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Approche comparative de la liberté de circulation au sein de la communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) et de l'union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)

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par Ferdin Isaac ZO'O
Université de Douala - Cameroun - Diplôme d'études approfondies (DEA) 2006
  

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CHAPITRE IV

DIVERGENCES DES REGIMES DE LA LIBERTE DE CIRCUALTION DES PERSONNES ENTRE LES DEUX ORGANISATIONS

DU PRINICPE VISE

DES PERSONNES

L'analyse institutionnelle de la CEMAC et de l'UEMOA permet en définitive de constater la rémanence d'un indice propre au régionalisme africain : l'absence d'un transfert significatif de compétences des Etats aux communautés, avec son corollaire de protectionnisme et de « repli identitaire ». Ce qui aboutit à l'adoption d'un train de mesures préventives.

Par ailleurs, contrairement à l'Afrique de l'Ouest où l'intégration régionale avance à grands pas, notamment sur les plans économique et de la libre circulation des personnes et des biens, l'Afrique Centrale a manqué le départ du « train de l'intégration96(*) ».

Apparaissent ici et là des limites, des contradictions, bref des restrictions conventionnelles qui marquent les entraves et exceptions à la mise en oeuvre du principe (section 1), lesquelles sont démonstratives d'un régime de libre circulation des personnes à double vitesse. Par voie de conséquence, il est plus que nécessaire que soient envisagées de nouvelles perspectives (section 2).

Section 1 : Exception et entraves à la mise en oeuvre du principe visé

L'UEMOA et la CEMAC constituent à ce jour des ensembles sous-régionaux considérablement intégrés dans le continent. Pour compléter leur union monétaire, instituée par un traité qui sert de base aux mécanismes de coopération de la zone franc, les pays de l'Afrique de l'Ouest de l'Afrique Centrale ont décidé de créer des unions économiques, destinées à instaurer de véritables marchés régionaux intégrés dont l'un des fondements est la mobilité des facteurs de production. Ces ambitions sont évanescentes, cependant, pour des raisons diverses qui se cristallisent autour de la prégnance de l'inter-étatisme.

Il faut ici distinguer les mesures conventionnelles d'autres mesures protectionnistes (paragraphe 1). Les actes conventionnels de ces sous-régions s'inspirant des instruments universels intègrent des mesures conservatoires de nature et de portée diverses (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Limites et contradictions du droit communautaire

Il faut remonter à l'article 12, alinéa 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques97(*) pour fonder l'origine de ces restrictions. Les dispositions de cet article seront fidèlement reprises par les actes constitutifs des communautés visées et sériées en deux volets : l'ordre public (A) et les mesures de sauvegarde sociale (B).

A/- Les nécessités de maintien de l'ordre et de la sécurité publiques

Le problème de fond que pose l'aménagement de la liberté de circulation intra-communautaire, est, dit le Pr. DONFACK SOKENG « celui de la conciliation de la liberté de mouvement et de circulation, droit fondamental « tangible », avec les exigences de souveraineté et de sécurité98(*) » des Etats. La liberté est confrontée à l'ordre. Les communautés ont la lourde responsabilité de concilier la liberté de circulation et le besoin régulier de sécurisation des frontières et de la citoyenneté ; concilier la logique d'intégration régionale en cours avec les velléités hégémoniques, sécuritaires, voire autarciques des « souverainetés orgueilleuses » dans la région. Il convient donc de voir brièvement les dispositions restrictives ayant précédé les organisations d'intégration visées (1) avant de nous appesantir sur ces dernières (2).

1 - Les actes juridiques antérieurs

La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples pose le principe de limitation légale de la liberté de circulation des personnes, du droit d'établissement et de résidence. Déjà, sur le plan universel, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ouvre la porte à des limitations importantes en admettant que ces droits peuvent faire l'objet de restrictions législatives si celles-ci sont

« nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques ».

Le moins qu'on puisse dire, c'est que la majorité des Etats ont une conception singulièrement large de ces motifs au point qu'ils inversent le principe - qui devrait être la liberté de circuler - et les exceptions et soumettent l'accès des étrangers à leur territoire et leur circulation à l'intérieur de leurs frontières à des limitations considérables, voire à une interdiction totale. Tous ces Etats par voie de conséquence, se réservent le droit d'expulser les étrangers dont le séjour sur leur territoire menace l'ordre public99(*). Ces dispositions seront reprises ou tout simplement transposées sur le plan régional et sous-régional africain.

En effet, l'alinéa 2 de l'article 12 dispose :

« 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Ce droit ne peut faire l'objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publique ». Cette disposition qui n'est pas le modèle de précision ouvre un large champ d'action aux Etats. L'ordre, la sécurité, la moralité publiques étant des concepts génériques dont le contenu et les critères peuvent varier au gré des politiques : « les politiques juridiques des différents Etats, en dépit de la diversité ou de la contradiction de leurs contenus, ont en commun la volonté des gouvernements concernés de déterminer leurs conduites en fonction de leurs propres objectifs, c'est-à-dire de leurs intérêts nationaux tels qu'ils les apprécient100(*) ».

