· B-La
question de la gouvernance
La crise de l'Etat au Tchad prend un accent particulier
depuis un certain temps. Cette tournure s'explique entre autre par le
développement du clientélisme, la généralisation de
la corruption et la « malédiction »
pétrolière. Durant ses premières années de
règne, Idriss Déby avait fait des services centraux de l'Etat
ainsi que de ses extensions (les sociétés nationales) des
instruments de redistribution des privilèges et des prébendes
pour ses proches. Ce système qui fonctionne en faveur des membres de la
famille, du clan, connaît une nouvelle orientation. Il
bénéficie de plus en plus aux courtisans et moins à la
famille elle-même. Certains de ces courtisans occupent des postes
stratégiques dans les sociétés nationales49(*). Ce système permet
l'alimentation d'un vaste réseau de clientélisme et est à
l'origine d'une déperdition fiscale considérable50(*). Cette pratique atteint tous
les services de l'Etat et a permis au Tchad d'obtenir le tristement
célèbre trophée de Transparency International51(*).
A cette corruption ambiante, la gestion du revenu
pétrolier s'invite dans le débat. En effet, les grands espoirs
nés de l'accession du Tchad au club des pays producteurs de l'or noir
vont s'évaporer. Constituant l'investissement le plus
élevé d'Afrique, l'exploitation du pétrole tchadien
était vu comme un modèle grâce à l'adoption de la
loi portant sur la gestion de revenus pétroliers52(*). Cette loi reçu un
échos particulier car elle prévoyait un fonds pour les
générations futures et un collège du contrôle de
surveillance des ressources pétrolières. Mais quelques
années après la promulgation de cette loi et la réception
des premières dividendes, la loi fût modifiée53(*). La nouvelle loi consacre de
facto la disparition du fonds pour les générations futures et une
redéfinition des secteurs prioritaires, désormais laissée
à la discrétion du gouvernement. L'éducation, la
santé, les infrastructures ne sont plus les seuls domaines prioritaires
pour lesquels le revenu du pétrole doit être consacré. La
nouvelle réorientation permet dorénavant d'inclure les secteurs
de l'administration et de la sécurité comme faisant partie des
priorités.
Et aujourd'hui le Président ne se cache pas d'utiliser
l'argent du pétrole pour acheter des armes54(*). Cette situation de gestion
chaotique du revenu pétrolier est présente dans les
revendications des rebelles. Mais il convient aussi de remarquer que les
facteurs déclenchant cette nouvelle vague de rebellions se trouvent
également à l'extérieur du Tchad.
* 49 Pour prendre seulement
l'exemple de la Coton Tchad. Les Directeurs généraux successifs
après Timane ont été promus à des postes importants
au sein du gouvernement. Haroun Kabbadi fut premier ministre de 2002 à
2003. Son successeur Moussa Faki à la Coton Tchad a été
premier ministre en 2003. Il est actuellement ministre des affaires
étrangères.
* 50International Crisis
Group, Tchad : Un nouveau cadre de conflit, op. cit. p.4
* 51 Tranparency
International a classé le Tchad parmi les pays les plus corrompus de la
planète au cours des trois dernières années. De
145éme sur 149 en 2004, à 162ème sur 162 en 2005, il a
occupé la 160ème sur 166 en 2006. cf. site de Transparency.
* 52 Loi N°1 du 11
janvier portant sur la gestion du revenu pétrolier. Cette loi identifie
les ressources financières et oblige le gouvernement à les
inscrire intégralement au budget de l'Etat.
* 53 Loi N°2 du 11
janvier 2006.
* 54 Lire Cheik Yérim
SECK « Idrss Déby Itno « Je ne suis pas un
tueur ni un dictateur », Jeune Afrique N°2531 du 12 au
18 juillet 2009 pp.21-26
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