Plusieurs foyers de tensions existent aujourd'hui en
Afrique, mais ne reçoivent pas forcément les mêmes
audiences. Certains sont beaucoup médiatisés et d'autres le sont
moins. Cela s'observe dans les moyens mis en oeuvre par la communauté
internationale pour faire cesser telle ou telle crise. On voit comment
l'Organisation des Nations Unies (ONU) s'active dans les conflits en
République démocratique du Congo (RDC) ou en Côte d'Ivoire.
L'implication active de cette dernière, même si elle
connaît des difficultés, contribue de toute façon à
la construction de la paix. Ainsi, l'Onu prend activement part au processus de
désarmement démobilisation et réinsertion
des ex-combattants en Côte d'Ivoire par exemple. Elle tente de
convaincre la communauté internationale de financer le processus de
construction de la paix à l'oeuvre dans certains pays africains. La
continuité de ces conflits dans lesdits pays constitue une menace pour
la paix et la stabilité en Afrique en général et dans le
monde.
Le conflit tchadien, contrairement à ceux qui
s'observent en Côte d'Ivoire ou RDC, ne retient pas l'attention
jusqu'à l'éclatement du conflit au Darfour83(*). Devant ce
désintéressement, les conflits restent une affaire
tchado-tchadienne ; exceptées les interventions des traditionnels
voisins et parrains, la Libye et le Soudan. Ceci explique que les accords de
paix soient le plus souvent conclus sous l'égide de la Libye ou du
Soudan. Les efforts déployés par ces voisins dans la
résolution de ce qu'on appelle « le cancer
tchadien »84(*) sont considérables, il n'en demeure pas moins
que les accords de paix signés sous leurs houlettes ne produisent pas de
grands résultats.
En effet, les actes de réconciliation signés
mettent l'accent sur le désarmement, la démobilisation et la
réinsertion (DDR). Mais dans ces accords, la question des
mécanismes de suivi des accords semble être éludée.
Cette situation aboutit le plus souvent à la négligence du
processus de DDR ; négligence imputable tant aux chefs rebelles
qu'au gouvernement.
Du côté de la rébellion, les chefs
rebelles, une fois accédé aux fonctions ministérielles et
autres postes juteux de l'Etat, oublient la cause pour laquelle ils ont pris
les armes. Ils délaissent ainsi leurs combattants cantonnés pour
la plupart dans une zone en attendant le déclenchement du processus de
DDR. Ces ex-combattants livrés à eux-mêmes vivent dans
des conditions misérables. Dans cette situation, les arnaques de la
population se multiplient ainsi que l'intensification du
phénomène de « coupeurs de routes ». Beaucoup
de ces ex-combattants, sous la direction de certains responsables, finissent
par dénoncer l'accord et se rallient une nouvelle fois à un autre
groupe rebelle ou se constituent en une nouvelle faction ; d'où les
sigles « Rénové »,
« Tendance », « ailes »
observés ça et là dans les formations rebelles
tchadiennes. Ils sont les déchus de l'acte de réconciliation.
C'est un cycle infernal où l'on est gagnant que pour un temps
relativement court.
Cependant les chefs, loin de transformer leur mouvement en
une formation politique, préfèrent fusionner avec le parti au
pouvoir, le MPS. Cette option leur permet de conserver les privilèges
qu'ils viennent d'obtenir.
Du point de vue gouvernemental, c'est l'éternelle
question de finance qui est mise en avant pour ne pas procéder au
programme de DDR. S'il est vrai que les finances font parfois défaut,
il n'est pas à exclure la mauvaise volonté des dirigeants
à respecter les accords de paix. Sinon comment comprendre que tous les
accords de paix signés sous Idriss Déby ont connu ou connaissent
pratiquement le même sort ? Il apparaît que les accords de
paix s'analysent beaucoup plus du côté gouvernemental, comme une
stratégie de guerre visant à affaiblir ou à dissuader
toutes tentatives de nouvelles rébellions.
Et comme il n'existe pas de cadre de suivi des accords, il est
impossible d'évaluer l'évolution des anciens accords pour voir si
le fait de signer un accord au Tchad est synonyme de rétablissement de
la paix ou plutôt un facteur engendrant l'instabilité.
Au demeurant, les accords de paix constituent une porte
d'accès à la richesse nationale pour beaucoup de groupes
rebelles. Par contre, la rébellion apparaît parfois comme un acte
de vengeance pour d'autres groupes.