Cette subordination aux intérêts nationaux peut passer pour inhérente au concept de politique nationale, quel que soit l'objet de celle-ci. Une fois admis que le gouvernement se dote d'une politique à l'égard de l'élément juridique dans ses relations internationales, cette politique est, comme les autres modelées sur les intérêts spécifiques du gouvernement en question, intérêts divers (aussi bien politiques, sociaux que moraux).

Sur le plan sous-régional, nombre d'institutions d'intégration opposent des restrictions au principe de libre circulation des personnes. En Afrique Centrale comme en Afrique de l'Ouest, la CEDEAO, la CEEAC, l'UMOA limitent ce droit fondamental pour des besoins de sécurité et de « replis identitaires ».

2 - Dispositions restrictives du principe dans le cadre de la

CEMAC et l'UEMOA

Dans les deux espaces économiques d'Afrique Centrale et de l'Ouest, les Etats se réservent le droit d'expulser les étrangers dont le séjour sur leur territoire menace l'ordre public. Il est de la nature d'une expulsion d'être exécutée au besoin par la contrainte.

C'est dans cette logique de limitation et contrôle des entrées et séjours que s'inscrit la convention du 5 juillet 1996 régissant l'UEAC.

L'UEMOA qui survivra à l'UMOA, bien qu'ayant comme objectifs et missions d'abolir les restrictions, de supprimer les obstacles à la libre circulation des personnes, émettra des réserves quant à la liberté d'établissement et de résidence. Dans cette perspective, l'article 91.1 prévoit :

« Sous réserve des limitations justifiées par des motifs d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, les ressortissants d'un Etat membre bénéficient sur l'ensemble du territoire de l'Union de la liberté de circulation et de résidence... » ;

En son alinéa 3 du même article le traité précise que le Conseil adopte des règles

c)- « précisant la portée des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique ».

La question devient d'autant plus complexe et délicate que certaines prérogatives échoient aux Etats membres mus d'une propension d'autarcie et de protection des intérêts et ressortissants nationaux. C'est l'esprit de l'Article 92.3 du traité sus-visé qui énonce :

3.« Le droit d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre publique, de sécurité publique et de santé publique ».

Il est notable que la conception extensive du concept d'ordre public emporte des exacerbations nationalistes et comme l'affirme le Pr. MOUELLE KOMBI, « les égoïsmes nationaux combinés avec la défense jalouse de la souveraineté ont pour implication le caractère dérisoire et fantomatique des stratégies communes101(*) » en matière de libre circulation des personnes, des droits d'établissement et de résidence. Dans ces espaces communautaires, poursuit-il, aura été construit un bel édifice dont la conception est marquée par une

« certaine ambivalence : tout à la fois supra-nationale et super-étatique, elle est un subtil dosage de communautarisme et d'inter-étatisme, de mécanisme de subordination et de coordination102(*) ».

Cette ambivalence se reflète dans la flexibilité de sa structure organique et dans la rigidité de son produit normatif, elle a pour effet le renforcement des nationalismes et du repli identitaires. La lenteur, voire l'évanescence de la mise en oeuvre du principe visé et le peu de discipline par rapport aux engagements pris s'expliquent notamment par les fortes disparités économiques entre les pays membres, la faiblesse du commerce intra-régional et bien d'autres effets davantage parallèles à la dignité et à ces droits fondamentaux de l'homme.

* 96 - LAWSON, A., « Les Etats de l'Afrique Centrale ont raté le départ du ` train de l'intégration' ».

* 97 - L'un des Pactes Internationaux relatifs aux droits de l'homme, signés à New York le 19 décembre 1966, dont l'un

porte sur les droits économiques, sociaux et universels, l'autre aux droits civils et politiques. Ils sont

respectivement entrés en vigueur le 3 janvier 1976 et le 23 mars 1976. Prolongement de la Déclaration Universelle

de 1948 dont ils confèrent force ou caractère obligatoire, ils énoncent tous deux des droits devenus classiques.

L'article 1er de chacun d'eux rappelle le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

* 98 - DONFACK SOKENG, L. Op cit., p. 332.

* 99 -La cour de cassation a rappelé, dans l'affaire BATCHONO (crim., 20 février 1979, Bull., p. 208) que l'expulsion

est une prérogative de l'exécutif, elle souligne : « il est de la nature d'une expulsion d'être exécutée au besoin par

la contrainte ».

* 100 - De Lacharrière G., la politique juridique extérieure, Economia, Paris 1983.

* 101 - MOUELLE KOMBI, N., op cit. P. 223.

* 102 - Ibid., p. 228.

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