les lois fondamentales de leurs Etats membres respectifs clament leur adhésion à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des peuples et partant, le respect des principes de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. La position de celle-ci est sans équivoque sur le principe d'égalité et de non discrimination entre l'immigré et le national. En effet, le bénéfice des droits fondamentaux de l'homme proclamés par la Charte africaine de 1981 s'étend aux nationaux et aux étrangers109(*). La commission impose par ailleurs, à tous les Etats parties une obligation générale de garantir à tous l'ensemble de ces droits. La naissance en 1994 des deux cours de justices communautaires CEMAC et UEMOA n'a pas considérablement milité à la protection des droits de l'immigré dont la condition est loin d'être à l'image de la peinture faite par la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Ce qui inspire et impose la perspective d'un train de mesures. * 106 - Il existe, en effet, plusieurs conventions que nous avons évoquées plus haut. Ainsi la déclaration Universelle de 1948, le Pacte de 1966, la Charte africaine de 1981 et les textes communautaires relatifs à la libre circulation des personnes. Signalons qu'en droit européen, s'agissant de l'exercice d'une liberté fondamentale, la solution admise est que la convention la plus favorable à la personne l'emporte ; l'objectif recherché étant la garantie la plus e efficace des droits proclamés. * 107 - DONFACK SOKENG, op cit., p; 356. * 108 - Cf. Décision n° 89-269 DC du 22 janvier 1990, cité par DONFACK SOKENG, op cit., p. 357. Dans la décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, le Conseil Constitutionnel français, cité par le Pr. DONFACK SOKENG, a réaffirmé le même principe de l'« existence des libertés et des droits fondamentaux de valeur constitutionnelle qui sont reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République, ` indépendamment donc de leur situation juridique, régulière ou non ». Figurent parmi ces droits la liberté individuelle et la sûreté, la liberté d'aller et venir, la liberté de mariage et le droit de mener une vie familiale normale. Le droit au regroupement familial, l'existence des voies de recours, le droit de quitter le territoire, etc. * 109 - Cf. Affaire Rencontre Africaine pour la défense des Droits de l'Homme V. Zambia cité par DONFACK SOKENG. La Commission déclare : « Every individual shall be entitled to the enjoyment of the rights and freedoms recognized and guaranted in the present Charter without distinction of any kind such as race, ethnic group, colour, sex, language, religion, political or any other opinion, national and social origin fortune, birth or other status». |
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